
Une arche de Noé pour les langues en danger
Se lancer dans un projet de collecte des langues en danger a donc toute son utilité. En effet, sur les environ 7000 langues encore parlées à l’heure actuelle à travers le monde, une bonne moitié pourraient bien avoir disparu à la fin de ce siècle. Une véritable extinction de masse comparable à celle de la biodiversité. Avec chacune des langues qui cessent d’être transmises et parlées chaque année, c’est une part d’une culture, d’un peuple, d’une histoire, que l’on perd également. Quelles sont les raisons de ces disparitions ? D’abord la répartition des idiomes : quand une vingtaine de langues représentent la moitié des êtres humains, 97% d’entre elles ne sont parlées que par 4% de l’humanité. Du fait de cette répartition plus que déséquilibrée, la diversité linguistique est d’autant plus fragile. En la matière, on ne peut d'ailleurs pas dire que la France ait fait le moindre effort pour préserver ses langues dites régionales, perçues jadis comme un frein à l’intégration républicaine.
Depuis 1976, le laboratoire de recherche pluridisciplinaire (linguistique et anthropologie) LACITO (pour Langues et Civilisations à Tradition Orale) se consacre à l’exploration de la diversité des langues et des civilisations à tradition orale. Dès 1995, il lance un projet d'archivage des données orales recueillies. Tout l’enjeu du projet finalement baptisé Pangloss par le CNRS en 2012 est donc de garder la trace de ces langues en danger avant qu’elles ne disparaissent. Comment ? En les collectant et en les enregistrant pour les conserver dans une arche de Noé linguistique à transmettre aux générations à venir. La collection Pangloss se présente comme une « archive ouverte de langues en danger et sous-documentées ». Y sont rassemblés tous les enregistrements recueillis par les chercheurs au fil de leurs enquêtes de terrain sur tous les continents. On y retrouve en ligne des enregistrements de langues rares collectés par des linguistes professionnels à consulter et à télécharger librement. Cette arche de Noé des langues comprend à l’heure actuelle 1200 heures d'écoute dans plus de 190 langues. Environ la moitié des enregistrements (2800 sur 5700) sont transcrits et annotés, ce qui permet à tout un chacun de parvenir à en comprendre le contenu.
