Une arche de Noé pour les langues en danger
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Une arche de Noé pour les langues en danger

Par Judikael Hirel - Publié le 17/02/2023 - Illustration : Pixabay
Il en est des langues comme des civilisations : tôt ou tard, elles finissent par disparaître. C’est pourquoi une équipe de chercheurs du CNRS travaille à constituer une véritable arche de Noé des langues. Un projet baptisé Pangloss, du grec « toutes les langues ». La découverte de Champollion il y a 200 ans de cela montre toute la complexité qu’il peut y avoir à déchiffrer une langue ancienne éteinte. Tout récemment, c’est d'ailleurs un archéologue français, François Desset, qui est parvenu à déchiffrer l'élamite linéaire, une écriture datant de plus de 4000 ans. Mais on ne dispose hélas pas d’une pierre de Rosette, d'une découverte bilingue, pour chaque langue disparue, bon nombre ne se transmettant qu’à l’oral. La plupart des langues qui ont existé sur Terre ne sont à ce jour plus parlées. Et même si des équipes du MIT travaillent à créer une intelligence artificielle (IA) capable de déchiffrer automatiquement des langues éteintes depuis des siècles, le but est encore loin d’être atteint.

Se lancer dans un projet de collecte des langues en danger a donc toute son utilité. En effet, sur les environ 7000 langues encore parlées à l’heure actuelle à travers le monde, une bonne moitié pourraient bien avoir disparu à la fin de ce siècle. Une véritable extinction de masse comparable à celle de la biodiversité. Avec chacune des langues qui cessent d’être transmises et parlées chaque année, c’est une part d’une culture, d’un peuple, d’une histoire, que l’on perd également. Quelles sont les raisons de ces disparitions ? D’abord la répartition des idiomes : quand une vingtaine de langues représentent la moitié des êtres humains, 97% d’entre elles ne sont parlées que par 4% de l’humanité. Du fait de cette répartition plus que déséquilibrée, la diversité linguistique est d’autant plus fragile. En la matière, on ne peut d'ailleurs pas dire que la France ait fait le moindre effort pour préserver ses langues dites régionales, perçues jadis comme un frein à l’intégration républicaine.

Depuis 1976, le laboratoire de recherche pluridisciplinaire (linguistique et anthropologie) LACITO (pour Langues et Civilisations à Tradition Orale) se consacre à l’exploration de la diversité des langues et des civilisations à tradition orale. Dès 1995, il lance un projet d'archivage des données orales recueillies. Tout l’enjeu du projet finalement baptisé Pangloss par le CNRS en 2012 est donc de garder la trace de ces langues en danger avant qu’elles ne disparaissent. Comment ? En les collectant et en les enregistrant pour les conserver dans une arche de Noé linguistique à transmettre aux générations à venir. La collection Pangloss se présente comme une « archive ouverte de langues en danger et sous-documentées ». Y sont rassemblés tous les enregistrements recueillis par les chercheurs au fil de leurs enquêtes de terrain sur tous les continents. On y retrouve en ligne des enregistrements de langues rares collectés par des linguistes professionnels à consulter et à télécharger librement. Cette arche de Noé des langues comprend à l’heure actuelle 1200 heures d'écoute dans plus de 190 langues. Environ la moitié des enregistrements (2800 sur 5700) sont transcrits et annotés, ce qui permet à tout un chacun de parvenir à en comprendre le contenu.
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