Le chantage gagnant des contrôleurs SNCF
Économie

Le chantage gagnant des contrôleurs SNCF

Par Philippe Oswald - Publié le 26/12/2022 - Photo : Fred Tanneau / AFP
Ils ont gagné ! L'accord conclu entre Élisabeth Borne, Premier ministre, Clément Beaune, ministre des Transports, et la direction de la SNCF pour "sauver" le Jour de l'An, à défaut d'avoir "sauvé" le Noël de 200 000 Français, est une victoire pour les contrôleurs grévistes et une défaite en rase campagne pour le gouvernement. Celui-ci a beau se féliciter d'un dialogue qui a "porté ses fruits" en louant "l'esprit de responsabilité" de ses interlocuteurs, ces formules convenues ont cessé depuis longtemps de faire illusion. Dans ce bras de fer, les grévistes l'ont emporté haut-la-main. Et pour cause : ils tenaient en joue les négociateurs, les ministres d'une part, les représentants des syndicats CGT et Sud-Rail de l'autre, ceux-ci débordés par plus jusqu'au-boutistes qu'eux mais contraints "d'accompagner le mouvement" en déposant un préavis de grève pour la rendre légale... Résultat : privé de contrôleurs, un train sur trois n'a pas roulé à Noël. Pour que cela ne se reproduise pas au Nouvel An, les syndicats ont levé le préavis. Le gouvernement s'en félicite... Mais pas les milliers de Français qui n'ont pu fêter Noël en famille, ni les contribuables, aisés ou pauvres, usagers ou non de la SNCF, qui devront payer une véritable rançon !

Cette fin d'année a vu émerger deux nouveautés inquiétantes dans le train-train des grèves rituelles de la SNCF : la fin de la "trêve de Noël", preuve qu'il n'y a plus de limite, et la constitution d'un collectif de grévistes sur Facebook, signe de la fin d'une époque. Les réseaux sociaux sont devenus une arme redoutable pour faire plier tout le monde, y compris les directions syndicales qui n'étaient pas favorables à un "mouvement social" à Noël qui ne manquerait pas d'exaspérer un maximum de Français. Mais la CGT et SUD-rail ont su tirer les marrons du feu en déposant in extremis les préavis de grève indispensables pour la rendre légale, sans y pousser… À présent, le gouvernement ayant tout lâché pour satisfaire les grévistes, les syndicats ont beau jeu de lever le préavis de grève pour le week-end du 1er janvier.

En dépit de leur faible représentativité, la CGT et SUD-rail restent les maîtres du transport ferroviaire en France, avec la complicité résignée de l'État qui est supposé en être le patron. Pour éteindre la colère des clients dont le train a été annulé, la SNCF s'est engagée à rembourser 200% du prix de leur billet ! Cette indemnité s'ajoute à la réévaluation du salaire des contrôleurs, alors que ceux-ci ont déjà été augmentés de près de 12% en deux ans, sans que cette hausse se traduise par une quelconque amélioration de la qualité du service comme le savent trop bien les passagers de TGV, de TER et de RER. Gare à la concurrence quand, aux TGV déjà en service sur Paris-Lyon de l'italien Trenitalia, s'ajouteront les offres des opérateurs privés français Le Train et Railcoop, de l'espagnol Renfe et d'opérateurs régionaux tel Transdev qui concurrence déjà la SNCF sur Marseille-Nice...

En attendant, l'État va de nouveau lâcher plusieurs dizaines de millions d'euros ("un pognon de dingue" pour parler comme le président de la République) dans le gouffre à la fois insatiable et improductif de la SNCF. Avec la paralysie due aux mesures anti-Covid, la SNCF a enregistré en 2020 une perte historique de 3 milliards d'euros, obligeant l'État actionnaire à 100% à augmenter le capital de 4 milliards d'euros. En 2021, le coût total de la société ferroviaire pour le contribuable s'est élevé à quelque 18,5 milliards d'euros, selon François Ecalle, expert des finances publiques et fondateur du site d'informations sur les finances publiques Fipeco (Le Figaro du 22/11/2022). Sans pour autant faire sortir la SNCF du rouge vif, avec une dette estimée à 36 milliards d'euros fin 2021...

Alors que l'Italie a réussi à limiter le droit de grève en interdisant les arrêts de travail dans les transports en périodes de fêtes ou de grandes migrations, cette nouvelle capitulation gouvernementale augure mal de la réforme des retraites, souligne Guillaume Tabard dans son éditorial du Figaro (en lien ci-dessous). Rappelons à ce propos que la grève menée en 2019 contre la réforme des retraites avait déjà fait perdre à la SNCF près de 800 millions d'euros.
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