Du passe sanitaire au passe vaccinal, la marche en crabe du gouvernement
Politique

Du passe sanitaire au passe vaccinal, la marche en crabe du gouvernement

Par Philippe Oswald - Publié le 18/12/2021
Les « complotistes » l’avaient prédit, Castex l’a fait : le Premier ministre a annoncé hier soir, 17 décembre, un projet de loi qui transformerait le passe sanitaire en passe vaccinal. Ainsi se fermerait le petit espace de liberté, véritable trou de souris, qui permettait encore aux non vaccinés d’accéder aux lieux soumis au passe, bars, restaurants, musées, concerts, trains… Faudra-t-il ajouter à cette liste les hôpitaux ?

Le ton du Premier ministre était comminatoire, accusateur même : « Il n’est pas admissible que le refus de quelques millions de Français de se faire vacciner entame le quotidien d’une immense majorité qui a joué le jeu. » « Quelques millions » ? Près de 6 millions, tout de même… « Jouer le jeu » ? On se doutait qu’il y avait une part de « jeu » dans le scénario plus politique que sanitaire entamé depuis près de deux ans. « Nous assumons de faire peser la contrainte sur les non vaccinés, car ce sont eux qui remplissent les services de soins critiques de nos hôpitaux », a martelé Jean Castex, qui a estimé « avoir laissé du temps, beaucoup de temps, à ces Français qui avaient des hésitations et des doutes ».

Mais qu’a donc fait son gouvernement pour les éclairer et lever leurs doutes ? A-t-il organisé la prévention ? A-t-il permis aux médecins de soigner librement, en conscience, avec les médicaments de leurs choix et l’agrément de leurs patients ? A-t-il créé des lits d’hôpitaux ou au contraire continué à en fermer ? A-t-il informé loyalement sur la létalité de la Covid et sur le rapport bénéfice/risque de la vaccination ? A-t-il communiqué sur les effets secondaires ? Sur l’immunité naturelle ? Le classement « secret défense » des délibérations du Conseil scientifique n’est certes pas de nature à restaurer la confiance des récalcitrants (cf. LSDJ 1440). Notons que parmi ces « récalcitrants », il n’y a pas que les antivaccins, ou du moins les réfractaires aux vaccins ARN, mais les anti-passe sanitaire dont de nombreux vaccinés « deux doses » qui n’ont guère envie de se voir contraints à se faire injecter une troisième dose (et pourquoi pas ensuite une quatrième, une cinquième ?) sous la menace de perdre le précieux « passe ».

L’exécutif a-t-il respecté ses propres engagements ? Depuis le sommet de l’État jusqu’au porte-parole, en passant bien sûr par le ministre de la Santé, le gouvernement a annoncé de mois en mois qu’il ne rendrait jamais le vaccin obligatoire, qu’il n’instaurerait jamais de passe sanitaire, et nous voici promis au passe vaccinal qui est une obligation vaccinale (mal) déguisée. Emmanuel Macron a fait disparaître plusieurs de ses tweets dont celui-ci, du 20 décembre 2020 : « Je l’ai dit et je le répète : le vaccin ne sera pas obligatoire. Ayons confiance en nos chercheurs et médecins. Nous sommes le pays des Lumières et de Pasteur, la raison et la science doivent nous guider. » Depuis, les promesses gouvernementales sont tombées, les unes après les autres. Pour s’en tenir aux dernières, trois semaines séparent ces deux déclarations : « Non, nous ne mettrons pas en place un passe vaccinal » (Olivier Véran, 25 novembre 2021) ; « Désormais seule la vaccination sera valable dans le passe » (Jean Castex, 17 décembre 2021). Dernier revirement en date : Olivier Véran vient d’annoncer sur France Inter (18 décembre) que la dose de rappel deviendra obligatoire pour les soignants et les pompiers le 30 janvier, alors que Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement, avait dit l’inverse deux jours plus tôt (jeudi 16 décembre) devant Jean-Jacques Bourdin sur BFMTV et RMC… Comble de cynisme, Olivier Véran vient de déclarer, ce samedi 18 décembre, dans une interview à Brut, que le passe vaccinal est « une forme déguisée d’obligation vaccinale » !

Le projet de loi devrait être examiné en Conseil des ministres le 5 janvier, puis examiné par les députés de la Commission des lois pour une discussion dans l'hémicycle à partir du lundi 10 janvier, avant d'être transmis au Sénat pour être soumis aux votes des deux chambres (le dernier mot appartenant de toute façon à l’Assemblée). Le Conseil constitutionnel validera-t-il cette nouvelle et brutale rupture d’égalité entre citoyens ?

Si l’exécutif prend le risque de fortes turbulences dont il ignore jusqu’où elles pourraient aller, c’est qu’à trois mois de la présidentielle, il vise un objectif : tenir en haleine les Français et mobiliser leur attention sur la crise sanitaire pour les détourner des sujets politiques sur lesquels ils pourraient lui demander des comptes. Quitte à jeter en pâture à l’opinion publique 6 millions de réfractaires considérés comme perdus électoralement… Un jeu, peut-être, mais un jeu risqué.
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Du passe sanitaire au passe vaccinal, la marche en crabe du gouvernement
Passe vaccinal. « Méthode brutale », « perte de liberté » … L’opposition pas convaincue par Castex
Ouest-France
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