Le Brexit et l'hiver du mécontentement en Grande-Bretagne : l'heure des remords ?
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Le Brexit et l'hiver du mécontentement en Grande-Bretagne : l'heure des remords ?

Par Peter Bannister - Publié le 21/01/2023 - Photo : Wikimedia Commons / ChiralJon
Le Royaume-Uni est-il au bord de l'effondrement, comme divers commentateurs l'ont suggéré ces derniers mois ? Il est vrai que les signaux d'alarme ne manquent pas. L'année 2022 a été marquée par des bouleversements politiques, dont la démission de Boris Johnson et le court et turbulent mandat de Liz Truss en tant que Première Ministre. Sur un plan plus symbolique, l'institution de la monarchie constitutionnelle a également été ébranlée par le décès d'Elizabeth II et la récente controverse autour des « révélations » du prince Harry dans le livre Spare. C'est néanmoins la situation économique qui inquiète le plus à l’heure actuelle ; bien que l'inflation ait légèrement reculé à 10,5% par rapport au pic historique de 11,1% enregistré en octobre, le taux annuel d'augmentation des prix alimentaires a atteint 16,8% en décembre. Si on y rajoute les soucis d'une grande partie de la population face aux coûts de l'énergie, on comprend facilement pourquoi on parle (citant Richard III de Shakespeare) d’un « hiver du mécontentement » analogue à celui de 1978-1979, avec ses grèves et coupures d'électricité, qui provoqua la chute du gouvernement travailliste et l'élection de Margaret Thatcher.

La grogne actuelle s'est traduite par des actions syndicales fortes dans le secteur public, la fin de l'année 2022 ayant vu le phénomène rare des grèves des infirmières et des ambulanciers dans le cadre d'un conflit salarial qui n'a pas encore été résolu. Malgré la sympathie générale du public pour les travailleurs de la santé en grève, le gouvernement de Rishi Sunak continue à argumenter qu'une hausse des salaires serait préjudiciable à la lutte contre l'inflation. Un projet de loi controversé vise l’introduction d’un service minimum dans des secteurs clés, semblable à la législation en vigueur en France et d'autres pays européens. Les syndicats ont pourtant réagi à cette initiative en annonçant une grande « journée d'action » le 1er février, qualifiée dans certains médias de grève générale de facto.

Un aspect surprenant des développements actuels est le « Brexit regret » ou « Regrexit » qui semble avoir gagné un nombre croissant de Britanniques, désormais favorables à un nouveau référendum concernant la réintégration du R.-U. dans l’Union Européenne. La mesure dans laquelle le Brexit a nui à l'économie britannique est âprement contestée, certains affirmant que son effet réel serait difficile à évaluer, étant donné que la pandémie et l'impact de la guerre en Ukraine sur les prix de l'énergie doivent également être pris en compte dans toute analyse de la conjoncture en Grande-Bretagne. Néanmoins, nombreux sont ceux qui voient une ironie cruelle dans le fait que les partisans du Brexit avaient affirmé que quitter l'Europe libérerait des ressources (350 millions de livres par semaine) pour un système de santé publique (NHS) dont tout le monde s'accorde à dire qu'il est aujourd'hui en crise. On affirme notamment que le Brexit a entraîné des difficultés pour obtenir des médicaments (entravant le commerce international comme dans d'autres domaines), mais la principale allégation est que la sortie de l'Union européenne aurait créé des pénuries de main-d'œuvre en raison de la difficulté accrue d'employer des ressortissants de l'UE. Dans le cas du NHS, cela semble avoir été compensé dans une certaine mesure par une forte augmentation du nombre de citoyens non européens venant travailler au R.-U. (en particulier d'Inde et des Philippines), mais une étude récente a suggéré que le nombre de médecins serait actuellement inférieur de 4000 au chiffre projeté sur la base des statistiques pré-Brexit.

Bien qu'un référendum pour le renouvellement de l'adhésion du R.-U. à l'UE soit légalement possible, il semble hautement improbable dans un avenir proche. Si le parti travailliste de Keir Starmer (actuellement en tête de 20% dans les sondages) voudrait bien modifier la relation de la Grande-Bretagne avec l'Europe, il s'est abstenu d'appeler à un nouveau référendum, notamment parce que celui-ci deviendrait inévitablement le centre exclusif du débat public britannique pendant plusieurs années, à en juger par l'expérience des années qui ont précédé le vote de 2016 en faveur de la sortie. Il reste également à voir comment les partenaires européens de la Grande-Bretagne pourraient accueillir les appels à la réadhésion de la part d'un R.-U. dont la vie politique semble de plus en plus instable. Seul le temps dira si ses problèmes économiques et politiques sont temporaires ou s'ils doivent être considérés comme des indicateurs d’un déclin à long terme, certains prédisant qu'en 2030, le niveau de vie de l'autre côté de la Manche sera inférieur à celui de la Pologne. La famille slovène moyenne devrait atteindre la parité économique avec ses homologues britanniques dès 2024, tandis que les 10% des Britanniques les plus indigents sont déjà plus pauvres que ceux de la Slovénie. Ce qui confirme l’existence de sérieuses inégalités économiques qui ne présagent rien de bon pour la cohésion sociale au R.-U., une cohésion manifestement mise à rude épreuve à l’heure actuelle.
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