Le monkeypox – vraie menace ou fausse alerte ?
Santé

Le monkeypox – vraie menace ou fausse alerte ?

Par Peter Bannister. Synthèse n°1607, Publiée le 08/06/2022
Au cours des dernières semaines, le « monkeypox » ou variole du singe est entré dans le vocabulaire du grand public. Les scientifiques ont certes qualifié d’inhabituelle l’apparition de cette maladie – moins sérieuse que la variole classique mais avec des symptômes cutanés prononcés – dans une trentaine de pays situés hors de sa zone endémique (l’Afrique centrale et occidentale). S’agit-il d’une vraie menace pour la santé publique ou, comme l’estiment certains, est-ce qu'on exagère la dangerosité de cette maladie à des fins politiques (ou par simple panique) ?

Pour l’instant, tout en préconisant la vigilance, l’OMS estime que le danger serait plutôt modéré. Le séquençage génétique a confirmé qu’il s’agit de la souche venant de l’Afrique de l’Ouest (taux de létalité 3.6% selon l’OMS, 1% selon Nature), celle de l’Afrique centrale étant plus dangereuse : 10%). Son profil génétique ressemble à celui du même virus trouvé au Royaume-Uni, en Israël et à Singapour en 2018-2019, probablement importé du Nigeria, où des infections avaient repris en 2017 après 39 ans sans cas. En tant que virus à ADN, donc relativement stable, le « monkeypox » ne devrait théoriquement pas muter aussi vite qu’un virus à ARN comme le SARS-CoV2, mais les chercheurs ont été surpris d'observer 47 mutations par rapport au génome connu en 2017 (peut-être dues à l'action d'enzymes chez les organismes hôtes pour combattre le virus). Selon Aine O'Toole et Andrew Rambaut de l'Université d'Edimbourg, ces données suggèrent que la transmission inter-humaine aurait commencé il y a quelques années.

L’origine de ces cas de variole du singe et les modalités exactes de sa transmission restent peu claires. Comment ce virus a-t-il pu apparaître simultanément dans de nombreux pays en dehors de l’Afrique ? Pour l'instant toutes les chaînes de transmission n'ont pas été identifiées, mais il semble que les premiers grands foyers européens d’infection auraient été deux « raves » aux Iles Canaries (le festival Maspalomas Pride, avec 80 000 participants entre le 5 et le 15 mai) – et en Belgique (le Darklands Fetish Festival à Anvers entre le 4 et 9 mai). Des événements caractérisés par une forte activité sexuelle entre hommes. Aux États-Unis, deux versions du monkeypox sont en circulation, une traçable au festival d'Anvers, l'autre concernant une personne rentrée du Nigeria. Si ces deux versions ne sont pas identiques, elles n'ont rien d'incompatible, la possibilité de la transmission par voie cutanée lors de rapports sexuels ayant déjà été évoquée en 2017 lors d'une analyse des cas nigériens, qui touchaient avant tout les hommes de moins de 49 ans. Par contre, la virologue américaine Rachel Roper souligne que d’autres formes de contact physique proche peuvent aussi transmettre le virus, qui peut par ailleurs survivre relativement longtemps en dehors du corps humain (sur des draps ou des poignées de porte, par exemple).

Quant aux mesures à prendre face à l’émergence de la variole du singe, la question est évidemment controversée (pour l'instant le nombre de cas en dehors de l'Afrique ne dépasse pas un millier, mais ce chiffre augmente rapidement). Surtout au moment où les polémiques autour de la gestion de la crise du SARS-CoV2 restent très vives. C’est dans ce contexte que la révélation du déroulement de deux simulations récentes d’une pandémie de variole vient de faire couler beaucoup d’encre (virtuelle). Le 19 mai, évoquant l’arrivée la variole du singe comme un événement inévitable, le ministre de la santé allemand Karl Lauterbach a annoncé que ses homologues du G-7 ont fait un exercice « très réaliste » (mais conçu il y a quelques mois) pour simuler une pandémie de variole déclenchée par la morsure d’un homme par un guépard. Si l'utilité de tels exercices face à des cas déclarés n'est pas contestée, une autre simulation effectuée en 2021 par le Nuclear Threat Initiative (NTI) dans le cadre de la réunion internationale de Munich sur la sécurité a pourtant suscité de multiples spéculations. Les participants liés au secteur pharmacéutique (Johnson & Johnson, Merck, Wellcome Trust) ainsi qu'à la Fondation Bill & Melinda Gates, ont dû réagir au scénario d'une pandémie de monkeypox avec un taux de létalité de 10% dans le pays fictif de Brinia (250 millions d’habitants) suite à une attaque bio-terroriste déclenchée le… 15 mai 2022. Le NTI a souligné que cette date est une pure coïncidence, mais il est difficile de ne pas penser au fait que l’apparition du coronavirus à la fin de 2019 a aussi été précédée par un exercice détaillé de simulation, l'« Event 201 » au Johns Hopkins Center for Health Security, dont l’un des « joueurs », le chinois George Gao, a également participé à l’exercice du NTI.

Au moins en France, la partie de la population née avant 1974 aurait une immunité contre la maladie grâce à la vaccination contre la variole classique, au moins partiellement efficace contre la variole du singe. Le plus grand danger en Europe semblerait pour l'instant être la contamination d’animaux domestiques ou autres : dans ce cas, le virus deviendrait endémique grâce à un réservoir animal, donc difficile à éradiquer.
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Variole du singe : « Cette circulation de la maladie est complètement nouvelle »
The Conversation
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