
Victoire du PSG et violences : un symptôme de décivilisation
C'était écrit, ce n'est pas bien grave, passons à autre chose... « Le PSG champion d'Europe : l'inévitable cortège de drames et de violences », titrait ainsi, Le Parisien, au lendemain de la victoire parisienne en Ligue des Champions. Inévitable, vraiment ? Alors qu'une partie de la presse jugeait que seule la victoire est belle, après les exactions commises à Paris au soir de la victoire du club parisien en Ligue des champions, d'autres médias, eux, faisaient le choix de minorer la gravité des faits. La matinale de France Inter, n'y consacrait que 3 minutes chrono en 3 heures d'antenne. « Pourquoi en parler si peu ? », s'interrogeait Pascal Praud dans l'Heure des Pros, le 3 juin sur Cnews. « Ce serait pointer la responsabilité de casseurs venus des banlieues et majoritairement de l'immigration : occulter ces faits graves, révèle un choix idéologique, un parti-pris politique. » La presse étrangère en aura finalement plus fait état, que le service public de l'information, rapporte Le JDD, parlant d'une « fête qui vire à la guérilla. »
Saccages, voitures incendiées, pillages, agressions sexuelles, tirs de mortiers contre les forces de l'ordre... Malgré un dispositif de 5 400 hommes déployés dans la capitale, la nuit de fête déclenchée par le sacre du PSG a rapidement tourné au chaos. Des « barbares sont venus pour commettre des délits et provoquer les forces de l'ordre », a notamment réagi le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau. Pour le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, cette nuit de violences n'aura été « ni une réussite ni un échec », avec plus de 560 interpellations dans le week-end, des dizaines de blessés, et 323 gardes à vue. Des chiffres inédits, même dans l'Hexagone... « Des agressions sexuelles de rue sur de très jeunes femmes, par des hommes qui se massent en meute autour d'elles, ont également été à déplorer, tandis que plusieurs pompiers ont également été pris à partie... En quoi enfiler un maillot de supporter du PSG donnerait un totem d'immunité pour fracasser, voler, harceler, incendier, ou écraser ? Pourquoi la violence serait-elle moins grave quand elle vient des supporters de foot ? », rappelle Isabelle Saporta sur l'antenne de RTL. « Un bilan à comparer avec les quelque 47 personnes interpellées à l'issue de la demi-finale PSG-Arsenal le mois dernier, avec les 292 gardes à vue (dont 90 à Paris) pour la finale de la Coupe du monde 2018 (45 policiers et gendarmes blessés) et avec les 227 interpellations (dont 47 en région parisienne) après celle de 2022 », recense Le Figaro. « Dès qu'on est sortis du parc [des Princes, NDLR], au fur et à mesure de la soirée, on a vu que ça partait en live. C'est dommage, c'est nul », réagissait un supporter au micro de TF1. Par ailleurs, à Coutances, un policier grièvement blessé le 31 mai au soir par un tir de mortier au visage, a dû être placé dans le coma artificiel. Une cagnotte en ligne a été créée pour sa famille.
Un tel niveau de violence est tout sauf un épiphénomène, et constitue plutôt « une énième illustration du processus de décivilisation », estime Olivier Baccuzat dans les colonnes de L'Opinion. « Dans un monde normal, seule une liesse bon enfant aurait éclaté après le triomphe du PSG en Ligue des champions. Aussi prestigieuse soit-elle, comment une rencontre de foot peut-elle engendrer une telle pulsion de haine et de destruction ? Comme si, pour leurs auteurs, ces violences faisaient partie du folklore, quelle que soit l'issue du match. (…) Contrairement à ses voisins – Londres, Madrid, Manchester ou Munich ne sont pas à feu et à sang après une victoire en finale – la France est coutumière de ces débordements, qui ne se circonscrivent pas au monde du foot. Dégradations et mises à sac sont, hélas, récurrentes, avec souvent les mêmes fauteurs de troubles, à la Saint-Sylvestre ou au 14 juillet, jour pourtant de concorde nationale, ce qui en dit long sur la France d'aujourd'hui, en perte de repères, détestée par certains de ses enfants. » Les Champs-Élysées se souviennent d'ailleurs de 1998 et de 2018...
« En Espagne, ça ne dégénère jamais comme ça », réagit-on de l'autre côté des Pyrénées au lendemain de la victoire du PSG sur l'Inter de Milan. Il faut dire que, là-bas, les dernières violences notables remontent à plus de quinze ans... « Le football, ce n'est pas ça », a réagi Emmanuel Macron au moment de recevoir l'équipe du PSG à l'Élysée, condamnant les violences « inacceptables » qui ont émaillé et « endeuillé » la soirée de célébrations. « Nous poursuivrons, nous punirons, on sera implacables ». Mais entre l'affirmation et les faits, là aussi, le gouffre est abyssal. D'abord parce que ces violences sont typiquement un phénomène français, et récurrent. Lors de la défaite du PSG contre le Bayern de Munich, 158 personnes avaient été interpellées et presque autant en garde à vue, alors que des commerces avaient été pillés non loin des Champs-Élysées. Et comment oublier le mensonge de Gérald Darmanin sur les « Anglais » du Stade de France, en 2022 ?
« Que leur équipe perde ou gagne, ces pseudos supporters se comportent de la même façon » constate pour sa part Eric Zemmour. « Ils défient la police, les pompiers, le moindre uniforme français. Ils cassent, pillent, volent, agressent et brûlent. Ils font la même chose à chaque fois qu'ils en ont l'occasion. Ce sont les mêmes. Les violences de samedi n'ont rien à voir avec le foot. Elles sont les premiers symptômes d'une guérilla de civilisation. » Bruno Retailleau ne dit guère autre chose en estimant que « si ce n'était qu'une question de maintien de l'ordre, ce serait déjà résolu. C'est une question de société. Il va falloir reconstruire une société sur d'autres piliers, d'autres murs porteurs qui ont été méticuleusement déconstruits ces dernières décennies. » À commencer par celui de la justice : malgré les comparutions immédiates, aucune condamnation ferme n'a été prononcée. Nul ne dormira en prison, même pour avoir tiré des projectiles sur les forces de l'ordre. Un acte pourtant puni en théorie de trois à cinq ans de prison ferme et 45 000 euros d'amende. Au final, le parquet n'aura demandé que du sursis, des travaux d'intérêts généraux non prononcés et quelques centaines d'euros d'amendes. Que les peines prononcées soient sans rapport avec celles encourues constitue, au fond, une incitation à surtout ne rien craindre de la justice. Et à recommencer.