Christianisme

Un Français sur deux voudrait rétablir la peine de mort

Par Martin Dousse. Synthèse n°2568, Publiée le 09/10/2025 - Photo : Le Panthéon, à Paris, le 8 octobre 2025, veille de la cérémonie d'entrée de l'ancien avocat et ministre français de la justice, Robert Badinter.  Crédits : Ludovic MARIN / AFP.
En 1981, Robert Badinter accomplit le rêve hugolien dans « le dernier jour d'un condamné » : il révoqua la sentence capitale. Dieu seul a le pouvoir d'en choisir l'heure, déclarait-il. Aujourd'hui, la moitié des Français souhaiteraient pourtant la rétablir. Une question politique et morale complexe, qui mérite d'inclure la perspective chrétienne.

Clamant sa fierté d'aller à l'encontre de l'opinion publique, qu'il jugeait mal éclairée sur le sujet, celui qui fut garde des Sceaux sous François Mitterrand refusait le recours au référendum. Robert Badinter obtint le vote des députés en faveur de l'abolition, le lendemain d'un discours mémorable à l'Assemblée nationale (notre sélection). Le pouvoir dissuasif des exécutions était nul, faisait-il observer, prenant pour preuve que « toutes les recherches des criminologues » constataient l'absence de liens entre leur pratique et l'évolution de la criminalité sanglante. Le sang versé en retour renforcerait la spirale de la vengeance tout en pointant l'infamie : « Dans les pays de liberté, l'abolition est presque partout la règle ; dans les pays où règne la dictature, la peine de mort est partout pratiquée. » En partie vrai, au regard des endroits où elle est en vigueur : Iran, Arabie Saoudite, Algérie, Chine… même si les États-Unis auront peu apprécié sa diatribe. Il ajoutait un argument voulu lapidaire : « Ceux qui veulent une justice qui tue, admettent une justice sûre de son infaillibilité, au point de dire que celui-là peut vivre et que celui-là doit mourir. » Ce serait là « la vraie signification politique de la peine de mort, l'empreinte du totalitarisme procédant de l'idée que l'État a le droit de disposer du citoyen jusqu'à lui retirer la vie ». Étrange paradoxe que l'État français abolitionniste veuille désormais contraindre les professionnels de santé à faciliter une « aide à mourir ».
Aujourd'hui, 62 % des Français ne font plus confiance à la justice du XXIe siècle, que Robert Badinter prétendait inaugurer. Et un sur deux souhaiterait rétablir la peine capitale.

Le sujet fait débat, même chez les chrétiens. Saint Paul semble l'autoriser (Romains 13, 3-4), bien que le Christ invite à dépasser la loi du Talion : « Vous avez appris qu'il a été dit : Œil pour œil, et dent pour dent. […] Et moi je vous dis : Aimez vos ennemis […], faites du bien à ceux qui vous haïssent […]. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? » (Matthieu, 5, 38-46). Lui-même pardonne à ses bourreaux sur la croix. Mais d'autres passages le montrent tranchant quant à ceux qui scandalisent « l'un de ces petits » : « Il vaudrait mieux pour lui qu'on lui attachât au cou la meule qu'un âne tourne, et qu'on le précipitât au fond de la mer. » (Matthieu, 18, 6). Pour sa part, le Magistère de l'Église catholique n'avait jamais pleinement interdit la peine de mort… jusqu'au Pape François.

