Politique

Contre Hidalgo, Dati prend Date

Par Louis Daufresne - Publié le 19/01/2024 - Photo : Dimitar Dilkoff / AFP

Ancien bastion du chiraquisme, Paris est depuis dix ans la forteresse d'Anne Hidalgo. En sera-t-elle délogée en 2026 ou fera-t-elle un troisième mandat ? Tout juste nommée rue de Valois, Rachida Dati a confirmé qu'elle serait candidate aux élections municipales. « Mon objectif, c'est Paris », a-t-elle lancé sur RTL. C'est ce qu'elle dit depuis toujours.

En 2020, le maire du VIIe, arrondissement cossu et paisible, avait axé sa campagne sur la propreté et la sécurité. Son énergie avait réveillé une droite LR falote et divisée. Les héritiers du RPR s'étaient montrés incapables de capitaliser sur l'héritage chiraquien. Mais le duel de dames du second tour n'avait pas débouché sur l'alternance. Le maire sortant socialiste profita du taux de participation le plus faible jamais enregistré dans la capitale depuis la première élection municipale en 1977 (36,68 %). On disait à l'époque que le scrutin était gagné d'avance. Cette situation interpelle le bon sens démocratique : peut-on reconduire le maire d'une métropole mondiale avec moins de 40 % des inscrits ? Déjà en 1995, presque 1 électeur sur 2 ne s'était pas déplacé...

Comment remobiliser les Parisiens ? C'est toute la question. Avoir débauché la figure la plus électrique du sarkozysme, voilà le coup de maître d'Emmanuel Macron, engagé dans une campagne de droitisation de son image. Sa fameuse « prise de guerre » pourrait être le remède à l'atonie dont le gouvernement Attal est censé le tirer.

La nomination de Rachida Dati représente deux choses : un coup de pied dans la fourmilière parisienne et un tour de magie du « en même temps ». L'intéressée affirme que son poste de ministre lui a été attribué en échange de la tête de liste d'une alliance Renaissance/LR à Paris. Ce « deal », contesté par le chef de l'État (mais le croira qui veut), stérilise les chances d'une candidature LR concurrente, qui serait probablement de moindre envergure, tout en ouvrant la perspective inédite de prendre la capitale à la gauche.

Car que feront les LR ? Présenter un candidat contre Dati, comme l'a indiqué le chef de leurs députés Olivier Marleix, au risque de faire repasser Anne Hidalgo ? L'embarras est à son comble et le désarroi prévaut. Rachida Dati sera-t-elle exclue du parti, ainsi que le souhaite le président Éric Ciotti ? Mercredi matin, le ministre disait toujours attendre son « OQTF » des Républicains.

Si le maire du VIIe espère que sa candidature d'union dynamitera la camarilla d'Hidalgo, Rachida Dati compte sur un autre levier : le changement de mode de scrutin à Paris Lyon et Marseille. Emmanuel Macron promet une réforme de la loi PLM pour début 2025. Toujours dans l'idée de « faire peuple », le chef de l'État a déclaré lors de sa conférence de presse : « La seule chose que je veux pour Paris, c'est qu'un électeur puisse avoir les mêmes droits et compter autant à Paris qu'à Amiens, à Besançon ou ailleurs. »

Il a également dit vouloir « revenir au droit commun », afin que les habitants de ces métropoles puissent voter directement pour leur maire, et non plus à travers un système de grands électeurs à l'américaine. La loi PLM de 1982 s'explique par la taille de ces communes. On y vote par secteur et non à l'échelle de la ville. Les conseillers municipaux dans chaque secteur élisent ensuite le maire.

Le projet de suffrage universel direct « nous offre de nouvelles perspectives », s'est écriée Rachida Dati dans son message aux élus LR et apparentés. Tout dépendra de la manière dont la loi sera réformée. Le conseil municipal continuera à élire le maire, comme partout ailleurs.

La différence, c'est qu'une liste unique devra remporter plus de voix sur l'ensemble de la commune. Cela favoriserait-il Rachida Dati ? Au second tour en 2020, Anne Hidalgo obtint 224.790 voix, soit plus que Rachida Dati (LR) et Agnès Buzyn (LREM) réunies (219.529). Mais au premier tour, les choses sont plus nuancées, comme le relève Public Sénat : « Si on ajoute les suffrages d'Anne Hidalgo (162.219) et de l'écologiste David Belliard (59.649), cela donne 221.868 voix, contre 264.665 voix, en additionnant celle de Rachida Dati (125 639), d'Agnès Buzyn (99.767) et du dissident LREM Cédric Villani (39.259). » Et d'ajouter : « On comprend mieux l'intérêt politique qu'aurait un "deal" entre les macronistes et LR à Paris. »

Le Monde, de son côté, prétend, infographies à l'appui, que « les règles issues de la proposition de loi de Renaissance n'auraient pas provoqué de changement flagrant, tout au plus de petits ajustements », et ce aussi bien à Paris qu'à Lyon ou à Marseille, les trois métropoles contrôlées par la gauche.

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