Vers un « modèle français de la fin de vie » ?
Politique

Vers un « modèle français de la fin de vie » ?

Par Philippe Oswald - Publié le 04/04/2023 - La fin de la Convention citoyenne sur la fin de vie au CESE, le 2 avril (Julien De Rosa / AFP)
Lors d’un discours prononcé le 3 avril devant les membres de la Convention citoyenne qu’il recevait à l’Élysée, Emmanuel Macron a affirmé qu’il souhaitait un projet de loi « d’ici à la fin de l’été » pour élaborer un « modèle français de la fin de vie ». Le « modèle français » n’étant pas des plus flamboyants en matière d’économie, de santé publique, d’enseignement, de sécurité, d’immigration, nombre de commentateurs estiment qu’après l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution (cf. LSDJ n°1844), ce nouveau projet de loi sociétale serait destiné à faire diversion politique. Par sa charge émotionnelle et donc médiatique, il viendrait recouvrir d’autres dossiers, à commencer par celui des retraites auquel, selon les sondages, seraient hostiles 75 % des Français, tandis qu’ils seraient dans la même proportion de 75 % favorables à la légalisation de l’euthanasie... Au risque de renforcer le soupçon d’une diversion, le chef de l’État a annoncé en cette même occasion qu’il souhaitait que « l’instrument » de la Convention soit « mis en œuvre pour d’autres sujets », car il y voit un « remède » à la « rouille démocratique ». « Nous pouvons être fiers d’avoir porté collectivement un modèle français d’éthique de la discussion, organisée par une institution de la République et incarnée par des citoyens engagés », s’est félicité Emmanuel Macron.

Un panel de 184 citoyens choisis au hasard mais néanmoins tous « engagés » serait-il plus démocratique qu’une assemblée d’élus ? « Cette méthode pose un problème démocratique majeur », a objecté sur Franceinfo (4 avril) le philosophe et eurodéputé français François-Xavier Bellamy : tirer au sort des participants « veut-il dire que nos institutions ne sont pas démocratiques ? ». Il considère en outre que les débats ont été « orientés » et qu’ils se sont déroulés dans « l’opacité ». Après les prises de position en faveur de l’« aide active à mourir » d’Emmanuel Macron lui-même (n’avait-il pas promis « c'est le moment de le faire, alors nous ferons » à Line Renaud ?) et de Thierry Beaudet, le président du CESE, qui orchestrait les débats, il n’y avait guère de surprise à attendre des conclusions de la Convention citoyenne sur la fin de vie. Selon les termes du rapport adopté par 162 des 176 votants, dimanche 2 avril, « l’aide active à mourir » serait « la plus adaptée pour respecter la liberté de choix des citoyens, combler les insuffisances du cadre légal actuel, notamment les limites de la sédation profonde et continue et mettre fin aux situations d’hypocrisie constatées ».

Moins attendu, un consensus s’est établi sur la nécessité de généraliser l’accès aux soins palliatifs. Dans cette perspective, le président a annoncé un « plan décennal national » de la prise en charge de la douleur et des soins palliatifs. Il constate en effet que la « progression de lits de soins palliatifs  (…) est trop lente et l’offre trop inégalement répartie », ce qui renvoie le sujet à celui de la crise hospitalière : en France, deux tiers des patients en fin de vie n’ont pas accès aux soins palliatifs ! Retenons sa promesse d’engager les « investissements qui s’imposent » pour « rénover la politique d’accompagnement du deuil », « mieux accompagner les aidants », offrir « du répit à ceux qui vouent leur vie à leurs proches en train de la quitter » et « engager une appropriation de la culture palliative ».

En revanche, demander aux soignants d’être les acteurs d’une « aide active à mourir » va clairement à l’encontre de leur mission et du serment d’Hippocrate qui éclaire leur conscience depuis vingt-cinq siècles. Médecins, infirmiers, infirmières sont les mieux placés pour témoigner que c’est une aide active à mieux vivre jusqu’au bout, sans souffrances insupportables, que les malades et leurs familles attendent d’eux quotidiennement. Ils appellent cela « le soin » et refusent que leur mission soit dénaturée. Treize organisations professionnelles et sociétés savantes, représentant 800 000 soignants de tous horizons, ont exprimé leur refus de participer à une « aide active à mourir » (Le Figaro du 16 février). L’Ordre national des médecins a pour sa part réitéré son avis « défavorable » à l’euthanasie et rappelé que le médecin ne peut « provoquer délibérément la mort par l’administration d’un produit létal » lors de son Assemblée Générale du 1er avril. Pas question donc pour ces soignants de rompre avec les mourants ce « pacte de non-abandon » pour lequel plaide éloquemment Claire Fourcade, présidente de la Société Française d'Accompagnement et de Soins Palliatifs. Donner la mort ne sera jamais un soin. Être « en même temps » acteur de vie et de mort, c’est contradictoire, souligne le philosophe et ancien député Jean-Frédéric Poisson, président de VIA, auteur de « Soins palliatifs, la vraie alternative à l’euthanasie  » qui vient de paraître aux éditions Mame (son intervention sur Sud-radio en lien ci-dessous).
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