Ukraine : Noël sous les bombes
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Ukraine : Noël sous les bombes

Par Peter Bannister - Publié le 24/12/2022 - Photo : Dpsu.gov.ua / Wikimedia Commons
300 jours après l’invasion de l’Ukraine par les forces armées russes, la vie quotidienne de la population continue d’être rythmée par les bombardements répétés des infrastructures énergétiques du pays qui se poursuivent depuis le 10 octobre, la dernière attaque de Kyiv avec des drones iraniens ayant eu lieu lundi dernier. Si l’Eglise Orthodoxe Ukrainienne a rompu avec ses habitudes en donnant à ses fidèles l’option de fêter Noël le 25 décembre (au lieu du 7 janvier, date traditionnelle selon le calendrier julien), cela sera dans le froid et au moins partiellement dans le noir à cause des coupures d’électricité souvent prolongées.

Les opinions des analystes concernant l’évolution éventuelle de la situation en 2023 restent assez divisées. D’un côté, l’automne a été marqué par le progrès inattendu de la contre-offensive ukrainienne, et la visite très médiatisée de Volodymyr Zelensky à Washington a été saluée comme une « démonstration de force » (Dominique de Villepin), soldée par la promesse américaine d’équiper l’Ukraine de missiles Patriot, sorte de « dôme de fer » anti-aérien. De l’autre côté, la Russie semble se préparer pour un combat dans la durée. Dans son dernier discours devant ses chefs militaires, Vladimir Poutine a notamment promis de porter les forces de la Fédération à 1,5 million d’hommes, de renforcer sa « triade nucléaire » et de doter sa flotte de missiles hypersoniques Zircon. Malgré les revers opérationnels des derniers mois, plusieurs commentateurs en Europe de l’Est ont souligné que les ressources militaires russes sont loin d’être épuisées et qu’une nouvelle grande offensive terrestre, même visant Kyiv, pourrait avoir lieu dès la fin du mois de janvier. Cette hypothèse a été évoquée par le commandant en chef de l’armée ukrainienne, Valeri Zaloujny, lors d’un entretien avec The Economist publié le 15 décembre, ainsi que par le ministre de la défense Oleksii Reznikov. Ce scénario, qui a certes surpris beaucoup d’analystes occidentaux, est cohérent avec les constats du chef du renseignement estonien Margo Grosberg, selon lequel la Russie, malgré ses pertes matérielles énormes, aurait « le potentiel d’apporter au moins 3000 chars supplémentaires, ce qui est évidemment un très, très grand nombre et constitue une menace non seulement pour l’Ukraine, mais tous ses autres pays voisins ».

Parmi les pays les plus inquiets se trouve la Moldavie, ex-république soviétique sans véritable armée, dont l’infrastructure énergétique a été touchée par les bombardements en Ukraine et où sont tombés des débris de missiles russes. Si pour l'instant on voit la Moldavie comme une « victime collatérale » de la guerre, son chef du service d’information et de sécurité Alexandru Musteata a récemment parlé de la possibilité d’une offensive russe à venir en direction de la Transnistrie, région moldave séparatiste où sont stationnées 1500 troupes russes. Même si la Transnistrie ne compte que 500 000 habitants, elle a joué jusqu'à maintenant un rôle clé dans l’économie de la Moldavie en fournissant 70% de son gaz, acheté du géant russe Gazprom. Ce dernier a menacé d’arrêter son approvisionnement avant la décision des Moldaves eux-mêmes de se défaire de Gazprom, dont le chantage a été perçu comme un élément d’une campagne de déstabilisation du côté russe. Une autre source de tension avec Moscou a été la suspension par le gouvernement moldave de 6 chaînes de TV accusées de répandre de la désinformation russe au sujet de la guerre en Ukraine, décision attaquée comme un acte de « censure politique » par la porte-parole du Kremlin Maria Sakharova (l'ironie de cet appel à la liberté d'expression n'est pas à souligner).

Les plus grandes interrogations actuelles quant aux voisins de l’Ukraine se focalisent néanmoins sur le seul véritable allié de Moscou, la Biélorussie. Pour la première fois depuis 2019, Vladimir Poutine est allé à Minsk le 19 décembre pour rencontrer Alexandre Loukachenko ; selon les médias biélorusses officiels, leurs conversations se sont limitées aux questions économiques, mais leurs pourparlers ont inévitablement suscité des spéculations au sujet de nouvelles actions militaires conjointes. Jusqu’à maintenant, Loukachenko a su marcher sur la corde raide en soutenant ouvertement Poutine – de qui il dépend pour sa survie politique – tout en évitant l’envoi direct de ses forces armées en Ukraine (ce qui serait très impopulaire). Posture jugée intenable à long terme par l’ex-employé de l’administration biélorusse Anatol Kotau, qui voit l’engagement des troupes de Minsk lors d’une nouvelle attaque russe comme inévitable. Les propos de Loukachenko lui-même montrent clairement qu’il considère le destin de son régime comme étant intimement lié à celui de la Russie, disant lors d’une réunion de l’Organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC – Russie, Arménie, Kirghizistan, Kazakhstan, Tajikistan et Biélorussie) : « Si la Russie gagne, l’OTSC vivra. Si, Dieu nous en préserve, la Russie ne gagne pas, l’OTSC n’existera plus. Si […] la Russie s’effondre, notre place sera sous les décombres ».
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