Économie

Le grand retour de l'or : le prix du métal jaune atteint des records historiques

Par Peter Bannister. Synthèse n°2474, Publiée le 12/05/2025 - Crédits photo : Crédit photo : Andrzej Barabasz / Wikimedia Commons
Depuis quelques mois, le prix de l'or ne cesse de battre des records sur les marchés internationaux, interrogeant les analystes économiques mais aussi géopolitiques. Nous revenons ici sur la question du rôle historique de l'or dans le système monétaire global et de son retour en force, porté par l'Asie et la volonté des pays des BRICS de contrer l'hégémonie des USA.

Longtemps décrié par beaucoup d'économistes comme un actif démodé, l'or fait son grand retour sur les marchés internationaux. Depuis quelques mois, le prix du métal jaune a atteint des records historiques qui ont suscité l'intérêt non seulement des investisseurs potentiels, mais aussi de ceux qui voient le prix de l'or comme un indicateur d'éventuels problèmes à la fois économiques et géopolitiques.

Historiquement, les métaux précieux ont servi de garantie de la valeur réelle des monnaies depuis l'Antiquité, d'abord directement (en termes de pourcentage d'argent dans les pièces), puis indirectement en adossant la valeur des billets de banque aux réserves d'or, notamment par le fameux étalon-or (gold standard). Le but de l'étalon-or était d'empêcher aux États de créer des billets à volonté sans couverture (provoquant ainsi l'hyperinflation), car la quantité d'or en circulation est limitée par sa rareté et le métal ne peut pas être imprimé… L'étalon-or n'a pourtant fonctionné de manière classique qu'entre 1871 et 1914 ; comme l'explique Mehreen Khan, rédactrice économique du Times britannique, il a été suspendu à plusieurs reprises après 1914, notamment par les pays voulant financer des guerres sans hausse brutale des impôts. Un problème majeur de l'étalon-or a été son caractère restrictif en temps de crise (certains estiment notamment qu'il a exacerbé la Grande Dépression des années 1930 aux États-Unis). En 1944, le dollar a été adossé à l'or suite aux accords de Bretton Woods (prix 35 dollars par once). Le taux du dollar et des autres monnaies qui gravitaient autour, était donc ajustable dans des limites très étroites, ce qui permettait d'empêcher des politiques inflationnistes. Le 15 août 1971, Richard Nixon décide de retirer les USA du système, après des années où d'autres pays, dont la France, accusaient Washington d'abuser de sa position privilégiée. Pour financer les services publics et la guerre au Viêtnam, les Américains avaient effectivement émis des dollars, dont le total nominatif, excédait la quantité d'or que ces billets étaient censés représenter… En 1971, les demandes compréhensibles de plusieurs pays de convertir leurs dollars en or, ont obligé Nixon à suspendre la convertibilité du greenback en métal jaune. À partir de ce moment-là, l'or perd son rôle central dans le système monétaire international, remplacé par des monnaies « fiat », qui ne sont adossées à aucune marchandise comme l'or, l'argent ou le pétrole, et dont les taux dépendent uniquement du niveau de confiance auprès des acheteurs.

L'or a pourtant toujours eu ses inconditionnels (goldbugs), dont les partisans de l'« École autrichienne », qui considèrent que les monnaies « fiat » sont intrinsèquement instables et responsables de l'explosion de l'endettement mondial. En effet, rien n'empêche actuellement les banques centrales de créer l'argent ex nihilo, même si la fameuse « planche à billets » a été remplacée par des moyens très sophistiqués, dont l'assouplissement quantitatif (quantitative easing), pratiqué pour stimuler l'économie mondiale, surtout après la crise financière de 2007-2008. Pour les détracteurs des monnaies « fiat » et de bulles spéculatives en bourse (basées sur les crédits faciles), l'or continue à être la valeur refuge par excellence contre les chocs économiques. Selon cette ligne de pensée, ce n'est pas la valeur du métal qui change avec le temps, mais celle des monnaies (de 35 dollars à l'époque de Bretton Woods, le prix de l'once d'or grimpe à présent à 3278 dollars).

On pourrait penser que la montée spectaculaire de l'or reflète la peur d'un nouveau krach économique, exacerbée par les actions imprévisibles de Donald Trump depuis le 20 janvier. Cependant, il semblerait que d'autres facteurs seraient également en jeu. Le nouvel engouement pour l'or vient surtout d'Asie, où les grands acheteurs sont les bijoutiers (dont le marché reflète le prestige ancestral de l'or dans le monde musulman et en Inde en particulier), mais aussi des banques centrales, un tournant majeur qui présage une montée durable du prix. La motivation de la Banque de Chine est en grande partie géopolitique. Voulant contrer l'hégémonie des USA (et cela bien avant la guerre des droits de douane actuelle), les achats chinois vont de pair avec le projet à long terme de construire un système monétaire alternatif sans le dollar, dont le premier jalon a été le « pétroyuan ». Cette volonté est clairement partagée par d'autres pays des BRICS et s'est accélérée depuis l'imposition des sanctions sur la Russie suite à l'invasion de l'Ukraine, notamment son exclusion du système bancaire SWIFT et le gel de ses actifs en Occident. La cheffe de la Nouvelle banque de développement ou « Banque des BRICS » basée à Shanghai est l'ancienne présidente brésilienne Dilma Rousseff, dont la ré-élection au mois de mars a été négociée par Vladimir Poutine et Luiz Inacio Lula da Silva (présent tout comme Xi Jinping lors du défilé du 9 mai à Moscou). En septembre 2024, Andreï Mikhailishin du BRICS Business Council, a confirmé à TASS que le bloc veut créer une unité d'échange pour un système de paiement international qui serait lié à l'or à 40% (l'autre 60% étant lié aux devises nationales). On verra bien si le projet se concrétisera, mais ses éventuelles conséquences seraient certainement très importantes.

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