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Benyamin Netanyahu joue sa survie politique

Par Peter Bannister - Publié le 15/04/2024 - Photo : Amir Levy / Getty Images Europe via AFP.

Où va Benyamin Netanyahu ? D'un côté, la performance du système anti-aérienne «  Dôme de fer  » contre l'attaque iranienne a été saluée comme un grand succès pour Israël, renforçant d'ailleurs sa collaboration avec les Etats-Unis, devenus très critiques par rapport aux opérations israéliennes à Gaza ainsi que la volonté persistante de Netanyahu de lancer l'assaut (finalement reporté) à Rafah. Par contre, au niveau domestique, si la population soutient clairement l'armée, il n'en est rien pour le premier ministre. Les manifestations de masse qui avaient commencé en 2023 pour protester contre son projet très controversé de réforme judicaire ont repris, exigeant son départ (selon un sondage publié par Kan le 7 avril, 42 % des israéliens voudraient que Netanyahu démissionne tout de suite, 29 % après la fin de la guerre). Mais qui sont les nouveaux manifestants ? Quelles sont leurs chances de succès ? Et qui, parmi les hommes politiques, pourrait offrir une autre vision de la poursuite de la guerre en cas des élections anticipées voulues par les opposants ?

Si l'opinion internationale est avant tout très critique à l'égard du nombre de victimes civiles à Gaza (ainsi qu'au sujet de la dernière bavure des forces israéliennes en bombardant un véhicule de l'ONG humanitaire World Central Kitchen, provoquant 7 morts), les manifestations contre « Bibi » semblent regrouper des griefs assez disparates. Pour la plupart, il ne s'agit pas de protester contre la guerre mais plutôt contre sa gestion. Les sympathisants des familles d'otages, dont 134 ne sont pas encore revenus de Gaza suite à leur enlèvement le 7 octobre 2023, critiquent surtout les manquements de Netanyahu sur le plan sécuritaire. Ils sont soutenus par l'ancien premier ministre Ehud Barak, qui a d'ailleurs souligné qu'une incursion à Rafah mettrait les derniers otages en danger, sacrifiés « sur l'autel de la ‘victoire totale'  ».

Certains des manifestants s'insurgent pour d'autres motifs encore. Ils reprochent les exemptions du service militaire accordées jusqu'à maintenant aux étudiants ultra-orthodoxes des yeshiva. Ces passe-droits accordés à la communauté Haredim (une partie non-négligeable de l'électorat de Netanyahu) existent depuis la création de l'état d'Israël, mais ont été jugés illégaux et discriminatoires en 2017. Le gouvernement actuel devait se conformer à cette décision avant le 31 mars 2024. Netanyahu a pourtant demandé le 28 mars un délai supplémentaire de 30 jours. La question, qui concerne le sort de 63 000 étudiants, le met dans une position difficile. D'un côté, sa coalition dépend du soutien des deux partis ultra-orthodoxes Shass et Judaïsme unifié de la Torah pour sa survie. Ces partis pourraient la quitter si les exemptions disparaissent. De l'autre côté, cependant, les dérogations sont critiquées non seulement par l'opposition de Yair Lapid, mais aussi au sein du cabinet de guerre de Netanyahu par Benny Gantz. Il a d'ailleurs menacé de quitter le gouvernement si les Haredim continuaient à être exemptés.

Si le parti Yesh Atid de Lapid est assez bas dans les sondages, la formation centriste Bleu et Blanc de Gantz, qui a d'ailleurs appelé à la tenue d'élections en septembre, se place loin devant le Likoud de Netanyahu. Pour certains commentateurs, dont Edward Luce du Financial Times, Gantz n'est pas seulement le principal rival du premier ministre, mais serait également l'homme politique préféré de l'administration de Joe Biden. Washington le perçoit comme un interlocuteur beaucoup moins intransigeant que Netanyahu face aux demandes américaines, notamment au sujet de la crise humanitaire à Gaza. Début mars, Gantz est allé aux États-Unis pour des rencontres politiques de haut niveau, dont des réunions avec la vice-présidente Kamala Harris et le secrétaire d'État, Anthony Blinken. Une visite qui a profondément irrité Netanyahu, lequel a donné instruction à l'ambassade d'Israël aux USA de boycotter Gantz.

Pour l'instant, l'approche du premier ministre reste néanmoins combative. Dans une allocution du 31 mars, il a balayé l'idée d'élections anticipées, qui « ne feraient que compromettre la victoire d'Israël ainsi que le retour des otages. » L'appel aux élections « paralyserait Israël pendant au moins six mois […] cela mettrait fin à la guerre avant que ses objectifs ne soient complétement atteints, et le premier à s'en réjouir serait le Hamas ». Si Netanyahu campe fermement sur ses positions, ses nombreux détracteurs continueront pourtant à penser que sa motivation profonde n'est pas la sécurité du pays mais son maintien au pouvoir. Cela l'obligerait à pérenniser les conflits (non seulement à Gaza, mais aussi en Cisjordanie et avec le Hezbollah , avec l'Iran en arrière-fond permanent) afin de maintenir un état d'urgence permanent. Cette astuce lui permettrait d'échapper, grâce à son immunité actuelle, aux poursuites judiciaires pour corruption qui menacent de mettre une fin définitive à sa carrière politique si elles le laissent derrière les barreaux.

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