Santé

Santé mentale : la parole se libère mais les soignants manquent toujours de moyens

Par Clara Molnar. Synthèse n°2489, Publiée le 29/05/2025 - Crédits photo : Shutterstock
En 2025, la santé mentale est notre grande cause nationale. Les troubles psychiques tels que la dépression, l'anxiété, la schizophrénie, les troubles du comportement ou les addictions en tout genre, touchent des millions de Français. Face au tabou de la maladie psychique, les mentalités évoluent tout doucement… sur fond de manque de moyens pour les soignants.

Brosser le tableau de la santé mentale des Français est un exercice déprimant. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. « 13 millions de personnes présentent un trouble psychique chaque année en France », peut-on lire sur le site du gouvernement. Dans le détail : les troubles anxieux et dépressifs sont les plus répandus, avec 15 à 20 % des personnes touchées au moins une fois au cours de leur vie. La schizophrénie ? 600 000 personnes. La bipolarité : peut-être 1 600 000.

Mais pourquoi allons-nous si mal ? Les maladies mentales ne sont pourtant pas nouvelles. En son temps, Aristote parlait déjà de mélancolie. Il n'empêche, le phénomène s'amplifie aujourd'hui : modes de vie stressants, délitement du lien social et familial, épidémie de Covid et confinements ont isolé et fragilisé des personnes déjà en détresse. Le sommeil ou plutôt le manque de sommeil est également déterminant : une étude récente de l'Institut national du sommeil et de la vigilance fait un lien direct entre la somnolence et la santé mentale. En clair, moins on dort et plus on déprime.

Nos jeunes sont particulièrement touchés. Un reportage de M6 intitulé « Santé Mentale, nos ados en danger » l'explique remarquablement. Les écrans omniprésents mangent le temps et le moral de nos enfants qui ont perdu en moyenne une heure de sommeil par nuit, l'équivalent de 52 nuits blanches par an. C'est considérable. Selon un récent baromètre Ipsos, 45 % des adolescents en France seraient concernés par des troubles de l'anxiété.

Dernière raison de cet état des lieux et pas des moindres : la santé mentale manque de moyens. La psychiatrie est le parent pauvre du monde de la santé. Alors qu'elle est le premier poste de dépense de la Sécurité sociale (14 % des dépenses de santé) devant les cancers, les maladies cardiovasculaires et le diabète, seulement 4 % des budgets en matière de recherche lui sont consacrés. « Les défis à relever en santé mentale sont considérables et passent par la recherche : une meilleure compréhension des maladies psychiatriques permettra de les prévenir, de développer une médecine personnalisée et de les déstigmatiser », souligne Valérie Lemarchandel, directrice scientifique de la Fondation pour la Recherche Médicale.

Manque de moyens, donc, et parcours de soins défaillant. Les psychiatres reçoivent sans tri tous les patients, ce qui engendre un engorgement chronique de leurs cabinets médicaux. Comme le constate Philippe d'Ornano, PDG de Sisley très investi dans la cause de la Santé Mentale via la fondation Sisley-d'Ornano : « Il faut vraiment réfléchir aux parcours de soins, à la revalorisation de la psychiatrie et aux structures d'accompagnement. Il faut aussi soutenir la recherche dans ce domaine. Après le cancer et le sida, la santé mentale devrait être la nouvelle frontière de la recherche médicale. »

Des solutions existent et elles ont fait leurs preuves dans d'autres pays. Sur la question cruciale du parcours de soins, un programme est actuellement testé par l'association Quartet Santé. Leur projet Sesame, déployé auprès de 80 médecins généralistes en Ile-de-France, propose un système de soins collaboratifs. Le principe : le médecin généraliste est aidé par un infirmier spécialisé pour traiter les patients souffrant de troubles psychiques fréquents tels que la dépression et le trouble anxieux. Le psychiatre ne reçoit plus tous les patients, mais participe à distance à leur accompagnement.

Autre piste de meilleure prise en charge : intégrer les proches au parcours de soins. C'est le travail de l'association la Maison perchée. À destination des malades et de leur famille, la volonté de cette association est d'améliorer l'information, la prévention et surtout de soutenir la pair-aidance. « Nous croyons dans les vertus de la pair-aidance. Parce qu'elle repose sur l'entraide, l'expérience partagée et la compréhension mutuelle des vécus », comme on peut le lire dans leur manifeste. Pour mieux intégrer les proches à la prévention, on peut enfin noter le développement des premiers secours en santé mentale. Comment réagir face à une personne en pleine crise d'angoisse ? Que dire à un proche qui souffre de dépression ? C'est tout l'objet de ces premiers secours auxquels sont déjà formées 200 000 personnes en France.

Côté patients enfin, la parole se libère. Grâce à cette année de grande cause nationale, les malades sortent du silence. Le 25 mars 2025, Nicolas Demorand, journaliste phare de la matinale de France Inter, confesse sa bipolarité en direct : « Je suis un malade mental, je ne veux plus le cacher. » Yannick Noah, le sportif à l'éternel sourire, déclare en mai 2025 : « J'ai survécu à une profonde dépression. » Pour l'humoriste Muriel Robin, l'enfer, c'est l'alcool. Elle raconte dans un documentaire de France TV comment elle a été alcoolique pendant plus de 30 ans. Parmi les plus jeunes, peut-être connaissez-vous Miel Abitbol ? La jeune fille de tout juste 17 ans est devenue le visage et la voix des ados en souffrance. Après des moments difficiles (harcèlement, dépression, tentative de suicide…) Miel interpelle le président Emmanuel Macron qui lui répondra en vidéo. Elle décide, avec son père, de créer l'application Lyynk. Le but : créer un outil pour les jeunes et leurs proches. Car, là encore, le mieux-être des malades passera par la déstigmatisation et la prévention.

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Le baromètre Ipsos du moral des adolescents en 2025
Accéder à l'étude d'Ipsos
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2 commentaires
Le 30/05/2025 à 11:32
La destruction des valeurs traditionnelles, sciemment mise en place pour transformer les citoyens en consommateurs individualistes et manipulables, est sans doute une des causes. L'asservissement par la peur (Du Covid, de la fin du monde par le réchauffement climatique, de la Russie, des islamistes...) en est le moyen.
Le 29/05/2025 à 20:14
Très intéressant , surprenant et instructif sur l'état de la France avec macron et surtout des pays soi disant développés comme le nôtre. Mais je pense que c'est le dernier des soucis de la classe gouvernante qui trouve chez ces personnes des gens plus malléables, plus fragiles et donc plus manipulables. Manipulations des masses populaires, E. BERNAYS, enseignées aux grandes firmes américaines et ensuite utilisées à la lettre par macron pendant ses quinquennats et surtout pendant le cov.
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