Le pontife argentin l'a fait formellement bannir du Catéchisme, amendant son article n° 2267 pour enseigner que « la peine de mort est inadmissible, car elle attente à l'inviolabilité et à la dignité de la personne. » Il réfutait, par ailleurs, qu'on la conçoive comme une légitime défense, puisqu'elle s'applique à « des personnes dont la capacité d'infliger un préjudice [...] a déjà été neutralisée, et qui se trouvent privées de leur liberté ». François est allé plus loin, soupçonnant la réclusion à perpétuité d'être une « peine de mort déguisée ». En 2013, le Vatican l'a supprimée de son code pénal et remplacée par une incarcération maximale de 35 ans. Léon XIV semble aligné sur son prédécesseur : reprochant une incohérence aux militants anti-avortement qui soutiendraient les exécutions.
Mais quelle est la valeur doctrinale d'un décret qui se distance de la quasi-totalité des successeurs de Pierre ? En 1952, Pie XII défendait une autre interprétation : « L'État ne dispose pas du droit de l'individu à la vie. Il est réservé alors au pouvoir public de priver le condamné du bien de la vie, en expiation de sa faute, après que, par son crime, il s'est déjà dépossédé de son droit à la vie. »
La position de Jean Paul II est plus nuancée. Il avance que la suppression du coupable devrait intervenir seulement « en cas de nécessité absolue, lorsque la défense de la société ne peut être possible autrement. Aujourd'hui, cependant, à la suite d'une organisation toujours plus efficiente de l'institution pénale, ces cas sont désormais assez rares, sinon même pratiquement inexistants. » (Evangelium Vitae n° 56).
L'Église décèle, dans les longues années passées derrière les barreaux, une opportunité de repentance. Il reste utile de rappeler combien certains condamnés ont trouvé la rédemption dans leur verdict. Du bon larron à Henri Pranzini, jusqu'à Jacques Fesch, guillotiné en 1957, après avoir vécu une conversion radicale en prison. « Puisse mon sang qui va couler être accepté par Dieu comme un sacrifice entier, que chaque goutte, écrit-il dans un livre légué à sa fille, serve à effacer un péché mortel. » Et de conclure, « dans 5 heures, je verrai Jésus ».

Peut-être, in fine, que la vraie question autour de la peine de mort n'est pas celle de son rétablissement, mais de pallier à ce que pointent tant d'avis favorables : une société où les coupables échappent à la loi. 62 % des Français affirment que leur sécurité est mal assurée. Et 78 % que la justice fait preuve de laxisme. Déjà faudrait-il que les peines de perpétuité s'appliquent...
Victor Hugo se lamentait du sort de son personnage, dans une œuvre poignante qui aura marqué des générations d'écoliers. D'aucuns regrettent qu'il n'y ait pas dédié une page aux victimes.

