Santé

La chirurgie esthétique en plein boom chez les 18-34 ans

Par Judikael Hirel. Synthèse n°2482, Publiée le 21/05/2025 - Photo : La fuite en avant de la folie de la chirurgie esthétique. Crédits : Image : TyliJura / Pixabay
Partout à travers le monde, la génération des 18-34 ans pratique la médecine et la chirurgie esthétique à répétition. L'obsession pour les selfies et les médias sociaux a engendré un véritable boom de ces opérations.

Webcam, ô ma webcam, dis-moi qui est la plus belle ? Du temps de Blanche-Neige, la Reine s'admirait dans un miroir magique. De nos jours, les réseaux sociaux et les webcams HD l'ont remplacé. Ainsi, chaque année, ce sont 20 millions de Chinois qui subissent une opération chirurgicale. Parmi ces personnes, 80% sont des femmes, âgées en moyenne de 25 ans.
Vanitas vanitatum et omnia vanitas... Même si se sentir bien dans son corps et dans sa tête est, et demeure un sujet éternel, la vague actuelle de quête de perfection esthétique est aussi le reflet de l'air du temps : nous sommes dans une société omniconnectée dans laquelle l'apparence et l'image de soi comptent plus que jamais. Mais la conséquence de ce désir de plaire, et surtout de se plaire, est un recours répétitif à la médecine voire à la chirurgie esthétique. Selon un récent rapport dévoilé par la Banque HSBC, en Chine, cette obsession pour les selfies et les médias sociaux a engendré un véritable boom des opérations, le chiffre d'affaires de celles-ci étant passé de 61 milliards de dollars en 2014 au double en 2019. Depuis la pandémie, les choses se sont encore accélérées. « J'ai subi une centaine d'opérations et je pense que je n'arrêterai jamais mon voyage pour devenir plus belle », confie ainsi Abby Wu, 35 ans, ayant subi sa première chirurgie à seulement 14 ans. Le Botox est injecté même derrière les yeux, pour les faire avancer et ressembler à des héroïnes d'Anime… Un type de beauté pensé pour l'écran, les webcams, les filtres, les anneaux lumineux. Il suffit même désormais d'une application pour définir vos « imperfections faciales ». Avec à la clé des centaines de milliers d'opérations réalisées par des praticiens ne possédant pas les qualifications pour… En France aussi d'ailleurs : « Pour ton petit double menton, ça fera 1 000 euros », annonce-t-on ainsi dans un cabinet clandestin de chirurgie esthétique parisien. Et ce, en dehors de tout hôpital, sans diplôme, sans bloc opératoire, au risque d'une mutilation à vie. « C'est un massacre », alertent les médecins face aux fausses chirurgiennes esthétiques sur les réseaux sociaux.

En soi, cette explosion du phénomène n'est pas nouvelle : à force d'appels vidéo en haute définition via l'application Zoom durant la pandémie, les chirurgiens sont allés jusqu'à parler d'un véritable « zoom boom ». Au lendemain du confinement, les nouveaux patients se plaignaient non pas de leur reflet dans le miroir, mais de leur image à l'écran… Ainsi, une analyse des tendances Google publiée en septembre 2021, dans la revue Aesthetic Surgery Journal, suggère que les recherches concernant les interventions sur le visage ont augmenté plus fortement après février 2020 que celles portant sur les autres parties du corps. Au Brésil également, le confinement aura mené nombre de Brésiliens à passer sous le bistouri. « La chirurgie esthétique peut servir de palliatif en période d'anxiété et d'incertitude », explique Henriette Morato, psychologue à l'Université de São Paulo. « C'est une façon de montrer qu'on a plus de contrôle sur sa vie, de changer ce qui est encore possible. » Le Brésil se place derrière les États-Unis et devant le Japon en termes de nombres d'opérations de chirurgie et de médecine esthétique. En 2022, le marché mondial de la médecine et de la chirurgie esthétique était ainsi estimé à plus de 100 milliards d'euros et devrait croître de près de 15% par an jusqu'en 2030, d'après une étude de Statista. Notamment du fait de l'essor des injections de Botox, les jeunes femmes sont les premières victimes de la forte pression sociale relative à leur apparence.

Ainsi, en ces temps de Tik Tok, la chirurgie esthétique explose chez les jeunes Français. « Les 18-34 ans font désormais plus de chirurgie que la tranche des 50-60 ans. Les Millennials, adeptes de fesses et de seins volumineux, de lèvres plus charnues et d'un nez corrigé, se hissent ainsi en deuxième position du classement, juste derrière les 35-50 ans », explique-t-on dans Le Parisien. « Mais si les jeunes se précipitent dans les cabinets, c'est surtout parce qu'on leur a montré l'exemple. Célébrités de téléréalité, blogueuses, youtubeuses et même les chirurgiens, affichent sur Instagram, Facebook ou Snapchat, des corps toujours plus normés, sculptés, idéaux. « Et pour la première fois, le nombre d'interventions sur les 18-34 ans dépasse celui de la tranche des 50-60 ans », révèle une étude récente. Comptez 300 euros pour un acte non chirurgical, à base d'acide hyaluronique, de botox ou d'ultrasons. Des méthodes dites douces initiées il y a dix ans, avec une accélération depuis cinq ans, dont les réseaux sociaux et les influenceurs sont devenus les principales vitrines. « On utilise des outils pour correspondre à une image », analyse dans Le Parisien Michael Stora, psychanalyste et coauteur de l'ouvrage Hyperconnexion. « Beaucoup rêvent de devenir des avatars d'eux-mêmes. Ils confondent leur identité numérique avec leur identité réelle. Ça donne quelques frissons. »

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Derrière le selfie, le bistouri : enquête sur le fléau de la chirurgie esthétique chez les jeunes
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1 commentaire
François
Le 21/05/2025 à 22:50
La pratique de la chirurgie esthétique touche à une orientation civilisationnelle fondamentale. Elle s'inscrit dans la logique transhumaniste, celle d'un corps objet qui appartient à la personne et dont elle peut disposer à son gré. Et le corps y est regardé comme une simple enveloppe pour ainsi dire inerte, non comme une réalité vivante ou comme une expression de l'âme. Ce qui est remarquable, c'est que cette pratique ne s'accorde pas avec l'éthique médicale (primum non nocere), ce qui la relègue à une catégorie de praticiens moins habituelle.
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