Économie

La dépendance des pays occidentaux aux métaux critiques

Par Benoit Bertan de Balanda - Publié le 13/04/2024 - Photo : Petite pile de minéraux extraits dans une mine de terre rare. (Shutterstock)

Du charbon au pétrole, une première transition a déjà eu lieu. Une seconde doit désormais opérer allant du pétrole vers les métaux, révolution qui nous permettra normalement de nous passer des énergies fossiles et ainsi de réduire notre empreinte carbone. « Dans les trente prochaines années, nous extrairons autant que depuis le début de l'humanité » a rappelé Philippe Varin, rapporteur d'un rapport sur les métaux critiques de la transition énergétique pour le compte du gouvernement. Les véhicules électriques, que l'Union Européenne veut nous voir utiliser massivement d'ici à 2035 utilisent six fois plus de métaux qu'un véhicule à moteur thermique. Les éoliennes ou les panneaux solaires exercent également une pression phénoménale, participant à la hausse de la demande des métaux dits critiques pour la transition énergétique.

Les chiffres présentés à ce sujet par Les Échos sont vertigineux. Ils nous rappellent qu'économie d'énergies fossiles ne rime pas avec moins de luttes géopolitiques, surtout pour des matériaux devenus incontournables dans notre société. Rappelons que plus de 70 % des métaux utilisés en Europe sont importés alors que la Chine a investi depuis plusieurs dizaines d'années dans cette industrie. Celle-ci contrôle aujourd'hui plus de 40 % de la chaîne de valeur pour les métaux nécessaires à la fabrication de batteries. La Chine domine par ailleurs le marché des fameuses terres rares (17 métaux que l'on retrouve dans la plupart des appareils électroniques) puisqu'elle contrôle 58 % des parts du marché.

Avec la crise du Covid-19, les occidentaux ont de plus pris conscience de plusieurs points faibles dans leur fonctionnement mondialisé. Les chaînes d'approvisionnement pouvant être durablement perturbées dans un marché en partie délocalisé, les notions de souveraineté et d'indépendance nationale sont revenues sur le devant de la scène. Les Européens, et dans une moindre mesure les Américains, se sont concentrés depuis 40 ans sur des industries tertiaires ou des secteurs à forte valeur ajoutée comme l'industrie de pointe, abandonnant au passage l'industrie minière. Ainsi, depuis 40 ans, la part de l'emploi dans le secteur tertiaire a augmenté de 22 points en France. Le poids de notre industrie a en revanche été divisé quasiment par deux dans l'économie française. Les industries minières ont souffert pour plusieurs motifs : polluantes, elles rencontrent l'hostilité des citoyens, ne facilitant pas leur installation, et nécessitent d'importants coûts fixes pour des rendements relativement peu élevés.

Le détournement de ces industries dans nos économies occidentales a largement profité aux émergentes. Aujourd'hui, la géopolitique des métaux critiques est un terrain plus miné encore que celle des énergies fossiles. De nos jours, trois pays extraient 60 % du minerai de cuivre et 54 % du nickel. La fausse idée de l'économie de flux a poussé les occidentaux à supprimer leurs stocks ; 40 % des réserves de cuivre sont ainsi situées au Chili et au Pérou et 80 % des réserves de lithium en Australie et au Chili. La Chine, toujours elle, possède 75 % des réserves de terres rares… Quant au raffinage, il se concentre dans les mêmes mains, là aussi principalement chinoises. Quasi hégémonique, l'Empire du Milieu pourrait vouloir nous faire subir ses desiderata.

L'UE et les États-Unis tentent donc de recouvrer leur indépendance envers la Chine. Le secteur minier est toutefois un secteur exigeant, n'engendrant des revenus qu'à long terme. Selon l'AIE (Agence Internationale de l'Énergie), il faut 17 ans en moyenne entre la découverte d'un minerai et la mise en production d'une mine, pour des coûts d'investissement en conséquence. Ainsi, en 2019 puis 2021, des autorisations exceptionnelles de subventions ont été accordées par la Commission européenne pour soutenir la fabrication de batteries au lithium-ion en Europe - respectivement 3,2 milliards d'euros (dont 960 millions pour la France) et 2,9 milliards d'euros. Le plan « France 2030 » prévoit quant à lui de lancer un appel à projets d'un milliard d'euros autour des métaux critiques et de développer une industrie du recyclage en France, toujours dans l'idée de réduire cette dépendance.

C'est l'ultime question autour de la durabilité dans l'industrie qui se pose. Aujourd'hui, au niveau mondial, le taux de recyclage des métaux est très hétérogène : moins de 1 % du lithium pour 46 % du manganèse. L'objectif d'ici 2035 est que le recyclage fournisse 40 % des besoins en métaux. Les modes d'extraction des minerais doivent opérer une transition verte s'ils souhaitent être viables écologiquement et économiquement face aux énergies fossiles, le but n'étant pas de passer d'une pollution à une autre.

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Transition énergétique : tous les métaux sont critiques
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