Le « Sommet pour la démocratie » : vol au-dessus d’un nid de coucou
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Le « Sommet pour la démocratie » : vol au-dessus d’un nid de coucou

Par Ludovic Lavaucelle - Publié le 11/12/2021
Joe Biden a été l’hôte du « Summit for democracy » du 9 au 10 décembre. Cette grande réunion virtuelle a réuni les représentants de 111 pays avec l’objectif de rassembler le monde démocratique pour « se défendre contre l’autoritarisme », « combattre la corruption » et « promouvoir le respect des droits de l’homme ». L’intention de l’administration américaine est d’affirmer son leadership sur le « monde libre » en formant une alliance entre les pays occidentaux et les principales démocraties asiatiques. Les cibles sont évidemment la Chine et la Russie. 111 pays ont assisté à cette grande messe du « camp du Bien ». On note que si, par exemple, l’Angola était invitée, la Hongrie en a été jugée indigne …

Si l’on met de côté l’évident intérêt diplomatique pour les États-Unis, ce grand raout virtuel ressemble à une fête organisée par des schizophrènes, s’indigne l’analyste américain N.S. Lyons (son article en lien ci-dessous). L’Occident est en train d’abandonner les principes fondamentaux du libéralisme, en commençant par le respect de la liberté individuelle … Faisons un petit survol de ce « camp des saints ».

Écosse. La patrie de David Hume et d’Adam Smith a une nouvelle loi « sur l’ordre public et le crime haineux » depuis mars dernier. A partir de 2022, toute parole considérée comme aggravant le préjudice subi par des minorités (ethniques, sexuelles etc…) sera passible de 7 ans de prison. Les autorités locales insistent sur le fait que même les dialogues privés seront ciblés. Un enfant pourra dénoncer son père à l’école car un seul témoignage sera suffisant. « L’incitation à la haine » devient une infraction pénale sans que le terme légal soit défini clairement. La Chine a utilisé le même vocable pour sa répression à Hong Kong …

Angleterre. La patrie de John Locke et John Stuart Mill n’est pas en reste ! La police s’est lancée dans des chasses à l’homme pour capturer des adolescents de 12 ans, coupables d’avoir posté des tweets racistes. La grande innovation anglaise réside dans l’invention de « l’incident haineux non criminel », ce qui englobe n’importe quel comportement considéré comme « offensant » envers n’importe qui, n’importe où … 25 000 plaintes par an sont prises en compte par la police et, même si aucune peine n’est prononcée, toutes sont inscrites dans les casiers judiciaires posant un risque majeur lors de la recherche d’un emploi. Boris Johnson soutient l’extension de la lutte contre la « haine » avec une nouvelle « loi de sécurité en ligne ». La censure, les sanctions sont jugées acceptables puisqu’il s’agit d’offrir plus de « sécurité ». Les Anglais ont apparemment lu George Orwell au premier degré …

 France. La patrie de Voltaire, Diderot et Montesquieu n’échappe pas à cette tendance même si, en surface, le pays a des garde-fous plus solides. Emmanuel Macron a réaffirmé son attachement à la liberté d’expression après l’assassinat de Samuel Paty. Mais, « en même temps », près de 15 000 Français sont condamnés chaque année pour « outrage », ce qui dénote, certes, une dégradation des mœurs, mais a permis aussi de réprimer le mouvement des Gilets jaunes après avoir contribué à le radicaliser. Le délit d’incitation à la haine est une arme, puissante parce que vague, qui permet d’attaquer l’opposition politique. La loi Avia, dont l’objet en mai 2020 était d’obliger les réseaux sociaux à censurer toute information « manifestement illégale », a été vidée de sa substance pour la Conseil Constitutionnel. Mais sa championne a les dents longues, pas seulement quand il s’agit de chauffeurs de taxi récalcitrants. Elle reviendra à la charge …

Allemagne. Madame Avia s’était inspirée d’une loi allemande, introduite en 2017, qui permet une surveillance méthodique des réseaux. Elle a même été étendue en 2020 aux sociétés privées qui ont l’obligation de rapporter à la police fédérale tout contenu suspect. La Russie, les Philippines et Singapour ont jugé cette législation très prometteuse …

Union Européenne. La Commission Européenne cherche à renforcer les lois européennes. L’objectif est d’imposer un niveau de répression commun entre les États, visant spécifiquement « l’antiféminisme » et « la xénophobie ». C’est un volet d’une offensive plus large qui veut copier la loi de surveillance en ligne allemande contre la « haine » et la « désinformation ».

Australie. Voilà un pays qui a construit des camps de quarantaine pour combattre la Covid-19 et place ceux qui s’en échappent dans des « centres de persévérance ». Ses juges ne voient pas dans la liberté d’expression un droit constitutionnel, mais plutôt une cause noble mais idéaliste et contre-productive.

Canada. Un exemple : la fameuse loi C-16 impose à tout professeur d’utiliser les pronoms genrés indiqués par ses élèves …

États-Unis. Le « wokisme » s’attaque de front à la liberté individuelle avec l’appui des GAFAM. Les médias traditionnels ont d’ailleurs ouvertement abandonné le concept d'objectivité, jugé contre-productif, pour celui de « clarté morale ».

Pas de quoi faire trembler Pékin ou Moscou ... 
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