Le passe vaccinal voté à contretemps
Politique

Le passe vaccinal voté à contretemps

Par Philippe Oswald - Publié le 18/01/2022
Le projet de loi instaurant le passe vaccinal a été adopté définitivement par l’Assemblée nationale le 16 janvier, par 215 voix contre 58, et 7 abstentions. Il ne s’est donc trouvé que 58 députés pour s’y opposer. Les deux tiers des LR ont voté la loi, conformément à l’avis de leur candidate à la présidentielle Valéry Pécresse qui a néanmoins déclaré au lendemain de ce vote (Europe 1, 17 janvier) qu’au vu de l’évolution épidémique, ce passe vaccinal ne servait à rien… Selon ses dires, on est donc passé en quelques heures d’un texte « globalement utile » à un texte « qui n’est même plus utile », mais qu’il fallait voter quand même « en responsabilité » (sic)… Le Sénat dominé par la droite LR avait lui aussi voté la veille au soir une deuxième fois en faveur de ce passe, après lui avoir apporté quelques restrictions. Sauf coup de théâtre, les recours au Conseil constitutionnel n’auront d’autre effet que de repousser de quelques jours la promulgation d’une loi qui restreint profondément nos libertés fondamentales pour les soumettre aux exigences sans cesse évolutives de la protection de la santé.

Il faudra alors pouvoir afficher dans son passe sanitaire un « parcours vaccinal complet » ou la preuve d’une infection récente pour accéder aux activités de loisirs, restaurants et bars, foires ou transports publics interrégionaux. Un test négatif ne suffira plus, sauf pour accéder aux établissements et services de santé. Après l’intervention du Sénat, ce passe vaccinal ne s’applique qu’à partir de 16 ans ; le précédent passe sanitaire reste valable pour les mineurs de 12 à 15 ans.

Avant même la mise en place du passe vaccinal, quelque 600 000 Français, n'ayant pas reçu leur dose de rappel, ont vu leur passe sanitaire désactivé le samedi 15 janvier. Ils connaissent le même sort que les 5 millions de « non vaccinés », « irresponsables » et plus vraiment citoyens (bien qu’ils n’aient enfreint aucune loi), que le président de la République a « envie d’emmerder ». On verra dans les jours et semaines qui viennent combien de ces Français au « parcours vaccinal incomplet » seront réfractaires à une troisième injection, de plus en plus contestée au sein de la communauté scientifique, tant pour son inefficacité face à la vague Omicron (certains épidémiologistes estimant même qu'elle la favorise) qu’en raison d’effets indésirables.

Pour le professeur Éric Caumes, épidémiologiste, chef de service en maladies infectieuses à la Pitié-Salpêtrière, invité de la matinale d'Europe 1 vendredi 14 janvier (vidéo en lien ci-dessous), le passe vaccinal n'est « ni de la médecine, ni de la santé publique » mais « un marqueur d'affichage et surtout de clivage, une décision politique qui s'avère être clairement une erreur » d'un point de vue médical. Si le passe vaccinal « pouvait se concevoir » à l'époque du variant Delta, il le juge « inconcevable » avec Omicron, moins dangereux mais « devenu incontrôlable », qui circule massivement dans la population et l’immunise (75% des cas en France contre 25% pour Delta). Selon lui, le vaccin est à réserver aux personnes à risques : « Je trouve qu'on a fait une erreur stratégique : on aurait dû se concentrer sur les personnes qui sont vraiment à risque, c'est-à-dire les plus de 60 ans et les plus fragiles ». « Le vaccin est efficace pour éviter de rentrer à l'hôpital, mais n'est pas efficace pour éviter la circulation du virus. C'est pour cela que le passe vaccinal n'a pas beaucoup de sens avec Omicron », a souligné l'infectiologue.

Pendant qu’en France, les parlementaires et les pouvoirs publics courent derrière un virus dont les variants déjouent leurs prévisions sans les détourner du « tout vaccinal », le Danemark, l’Espagne et la Grande-Bretagne élaborent un plan de sortie de l’épidémie.
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Passe vaccinal : « Une erreur d'un point de vue médical », pointe Éric Caumes
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