Quand l'Élysée rend hommage à Benoît XVI
Christianisme

Quand l'Élysée rend hommage à Benoît XVI

Par Louis Daufresne - Publié le 06/01/2023 - Photo : Andreas Solaro / AFP
À la mort de Benoît XVI, le président Emmanuel Macron saluait dans un tweet les efforts de l'ancien pape « qui œuvra avec âme et intelligence pour un monde plus fraternel ». Un message sobre que l’Élysée étoffa dans un communiqué bienveillant dont le style juste et profond dénote avec l’énumération d’éléments biographiques à laquelle se ramène parfois ce genre d’exercice.

Intitulé Décès de Sa Sainteté Benoît XVI, le texte est daté du jour de sa mort (31 décembre). Il arrive par ordre chronologique, sans mise en valeur particulière, après d'autres hommages à des personnalités du monde de la culture.

La première phrase surprend par l’intimité qu’elle crée avec le personnage : « Le pape émérite Benoît XVI nous a quittés », est-il écrit comme s’il avait appartenu à la famille. Et d’ajouter : « après avoir marqué l’Église du sceau de son érudition théologique et œuvré inlassablement pour un monde plus fraternel. »

Inlassablement ? L’adverbe ne va pas de soi. Car du pape allemand on ne vit souvent que la caricature, celle du Panzerkardinal, forcément rétrograde, inapte à gouverner et inconséquent, son pontificat ayant provoqué de multiples crises dont trois secouèrent la planète en trois ans (2006-2009).

Le discours de Ratisbonne (12 septembre 2006) souleva le monde islamique et conduisit au lynchage de chrétiens. La libéralisation de la messe dite « en latin » (7 juillet 2007) sembla rendre Vatican II facultatif. Elle se doubla de la levée de l’excommunication des quatre évêques « intégristes » (21 janvier 2009) dont l’un s’affichait négationniste. Puis vinrent les propos sur le sida en Afrique qu’on « ne peut résoudre en distribuant des préservatifs, [lesquels] au contraire augmentent le problème » (17 avril 2009). On fit passer Benoît XVI pour un dangereux irresponsable. Le scandale Vatileaks (mai 2012) acheva d’affaiblir le pape, au point d’être l’une des causes de sa renonciation (11 février 2013).

Sous la loupe médiatique, ce pontificat reçut bien peu d’éloges. L’Élysée fait justice à Benoît XVI autrement :

D’abord, le texte parle de sa « famille bavaroise modeste qui lui apprit l’amour du piano, des lettres, de l’histoire, et le rejet farouche de toute forme de fascisme ». Cette mise au point s’imposait quand on voit Libération indiquer dans son album en images que « l’appartenance de Joseph Ratzinger aux jeunesses hitlériennes ne fait plus de doutes », comme s’il en avait fait mystère. Le communiqué s’attarde à bon droit sur cet aspect biographique, relevant le fait que « ses parents lui transmirent (…) leur piété profonde, si bien qu’à 7 ans, le petit Joseph demandait comme cadeau de Noël un missel et une chasuble de prêtre ».

Mouvement de jeunesse, le nazisme aurait pu dévoyer cette âme pure en plein essor. Mais sa foi sut s’opposer à « l’évangile de la force » si bien expliqué dès 1932 par Robert d’Harcourt, spécialiste de l'Allemagne. L’Élysée rappelle qu’« ulcéré par le fanatisme ambiant, le jeune homme refusa d'intégrer la Waffen-SS, déserta son régiment à la faveur de la débâcle ».

Ces précisions faites, le communiqué aborde sa vocation de prêtre, sa destinée de théologien et d’universitaire qui « ne dissocia jamais la religion de la raison ». Il s’emploie à expliquer la pensée de Joseph Ratzinger à partir du concile Vatican II, « où il était (…) considéré comme un réformiste, réputation paradoxale pour un pape si souvent qualifié plus tard de conservateur ». Conjuguant les contraires, une phrase tend à illustrer l’herméneutique de la continuité : « Son réformisme avait une visée conservatrice, retourner aux sources passées pour revitaliser le présent. »

Le texte reconnaît que sa réflexion, en grande partie fondée sur les pères de l’Église, ne coïncide pas avec le soi-disant « esprit du concile » : « Peu lui importait de ne pas suivre le vent de libéralisation de mai 68, car l’Église avait à ses yeux une mission de contradiction prophétique qu’elle devait assumer avec courage » au point que Benoît XVI, est-il aussi écrit, « bâtit des digues face aux courants progressistes et consolida la tradition de l’Église en matière de liturgie, de célibat des prêtres ou de bioéthique ».

La suite du texte rend hommage à l'affection de Benoît XVI pour la France, à « la finesse de sa culture » et à « l’élégance de son français », en écho à son voyage de 2008 dont le discours des Bernardins, qui n'est pas cité ici, demeure une étape mémorable.

Sont aussi mises à l’honneur ses encycliques qui appellent aussi bien à « une mondialisation respectueuse qui redistribue les ressources entre riches et pauvres » qu’à « une écologie intégrale qui respecte la planète comme la dignité de l’Homme ». On appréciera l'équilibre du jugement.

Peu de media et d’hommes politiques prirent la peine de s’intéresser à Benoît XVI et surtout d’en parler honnêtement.
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