Médias

Emmanuel Macron, grand ordonnateur de la censure : ce que révèlent les « French Twitter Files »

Par Ludovic Lavaucelle. Synthèse n°2542, Publiée le 09/09/2025 - Illustration : Le président de la République a cherché à mettre en place un contrôle strict des réseaux sociaux. Crédits : Shutterstock.
La prise de contrôle de Twitter (devenu X) par Elon Musk a permis de révéler le militantisme des réseaux sociaux dans la politique américaine. La publication d'une enquête détaillée démontre l'implication d'Emmanuel Macron pour imposer une censure en ligne en France et en Europe. Plus largement, ces révélations démontrent le rôle de certaines ONG en France dans un système de censure très puissant.

C'est une nouvelle fuite majeure dont on entend peu parler dans les grands médias. Une enquête détaillée a été publiée par les journalistes indépendants Michael Shellenberger, Thomas Fazi et le Français Pascal Clérotte dans le cadre d'une revue en ligne : « Civilization Works ». On se souvient des fuites abondantes – permises par l'achat de Twitter par Elon Musk – sur le militantisme des réseaux sociaux aux États-Unis. Ces nouvelles révélations montrent l'implication d'Emmanuel Macron. Des copies de messages électroniques démontrent qu'en octobre 2020, il a tenté d'obtenir le téléphone portable de Jack Dorsey, le PDG de Twitter à l'époque. La raison ? Il tenait à le féliciter de la mise en place d'une politique de censure dont l'objectif était de faire taire les interférences étrangères. On était alors à la veille des élections présidentielles américaines : les réseaux sociaux avaient pris parti pour l'opposition démocrate dans un contexte tendu, avec la découverte d'un ordinateur portable appartenant au fils du candidat Biden. On y trouvait la trace de millions de dollars reçus en provenance d'Ukraine et de Chine. Tous les réseaux sociaux, Twitter en tête, ont refusé de divulguer ces informations, accusant les services russes de chercher à désinformer le public américain. On sait depuis que le portable était bien celui d'Hunter Biden, et donc que les accusations d'une interférence russe étaient infondées. La tentative de contact démontre l'intérêt d'Emmanuel Macron sur ce sujet : il a aussi accordé la nationalité française à Evan Spiegel, PDG américain de Snapchat et à Pavel Durov, patron russe de Telegram. Ce dernier a depuis été arrêté et interrogé lors d'un passage en France en août 2024, sous le prétexte de l'obliger à lutter contre la pédocriminalité en ligne. Lui clame depuis que le patron de la DGSE n'a cherché qu'à imposer une censure politique sur la messagerie. Macron, par ailleurs, a plusieurs fois accueilli Mark Zuckerberg (Meta) au palais de l'Élysée...

Curieuse coïncidence : c'est justement en octobre 2020 que 4 ONG françaises (SOS Racisme, SOS Homophobie, l'Union des étudiants juifs de France, et J'accuse) ont porté plainte contre Twitter France, au motif que le réseau ne faisait pas assez pour lutter contre la « haine en ligne ». Un courriel du 7 novembre 2020, venant du service juridique de Twitter France, présente les requêtes de ces ONG : elles demandent en particulier d'avoir accès à la politique de modération, et réclament la fin de l'anonymat des utilisateurs. Autre coïncidence : cette offensive judiciaire est intervenue la veille de la lecture finale du projet de loi Avia qui – s'il n'avait pas été retoqué par le Conseil constitutionnel – aurait imposé une chape de plomb liberticide sur tous les échanges en ligne. Le rapport des journalistes souligne que le déroulement des faits laisse entrevoir une coordination entre le gouvernement français d'une part et des associations supposées indépendantes d'autre part.

Cette collusion, mise en évidence par ces nouveaux « Twitter Files », n'est pas étonnante. Contrairement à ce qui se passe au Royaume-Uni, l'État français n'a pas le droit de se porter partie civile pour faire arrêter des citoyens à cause de publications en ligne jugées « haineuses ». Le recours aux ONG – comme les bras armés de la censure étatique – est une forme d'externalisation commode. Le premier pas de cet engrenage a été la loi Pléven en 1972, qui criminalisait tout discours raciste. L'État ne pouvant pas porter plainte dans une affaire mettant en cause la liberté d'expression, les ONG se sont multipliées pour prendre ce rôle d'accusateur. La loi Gayssot en 1990 a encore élargi le champ d'action des ONG en alourdissant les peines encourues par les prévenus.

Il existe en France une longue tradition de contrôle de l'opinion par le pouvoir en place. Les médias du « service public » restent aujourd'hui largement dominants (10 chaînes pour France Télévision quand Radio France a 8 stations nationales et 44 locales), pour un budget annuel de 4 milliards d'euros. L'ARCOM est une agence gouvernementale qui agit comme un chien de garde pour écarter tout acteur pouvant faire de l'ombre (l'exclusion de la chaîne privée C8 est un bon exemple). Le secteur de la presse écrite est lui aussi contrôlé indirectement grâce aux subsides de l'État (1,8 milliard d'euros de subventions pour un chiffre d'affaires total annuel de 6 milliards). D'où l'attention jalouse que porte aux réseaux sociaux américains le gouvernement français. La bataille actuelle porte sur l'abandon de l'anonymat en ligne (au nom de la protection de l'enfance). Ce sujet est une pièce majeure sur l'échiquier des négociations commerciales entre Bruxelles et Washington, dans un contexte de conflit idéologique sur la liberté d'expression, garantie par le 1er amendement de la constitution américaine. Le projet de loi de l'U.E. « Chat Control » sera soumis au vote final en octobre 2025. L'objectif : scanner tous les échanges de messages avant chiffrement au nom de la lutte contre le crime...

À retenir
  • Les "Twitter Files" révèlent l'implication d'Emmanuel Macron dans un effort coordonné de censure
  • Certaines ONG françaises agissent comme le bras armé de la censure
  • Le gouvernement français est un partisan zélé de la politique de restriction de la liberté d'expression européenne
  • Ces révélations mettent en lumière le conflit idéologique au sujet de la liberté d'expression entre Bruxelles (Paris en première ligne !) et Washington
La sélection
How France invented the censorship-industrial complex
Thomas Fazi
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