
Après le choc, la colère noire des Libanais
« Partez tous ! Vous êtes corrompus, négligents, destructeurs, immoraux. Vous êtes des lâches. C'est votre lâcheté et votre négligence qui ont tué les gens », a lancé à la télévision Marcel Ghanem, un célèbre journaliste libanais. Cette apostrophe donne le ton de ce qui circule sur les réseaux sociaux… Déjà assommés par une des pires crises économiques de leur histoire, l’hyperinflation, des restrictions bancaires drastiques, des licenciements massifs (cf. la précédente LSDJ), et trois mois de confinement face au coronavirus, les Libanais ont le sentiment d’avoir reçu le coup de grâce. Mais n’ayant plus rien à perdre, las des manifestations sans effets (comme celles, pourtant massives, d’octobre dernier), ils pourraient bien être tentés par l’exil ou par l’insurrection, celle-ci risquant de dégénérer en une nouvelle guerre civile (la précédente a pris fin en 1990).
Le Hezbollah, allié de l’Iran, fait actuellement la pluie et le beau temps au Liban. Il soutient notamment le premier ministre Hassan Diab, en poste depuis fin janvier. Mais ce parti n’est lui-même soutenu que par une majorité de chiites, soit un tiers de la population. Il pourrait voir à présent son hégémonie vigoureusement contestée, au-delà de son ennemi juré, le parti chrétien des Forces libanaises. S’il est trop tôt pour impliquer directement le Hezbollah dans cette catastrophe, chacun connaît sa dilection pour les explosifs. Quoi qu’il en soit, l’activité belliqueuse de ce parti, le seul autorisé à garder ses armes depuis la fin de la guerre civile au nom de la lutte contre Israël, le classe parmi les organisations terroristes pour de nombreux pays. Son incrustation au Liban fait subir à tous les Libanais une insécurité et des sanctions économiques qui contribuent pesamment au marasme dans lequel ils se débattent. « Aidez-nous ! Révolution ! Le peuple veut la chute du régime » a crié la foule, alors qu’Emmanuel Macron, en visite éclair à Beyrouth ce 6 août, effectuait une tournée dans le quartier chrétien sinistré de Gemmayzé. Le président français leur a assuré qu’il demanderait aux responsables politiques libanais « de procéder à des réformes […] de changer le système, d'arrêter la division du Liban, de lutter contre la corruption », et a promis aux Libanais de revenir le mois prochain afin de vérifier que l'aide proposée par la France « n'aille pas dans les mains de la corruption ». « Je vais leur proposer un nouveau pacte politique cet après-midi et je reviendrai pour le 1er septembre, et s'ils ne savent pas le tenir, je prendrai mes responsabilités avec vous », leur a-t-il assuré. On ne sait comment les dirigeants en question ont reçu ce message qui a provoqué, en France, des commentaires acides ou amusés.