Santé

Ce cannabis qui « rend fou »

Par Clara Molnar. Synthèse n°2531, Publiée le 27/08/2025 - Photo : Les effets de la consommation de cannabis, largement banalisée, sont loin d'être innocents. Crédits : Shutterstock.
Le cannabis est LA drogue la plus banalisée en France, largement consommée par toutes les générations, et dont la dépénalisation serait – aux dires de ses partisans – une simple question de temps. Et pourtant. Dans les pays où la fumette est légale, les chiffres de la santé mentale, et notamment l'envolée des cas de schizophrénie chez les consommateurs de cannabis, inquiètent.

Le cannabis bénéficie d'une image « douce » et festive. Le pétard qui fait rire. La drogue sympa. Mais la réalité de la consommation est différente, et il suffit d'écouter les « accros ». Sur le forum de Drogues Info Services, les témoignages des personnes droguées ne font pas envie. Premier témoignage d'une jeune femme de 33 ans : « Le shit a toujours fait partie de ma vie et participé à la détruire. En effet, dans ma famille, la consommation est banalisée depuis toujours. Mon père, qui depuis s'est tué dans un accident de voiture, la barrette dans la boîte à gants, fumait, ma mère également qui a été diagnostiquée schizophrène dans sa jeunesse ⌈…⌋ quand je vois la banalisation qui en est faite toute la journée, « drogue douce » on dit, et bien vu l'état dans lequel je suis actuellement, je peux affirmer que non. »

Deuxième témoignage de November891 : « J'ai 25 ans, je fume du shit depuis 5 ans quotidiennement (5 à 7 joints par jour) , j'ai littéralement perdu ces 5 années... Je ne sais pas si la dépression a accentué ma consommation ou l'inverse (ou les deux), mais je me suis isolée totalement. »

Et un dernier témoignage d'un jeune au triste pseudonyme, Nihilus : « J'ai 19 ans, et j'ai plus aucun espoir en rien. Je n'ai plus que la weed. Je fume environ 10 à 12 joints dans la journée actuellement. […] Je vois un psychiatre et j'ai commencé un traitement antidépresseur, mais je sais que c'est pas ça tout seul qui me sortira de la merde. » Le constat de ces personnes droguées est amer et leurs témoignages font tous référence à la santé mentale.

Le grand responsable de l'impact du cannabis sur le cerveau, c'est le THC (pour tetrahydrocannabinol), le principe du cannabis qui agit par l'intermédiaire des récepteurs cannabinoïdes CB1 situés sur les neurones. « En se fixant sur ces récepteurs, le THC les détourne de leur rôle physiologique qui consiste à réguler la prise alimentaire, le métabolisme, les processus cognitifs et le plaisir. La sur-stimulation des récepteurs CB1 par le THC va en revanche provoquer une diminution des capacités de mémorisation, une démotivation et progressivement une forte dépendance », comme on peut le lire sur le site de l'Inserm.

Si à faible dose, le cannabis peut être un temps récréatif, il a – à des doses plus élevées – l'effet inverse : symptômes psychotiques, troubles de la mémoire et de la perception. La schizophrénie, qui est une maladie mentale classée dans la catégorie des troubles psychotiques, peut être amplifiée voire déclenchée par le THC. « Plusieurs études ont démontré que l'utilisation régulière de cannabis, en particulier de souches riches en THC, peut augmenter le risque de développer des symptômes psychotiques. Le THC impacte le système en charge de la régulation de l'humeur, de la mémoire et de la perception, ce qui peut provoquer des anomalies dans la neurotransmission, contribuant ainsi à l'apparition de ces symptômes », apprend-on par le site de Addictions France.

Aujourd'hui, le problème est le suivant : du fait des politiques de dépénalisation du cannabis, l'offre s'accroît, les produits se diversifient… et les concentrations en THC s'emballent. En Amérique du Nord – Canada et Etats-Unis - et en Europe, la concentration de THC dans les produits aurait doublé entre 2008 et 2020. On trouve désormais des extraits concentrés à plus de 60 % en THC, alors que les produits à base de fleurs, à faible concentration (inférieure à 15 %) sont moins accessibles.

Et ce sont bien ces hautes valeurs en THC que les études récentes mettent en corrélation avec les problèmes de santé mentale. Le 4 mai 2025, une étude de la revue Psychological Medecine démontre qu'au Danemark, les cas de schizophrénie ont augmenté entre 2006 et 2016, période où la consommation de cannabis dans ce pays a fortement augmenté, avec des teneurs en THC qui se sont envolées de 13 % de THC en moyenne en 2006 à 30 % en 2016. Ce qui se passe au Danemark se passe aussi en France. Selon la MILDECA (pour mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives), en France, « la résine de cannabis est en moyenne 4 fois plus concentrée en THC en 2018 qu'il y a 20 ans par exemple ».

La population la plus à risque face à cette offensive-cannabis, c'est l'adolescent et le jeune homme jusqu'à 25 ans. En effet, le cerveau des jeunes est en phase de maturation jusqu'à 24 ou 25 ans. Avant, il n'est pas mûr, à la fois plus sensible et moins armé contre les effets du THC. Or selon les derniers chiffres, 30 % des jeunes de 17 ans ont déjà expérimenté le cannabis. Des produits plus forts et des consommateurs très jeunes : c'est le malheureux « combo gagnant » pour constater des effets à long terme sur la santé mentale de nos jeunes. « Les études montrent que la consommation de cannabis à l'adolescence entraîne des perturbations cognitives, physiologiques et comportementales d'autant plus délétères et persistantes que les consommations sont précoces […] L'usage de cannabis peut également précipiter la survenue de troubles psychiatriques (anxieux, dépressifs, syndromes psychotiques) », peut-on lire dans ce rapport de la MILDECA.

La sélection
François Diot : « Dans tous les pays où la légalisation du cannabis est une réalité, le crime organisé et le trafic de drogue ne diminuent pas »
Le Figaro
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