Le vaccin anti-covid de Valneva, mal-aimé des autorités ?
Santé

Le vaccin anti-covid de Valneva, mal-aimé des autorités ?

Par Peter Bannister. Synthèse n°1616, Publiée le 18/06/2022
Dans le paysage vaccinal européen, le VLA2001 de la société franco-autrichienne Valneva ressemble de plus en plus au vaccin dont tout le monde parle mais qui pourrait ne jamais voir le jour dans l'Union Européenne. Pourtant, en tant que vaccin "classique" inactivé à virus entier, il s'agit d'un produit unique en Europe (quoique semblable aux vaccins chinois Sinovac et Sinopharm). Son profil intéresse surtout ceux qui restent réticents par rapport aux vaccins à ARN messager pour diverses raisons. Pourtant, si on a prédit en novembre 2021 que "cela va partir comme des petits pains", Valneva serait actuellement sur le point de jeter l'éponge au niveau de l'UE pour deux raisons : la menace de résiliation de son contrat signé avec la Commission Européenne en novembre 2021 (pour 60 millions de doses) ainsi qu'une demande internationale largement inférieure à celle espérée.

Il faudrait souligner que la menace de Bruxelles de rompre avec Valneva représente une deuxième grosse déception pour la biotech nantaise, venant après des problèmes analogues au Royaume-Uni en 2021. Londres avait pourtant donné de l'espoir à Valneva en signant un contrat en janvier 2021 pour 100 millions de doses du VLA2001 (valeur 1,4 milliards d'euros), finançant les essais cliniques et mettant sur pied une unité de production en Ecosse. Le contraste entre cet engouement britannique et la relative indifférence de la France envers Valneva a par ailleurs suscité de vives réactions dans l'Hexagone, la présidente de la région Pays-de-la-Loire Christelle Morançais critiquant le manque de soutien de la part du gouvernement français, parlant d'un "terrible sentiment de gâchis et d'incompréhension qui domine face à cet échec français et européen". L'enthousiasme de Londres a cependant été de courte durée : le 13 septembre 2021, Valneva reçoit du gouvernement britannique un avis de résiliation de l'accord. Le ministre de la santé Sajid Javid explique au parlement qu'il était "clair pour nous que le vaccin en question développé par l'entreprise n'obtiendrait pas l'approbation" des régulateurs britanniques. Les actions de Valneva ont chuté en bourse de 42% suite à l'intervention de Javid, provoquant des protestations de la part des scientifiques impliqués dans les essais cliniques, affirmant que les résultats n'étaient pas encore connus et que le gouvernement n'avait donc aucune raison de se prononcer au sujet d'une éventuelle homologation du vaccin. Javid a ensuite modéré ses propos en offrant une rectification officielle, mais le contrat avec Valneva n'a pas été rétabli. Cette décision a été qualifiée d'inexplicable par Dame Kate Bingham, ancienne responsable pour la vaccination au R.-U., qui a souligné le potentiel du VLA2001 à combattre les variants, les vaccins à virus entier offrant une immunité plus large que ceux visant uniquement la protéine spike.

Publiés en novembre 2021, les résultats des essais du VLA2001 démontrent une efficacité contre le SARS-CoV2 supérieure à celle du vaccin d'AstraZeneca ; en avril 2022 Valneva obtient finalement l'autorisation pour la vaccination au R.-U. de personnes âgées d'entre 18 et 50 ans, mais dans la pratique, suite à la résiliation du contrat avec Londres, le vaccin reste très peu disponible, malgré un investissement supplémentaire de £20 millions de Scottish Enterprise pour le développement de l'usine de Valneva. Côté européen, un contrat a été approuvé le 10 novembre 2021 pour l'achat par les états membres de l'UE de 27 millions de doses du VLA2001 en 2022 ainsi que jusqu'à 33 millions en 2023, avec début des livraisons en avril 2022. Le contrat dépend pourtant de l'approbation du vaccin par l'agence européenne des médicaments (EMA). Son comité des médicaments à usage humain (CHMP) démarre l'évaluation en décembre 2021, mais décide de poser des questions supplémentaires (dont on ne connaît pas les détails) à Valneva à deux reprises, ce qui retarde le processus. La biotech soumet ses réponses le 2 mai, mais deux semaines plus tard, la Commission Européenne informe Valneva que la société a 30 jours pour obtenir une autorisation de mise sur le marché ou pour proposer un plan de remédiation, sinon son contrat sera résilié. Valneva espère encore recevoir une opinion positive du CHMP dans la semaine du 21 juin, mais son directeur général Franck Grimaud a annoncé le 10 juin que le volume des commandes des états membres de l'UE pourrait être insuffisant en tout cas pour garantir la viabilité économique du vaccin.

Comment expliquer les déboires de Valneva, dont le vaccin, un peu comme celui de Novavax, arrive sur un marché déjà saturé ? Même si le VLA2001 est désormais approuvé au R.-U., il semble évident que la société franco-autrichienne continue à faire les frais de la résiliation de son contrat avec le gouvernement britannique en septembre 2021. Ses partisans peinent également à comprendre le retard actuel de l'EMA (qui a pourtant évalué d'autres produits en accéléré) concernant un vaccin qui ressemble aux vaccins chinois déjà approuvés en juin/juillet 2021 par l'OMS. Tout comme le manque apparent d'intérêt des autorités françaises pour le laboratoire de Saint-Herbain.
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