En Iran, répression hors connexion
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En Iran, répression hors connexion

Par Judikael Hirel - Publié le 04/12/2019
Guerres, génocides… il y a quelques années encore, on s’extasiait par anticipation à l'idée que la nouvelle ère omni-connectée dans laquelle nous entrions empêcherait de dissimuler le moindre massacre, où qu'il se déroule sur Terre. L’acteur George Clooney allait même jusqu’à louer du temps de surveillance satellite pour capturer les mouvements de troupes aux frontières en Afrique. Mais les nouvelles technologies n’empêchent en rien les crimes de masse, ni de les dissimuler. La situation des Oïgours comme des millions de prisonniers politiques invisibles en Chine le montre bien. Plus près de nous, le régime des mollahs iraniens vient d’en administrer la preuve éloquente : en Iran, on tue hors connexion.

Alors que les manifestations se multipliaient dans le pays, tournant parfois aux émeutes et aux attaques de banques et de stations d'essence, les autorités ont tout simplement coupé Internet et le réseau de téléphonie à travers tout le pays. Ainsi, aucune image de répression ne risquait de sortir sur le moment hors des frontières. Pas de tollé, tuez en paix... Car la répression des milices d’état et de l’armée a été sanglante. Le couvre-feu numérique a été efficace. Les vidéos des émeutes et des massacres n'ont pu sortir du pays que plusieurs jours après les faits. Certes, ce n’est pas la première coupure totale d’internet que l’Iran ait connu ces dix dernières années, mais celle-ci aura été la plus longue et la plus techniquement sophistiquée. En effet, ces dernières années, le régime a veillé à reconfigurer son réseau de façon à ce qu’il soit coupé vers l’extérieur, mais en partie opérationnel à l’intérieur du pays.

Les protestations avaient été déclenchées le 15 novembre dernier par l’annonce d’une hausse du prix de l’essence, et s’étaient rapidement étendues à plusieurs dizaines de localités. Bien sûr, in fine, les images de la répression, de tirs directs sur la foule désarmée finissent immanquablement par sortir, mais le but d'une telle coupure du Net et du téléphone n’est pas là : il n’est que de ralentir suffisamment la diffusion de ce type d’informations, le temps d’éviter la propagation du mouvement de révolte, et d’avoir repris le contrôle de la situation. Selon Amnesty, le bilan est d’au moins 208 morts, mais le bilan réel est sans doute supérieur, bien des familles de victimes préférant se taire pour éviter la répression et ayant été "averties de ne pas parler aux médias".

"Ce bilan alarmant est une preuve supplémentaire que les forces de sécurité iraniennes se sont engagées dans une horrible tuerie", a estimé Philip Luther, directeur de recherches d'Amnesty pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord. Les autorités iraniennes n’ont confirmé la mort que de cinq personnes, dont quatre membres des forces de l’ordre, et annoncé environ 500 arrestations dont 180 "meneurs". Parmi les rares noms à avoir émergé de ces massacres, figure celui de Pooya Bakhtiari, qui aura consacré les dernières heures de sa vie à filmer les manifestations dans son pays, avant d’être abattu. Une vidéo de son corps à la morgue a été envoyée par sa famille à une opposante au régime basée aux Etats-Unis. Quant aux autres victimes, pas d'images, pas de preuves..
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