Taïwan : la réunification par la force avec la Chine est-elle inéluctable ?
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Taïwan : la réunification par la force avec la Chine est-elle inéluctable ?

Par Peter Bannister - Publié le 17/04/2023 - Photo : Taipei, AFP / Ministère de la Défense Nationale de Taïwan
Au cours des dernières semaines, l'attention des médias internationaux s'est concentrée sur le détroit de Taïwan, où la Chine vient de mener d'intenses exercices militaires appelés « Joint Sword », simulant l'encerclement de l'île que Pékin considère comme une province rebelle. Il s'agit de la réplique chinoise à la rencontre aux USA entre la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen et le speaker de la Chambre des représentants des États-Unis, Kevin McCarthy, la deuxième réunion de haut niveau entre responsables américains et taïwanais après la visite de Nancy Pelosi à Taipei en août 2022. La Chine accuse les USA d'apporter un soutien illégitime aux séparatistes taïwanais, tandis que les USA ont adressé de sévères mises en garde à la Chine contre toute intimidation militaire à l'encontre de l’île. Côté français, ayant rendu visite à Xi Jinping juste avant les exercices, Emmanuel Macron a suscité de nombreux commentaires en France et à l'étranger par ses propos semblant indiquer que la France ne suivrait pas nécessairement la ligne des USA en cas d'invasion de Taïwan par la Chine.

Les racines du conflit entre Pékin et Taïpei remontent à 1949 : ayant perdu la guerre civile face à Mao Zedong, les nationalistes chinois de Chiang Kai-Shek se réfugient sur l'île, renommée la République de Chine, avec le soutien des Américains, par opposition à la République populaire de Chine, soutenue par l'URSS. Pendant plus de 20 ans, l'Occident reconnaît Taipei comme la seule capitale légitime de la Chine, mais en 1971, à l'époque de l'établissement des relations diplomatiques avec le régime de Mao (quelques mois avant la fameuse visite de Richard Nixon à Pékin), Taïwan perd son siège à l'Assemblée générale de l’ONU. Le statut de l'île-démocratie autonome de 24 millions d'habitants reste ambigu. D'une part, Taïwan n'a de relations diplomatiques qu'avec 12 pays plus le Saint-Siège ; les États-Unis et l'UE souscrivent officiellement à la « politique d'une seule Chine », selon laquelle l’unique autorité chinoise est celle de Pékin. D'autre part, Taïwan est un partenaire militaire et économique important de l'Occident (notamment en tant que producteur de semi-conducteurs). La plupart des pays s'abstiennent de légitimer le « principe de la Chine unique » promu par Pékin avec sa revendication territoriale de Taïwan, désormais alliée à son refus de se limiter à des moyens pacifiques pour aboutir à la réunification.

La question des relations avec la Chine divise l'opinion politique taïwanaise : l’ancien président Ma Ying-jeou (2008-2016) a prôné le rapprochement avec Pékin, mais les succès électoraux de Tsai Ing-Wen en 2016 et 2020 ont été le reflet d’un virage dans l'opinion publique, 90,1% des Taïwanais exprimant leur opposition à la politique d'une seule Chine selon un sondage de mars 2020. Cette évolution est due en partie à une réaction contre le blocage chinois de la participation de Taïwan à l'OMS au début de la pandémie du covid-19, mais aussi à la sympathie pour Hong Kong face à la répression des activistes pro-démocratie. Une sympathie très forte chez les jeunes : une enquête de l'Academia Sinica en mai 2020 a montré que 85% des Taïwanais âgés de 18 à 34 ans soutenaient les résistants à Hong Kong.

Pour le moment, malgré la montée évidente des tensions dans la région indo-pacifique, la plupart des commentateurs estiment qu'une attaque militaire chinoise contre Taïwan n'est pas imminente, malgré la rhétorique contre le séparatisme taïwanais, qualifié de « tumeur cancéreuse » à éliminer de manière chirurgicale. Les analystes considèrent que la Chine n'a pas encore la capacité militaire de prendre l’île sans d’énormes pertes humaines et que l'option la plus probable pour pousser Taïwan à la réunification serait donc un blocus économique. Néanmoins, dans les cercles militaires américains, on évoque les dates de 2025 et 2027 à l'égard d'une guerre éventuelle, au motif que la Chine pourrait être tentée d'attaquer soit à l'occasion des élections présidentielles américaines en novembre 2024, soit à la fin du troisième mandat présidentiel de Xi Jinping (2027).

Quel que soit le calendrier d'une invasion ou d'un blocus de Taïwan, l’opposition internationale à l'hégémonie régionale chinoise s’organise, illustrée par la coalition "AUKUS" (Australie/Grande-Bretagne/USA) concernant les sous-marins nucléaires, qui sera bientôt rejointe par le Japon. Les exercices militaires « Balikatan » (11-28 avril) entre les USA et les Philippines (avec la participation de 100 Australiens) ont également retenu l'attention en Asie de l'Est. Bien qu'il s'agisse de manœuvres annuelles, ces exercices, les plus grands jamais organisés, ont une résonance particulière dans le contexte actuel (les îles philippines les plus septentrionales se trouvent à seulement 190 km de Taïwan). Alors que l'ancien président philippin Duterte était fortement pro-chinois, son successeur Ferdinand Marcos Jr. a réorienté sa politique étrangère vers les USA, irritant Pékin avec un récent accord (ECDA) étendant l'accès des États-Unis aux bases militaires aux Philippines, dont 3 orientées vers le nord, en direction de Taïwan.
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