À retenir
  • Un Français sur deux est toujours favorable à la peine de mort, et 62 % des Français ne font plus confiance à la justice.
  • Le sujet fait débat chez les chrétiens, surtout depuis qu'elle a été déclarée inadmissible par le pape François.
  • Il s'agit du premier pape à adopter cette position dans l'histoire de l'Eglise. Jean-Paul II la déclarait possible en cas de nécessité absolue, lorsque la défense de la société ne peut-être assurée autrement, tout en précisant que ces cas sont aujourd'hui très rares.
  • Avec une justice plus efficace et des peines de perpétuité réelles, la peine de mort trouverait-elle moins d'échos positifs dans l'opinion ?
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Le discours intégral de Robert Badinter réclamant l'abolition de la peine de mort
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Le 09/10/2025 à 23:03
1) Imaginons un instant que BADINTER ait eu une fille ou petite-fille enlevée, violée et tuée par FOURNIRET, aurait-il alors réclamé avec autant de zèle l'abolition de la peine de mort ? On peut en douter. 2) Condamner un assassin à la perpétuité réelle revient à le condamner à une mort lente pire que celle à laquelle il aurait été condamné en cas de non-abolition de cette peine. 3) La peine de mort n'aurait, nous dit-on, aucun effet dissuasif sur de potentiels assassins. Mais sur quoi se base cette affirmation ? Comment comparer "avec" et "sans" en temps réel ? C'est évidemment impossible. 4) La condamnation n'est pas un acte de justice uniquement pour la victime, mais aussi pour ses proches. Sauf rares exceptions, tout crime n'impacte pas uniquement la victime mais aussi tout son entourage. 5) La Justice est symbolisée par une balance dont les deux plateaux sont alignés. Pour qu'ils le soient vraiment, une mort infligée par un assassin ne peut qu'être "équilibrée" par une mort reçue comme châtiment. 6) Bien évidemment, toute condamnation à mort ne peut concerné que l'assassin reconnu, au moment des faits, en pleine possession de ses facultés. 7) C'est le genre de question qui doit être impérativement soumise à un référendum national.
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Réponse de l'équipe LSDJ - 10/10/2025 à 10:56
Merci pour ce commentaire riche et structuré. De mémoire, Badinter mettait en exemple le Canada, où, en effet, le taux d'homicide a baissé après l'abolition. Il faut voir au cas par cas, car en Géorgie, par exemple, une étude montre une hausse du taux, après l'abolition. Les 4 ou 5 États des États-Unis avec le taux d'homicide le plus élevé pratiquent tous la peine de mort, mais peut-être, justement, parce que l’insécurité est la cause et non la conséquence. Les États abolitionnistes auraient un taux d’homicide moins élevé : https://deathpenaltyinfo.org/facts-and-research/murder-rates/murder-rates-by-state? Il n'est pas certain que rétablir la peine capitale soit la solution en France, où les causes de l'insécurité ne sont pas bien traitées. D’ailleurs, comme vous le dites bien, la perpétuité peut être considérée comme une peine plus sévère d'un certain point de vue. Une première étape pour sortir du laxisme judiciaire serait déjà d'appliquer les peines de prison. Compte tenu des failles de la justice humaine et d'un point de vue chrétien, la position de Jean Paul II consistant à permettre d'appliquer la peine de mort en dernier recours me semble la plus adaptée. Mais le droit européen ne permet plus cette option. Pour la rétablir, il faudrait, soit l'ignorer, soit sortir de l'UE. Martin Dousse
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Le 10/10/2025 à 01:13
cela ferait aussi des économies, pas besoin de payer pour des ultras récidivistes, les terroristes etc, sinon beaucoup plus de justice, un condamné peut importe la sanction qu'il fasse son temps en entier, si il est dedans c'est pour une raison, donc...mais la justice en france, laisse tellement à désirer, que finalement il n'y en a pas, , on condamne une personne à du ferme parce qu'elle à volé du riz pour manger, et pas un autre qui a vraiment fait un truc grave, ou qui courre toujours, on donne du sursis à certain qui mériterai bien plus, et renvoyer les illégaux chez eux,.. il y a tout à revoir dans cette prétendue justice,
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Réponse de l'équipe LSDJ - 10/10/2025 à 11:09
Une autre option pour que les prisonniers coûtent moins cher au contribuable serait d'imposer le travail obligatoire des détenus.
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LSDJ
Le 10/10/2025 à 11:09
Une autre option pour que les prisonniers coûtent moins cher au contribuable serait d'imposer le travail obligatoire des détenus.
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5 commentaires
Le 10/10/2025 à 10:50
il est pour le moins paradoxal que le Président de la République , après la lecture du texte de Robert Badinter sur l'horreur de la guillotine et de l'homme vivant coupé en deux en un instant (exécution de Marcel Bontemps), ait commencé son discours par un vibrant hommage à la révolution française et aux grands révolutionnaires , faisant de Robert Badinter un homme de 1789. Il faut aller au cimetière de Picpus et dans l'église notre dame de la paix, rue de Picpus pour mesurer l’horreur d'un régime qui a guillotiné 17000 personnes dont nombre de " petites gens" ( coiffeurs, boulangers, artisans, domestiques) qui, avec les aristocrates et les religieux ont connu cette mort atroce, innocentes victimes de leur fidélité . A. de Fleurieu
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Réponse de l'équipe LSDJ - 10/10/2025 à 11:22
Bien d'accord. Martin D.
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Robert
Le 10/10/2025 à 10:16
"on ne peut que saluer la détermination de Robert Badinter" : non c'est avant tout celle de François Mitterrand. Badinter n'était qu'un affairiste (propriétaire d'un cabinet d'avocats spécialiste de fusion acquisition) et qui a opportunément rencontré la poule aux œufs d'or en la personne de la fille de Bleusten Blanchet propriétaire de Publicis et de régies publicitaires internationales. Ça aide pour mener une politique idéologique de gauchiste caviar....
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Le 09/10/2025 à 20:55
Bien sûr on ne peut que saluer la détermination de Robert Badinter mais il a toujours manqué un équilibre car les victimes sont toujours oubliées. Comme il existe un syndicat des magistrats , il faudrait un syndicat puissant des victimes trop souvent laissées de côté dans leur condamnation. À vie . Oublier tue . À petit feu . Et c’est une injustice .
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