Politique

Les « cent jours » du gouvernement s’achèvent dans la crispation

Par Philippe Oswald - Publié le 12/07/2023 - Photo : Audition de Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur et de l'Outre-mer, devant la commission des lois du Sénat, concernant les émeutes, le 5 juillet (Gauthier Bedrignans/Hans Lucas via AFP).

Après les émeutes insurrectionnelles déclenchées par la mort de Nahel, que faut-il attendre du 14 juillet ? La France retient son souffle. La récidive paraît tentante : cette fête nationale marquera la fin des « cent jours d’apaisement et d’action » dont le Président avait confié l’accomplissement à Élisabeth Borne. A l’approche de ce 14 juillet, la première ministre a promis de « protéger les Français » Au fait, de qui les protéger ? D’autres Français ? Ce sujet reste tabou. Mais la mobilisation record de 130 000 policiers et gendarmes sur tout le territoire en dit long sur l’état du pays. Nous sommes devant « un défi existentiel » constate le député européen LR François-Xavier Bellamy sur BFM-TV (en lien ci-dessous). Cependant, ajoute-t-il, « le gouvernement a-t-il tiré les leçons de ce qui nous est arrivé ? »

Ecologie, politique de la ville, emploi, souveraineté, santé, éducation...tous ces dossiers, dont les « avancées » devaient occuper les «cent jours», ont été mis en veilleuse après les émeutes. Ordre et sécurité d’abord pour ne pas abandonner le sujet de la «décivilisation» à la droite ! Mais le « en même temps » n’a pas pour autant été jeté aux orties car il ne s’agit pas de perdre du côté gauche de Renaissance ce que l’on tente de préserver ou de reconquérir sur la droite. Surtout se hâter lentement : les discussions autour de la loi immigration que l’opposition LR entend corriger sont renvoyées à l’automne.

Les dernières déclarations ministérielles montrent que l’immigration reste le tabou majeur pour l’exécutif. Dans la bouche de Gérald Darmanin, « Kevin et Matteo » ont remplacé les supporters britanniques du stade de France...Le 5 juillet, auditionné par le Sénat, le ministre de l’Intérieur a assuré qu’il y avait des Kevin et des Matteo parmi les émeutiers et casseurs, précisant que « moins de 10 % des 4000 interpellés étaient étrangers», les autres étant à «90 % français».… Il y a un an, après les agressions commises contre les spectateurs du Stade de France, Gérald Darmanin avait avancé une proportion inverse : les semeurs de troubles étaient supposés être des « hooligans » britanniques…Suggérer que ceux-ci auraient été en réalité des habitants de Seine-Saint-Denis, comme le montraient sans ambiguïté les vidéos, c’était s’aventurer sur un terrain « nauséabond ».

« Ce n’est pas un problème d’immigration » a tranché François Hollande lors d’une apparition médiatique sur le plateau de LCI dimanche 2 juillet, trois jours avant l’intervention de Gérald Darmanin devant le Sénat. Mais il n’est pas sûr que la parole de l’ancien chef de l’État soit de nature à aider le gouvernement à en convaincre les Français. L’expérience leur a appris à ne pas confondre naturalisation et intégration. Les soutiens explicites apportés aux émeutiers par Alger et Ankara leur donnent raison. En brandissant le drapeau algérien, en scandant des slogans anti-français et islamiques, et en s’attaquant à tous les symboles de la France - policiers, gendarmes, pompiers, mairies, écoles, salles de sport, bibliothèques….- les émeutiers auront contribué à conforter l’opinion publique dans la conviction que le « vivre ensemble » ne fonctionne pas. Pire, il régresse, a osé dire le sénateur LR Bruno Retailleau sur France info (5 juillet) : «Certes, ce sont des Français, mais ce sont des Français par leur identité. Malheureusement pour la deuxième, la troisième génération, il y a comme une sorte de régression vers les origines ethniques». Comme on pouvait s’y attendre, cette affirmation a déclenché une avalanche d’indignations surjouées. Après des émeutes d’une telle ampleur dans toute la France, il devient difficile de nier que nous sommes entrés dans le « face à face » redouté par Gérard Colomb lors de sa passation de pouvoir de ministre de l’Intérieur avec Édouard Philippe, en octobre 2018.

La nervosité gouvernementale a fini par créer de l’embarras au sein du groupe Renaissance. Des députés de la majorité se sont dits troublés après la « sortie » du ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye contre Cnews et Europe 1, médias possédés par Vincent Bolloré. Ils font «du mal à la démocratie» a jugé le ministre, le 9 juillet, sur Radio J. « Moi, a-t-il ajouté, je considère que lutter contre l’extrême droite, c’est une priorité. Cela peut se faire de toutes les manières possibles. » Une menace qui fait écho à la « vive inquiétude pour les valeurs républicaines » lancée la ministre de la culture Rima Abdul-Malak sur Twitter, le 25 juin, après la nomination de Geoffroy Lejeune, ancien directeur de la rédaction de Valeurs Actuelles, à la tête du Journal du dimanche. On peut comprendre leur surprise : l’entrée du pluralisme, en France, entre les grands médias, il y a longtemps qu’on avait cessé d’y croire !
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"L'État peut être défié par des gens qui sont capables de faire reculer la République sur des territoires entiers de notre pays", déplore François-Xavier Bellamy (LR)
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