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Derrière la fureur de la rue, les États arabes soutiennent-ils la Palestine ?

Par Ludovic Lavaucelle - Publié le 25/10/2023 - Illustration : Shutterstock

Depuis le 7 octobre et l'attaque terroriste du Hamas en Israël – suivie des représailles de l'État hébreu sur la bande de Gaza – la « rue arabe » est en ébullition. La cause palestinienne rassemble massivement les opinions publiques des pays arabes et – au-delà – partout où les communautés musulmanes sont importantes. De la théocratie chiite iranienne à la dictature militaire algérienne jusqu'à la monarchie parlementaire malaisienne – le cri de ralliement « Free Palestine » résonne sous tous les climats. Les sondages sont clairs : malgré les atrocités commises par le Hamas, la rue musulmane accuse Israël… Dans un tel contexte, on peut s'étonner du peu d'empressement des dirigeants des pays limitrophes à soutenir la création d'un État palestinien. C'est sans doute parce qu'ils n'ont jamais reconnu l'existence d'une « nation palestinienne » suggère le chercheur Tomas Pueyo sur son blog (notre sélection).

L'émergence du nationalisme a été tardive dans le monde arabe dominé par de grands empires. L'effondrement ottoman à la sortie de la Première Guerre mondiale et les promesses du célèbre agent « Lawrence d'Arabie » ont fait naitre le panarabisme : l'idée d'une nation arabe englobant toute la péninsule, l'Irak et la Syrie jusqu'aux rives de la Palestine. Mais les Alliés ont affaibli cette agrégation anti Ottomane en traçant la ligne Sykes-Picot qui délimitait les zones contrôlées par les Britanniques et les Français. Cette ligne arbitraire est aujourd'hui la frontière entre le Liban et Israël, entre la Syrie et la Jordanie – des pays tous récents qui n'ont plus grand-chose à voir avec les provinces ottomanes anciennes.

Les Britanniques ont décidé en 1920 de créer un territoire – la « Palestine mandataire ». Il ne s'agissait pas d'une « nation » mais d'une région administrative de l'Empire Britannique au même titre que l'Égypte et la Jordanie. Lors de la guerre de 1948, l'Égypte a occupé la bande de Gaza alors que la Jordanie contrôlait la Cisjordanie sans chercher à « libérer » ces territoires. Quand la Guerre des Six Jours éclate en 1967, Israël chasse les Égyptiens de la bande de Gaza et les Jordaniens de la Cisjordanie. Le Caire n'avait pas d'ambition expansionniste et la bande de Gaza était très difficile à défendre derrière le désert du Sinaï. Le « deal » avec Israël faisait sens : on laisse l'État hébreu occuper Gaza en échange de la péninsule du Sinaï qui garantit à l'Égypte une zone tampon à l'Est… Les Jordaniens étaient dans le même état d'esprit : le Jourdain est une frontière déjà reconnue au sein de l'Empire ottoman. Mieux valait faire la paix avec le nouveau voisin juif. C'est dans ce climat d'abandon par les voisins arabes que le sentiment national palestinien a vu le jour.

Si la cause palestinienne a servi de cri de ralliement pour la « rue arabe », c'est au contraire la défiance qui a dominé la politique des dirigeants arabes. Aujourd'hui, l'Égypte exerce un blocus total au sud de Gaza, bloquant 2 millions de personnes de concert avec Israël. Le Caire a même durci sa politique après les attaques islamistes au Sinaï en 2014. L'alliance américaine (et donc les dollars) est plus importante que la cause. La Jordanie de son côté a cessé toute assistance financière à la Cisjordanie depuis 1988, n'accorde plus de citoyenneté aux Palestiniens et empêche 600 000 réfugiés palestiniens de traverser la frontière syrienne. N'oublions pas « Septembre noir » en 1970 : l'armée jordanienne écrasa l'OLP (conseillée par les Chinois). Le problème reste très sensible pour le roi de Jordanie : 60 % de la population de son pays est d'origine palestinienne. Le très riche Koweït lui aussi n'a pas hésité à expulser près de 400 000 Palestiniens après la Guerre du Golfe, soupçonnant l'OLP de pactiser avec l'Irak. Le Liban n'est pas en reste : c'est la masse des réfugiés palestiniens sur son sol qui a fait exploser la guerre civile. Les camps de réfugiés sont de véritables ghettos largement militarisés soit par le Hamas soit par le Fatah. Chrétiens et Chiites libanais n'ont aucune intention de laisser ces masses sunnites devenir libanaises… Les Syriens ont toujours considéré la Palestine et le Liban comme faisant partie de leur territoire. C'est l'armée syrienne qui est intervenue au Liban pour combattre l'OLP pendant la guerre civile…

 « Nous sommes tous des Palestiniens, mais qu'ils ne viennent pas chez nous » : voilà la politique des pays arabes de la région. L'idée promue par la communauté internationale de créer un État palestinien est non seulement rejetée par une partie des Israéliens mais aussi compromise par les oppositions dans le monde arabe. La bande de Gaza et la Cisjordanie sont deux territoires séparés et dirigés par des factions opposées. Le Hamas ne veut pas d'État palestinien mais effacer Israël de la carte… L'armée égyptienne considère le Hamas, émanation des Frères Musulmans, comme un ennemi. Et la monarchie jordanienne voit dans le Fatah, l'héritier de l'OLP marxiste, un danger pour sa stabilité…

La sélection
Do Arab States support Palestine ?
Lire l'essai sur : Unchartered Territories
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1 commentaire
Le 26/10/2023 à 12:06
Je crois pas que l'on verra une trève entre les deux belligérants car l'un veut la disparition d'Israêl et l'autre lutte pour sa survie , à mon avis les seconds ont pour la paix mondiale , les autres ne sont pas capables de bâtir une nation avec les deux factions opposées.
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