Le passe sanitaire a-t-il sauvé des vies ?
Santé

Le passe sanitaire a-t-il sauvé des vies ?

Par Louis Daufresne - Publié le 21/02/2022
Dans une tribune, vingt sénateurs demandent que le passe vaccinal soit levé immédiatement, jugeant qu’il « n’a jamais été nécessaire ». Mais comment mesurer l’effet d’une telle mesure ? C’est possible depuis une note du 18 janvier publiée par le Conseil d'analyse économique, sous l’égide de Philippe Martin (CAE), de Patrick Artus (Natixis) et de l’Allemand Guntram Wolff (Institut Bruegel), sans oublier l'épidémiologiste Arnaud Fontanet.

Cette étude comparative mobilisa huit chercheurs dont Miquel Oliu-Barton, mathématicien et maître de conférences à l’université Paris-Dauphine. C’est lui qui eut l’idée de confronter les stratégies anti-covid des 37 pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Que conclut-il ? Que « le passe sanitaire a permis d’éviter 4000 morts en France ». Le Conseil d'analyse économique étant rattaché à Matignon, on pourrait douter de sa neutralité. « Non, assure Miquel Oliu-Barton, le CAE n’est ni le commanditaire, ni le financeur » de cette enquête.

L’objectif consiste à évaluer les effets du passe sanitaire en France, en Allemagne et en Italie, trois pays où il fut mis en place entre juillet et août 2021 pour faire face au variant Delta. La question est simple : sans le passe, que se serait-il « passé » ?

La méthode compare la France à un échantillon de pays aux caractéristiques proches des nôtres mais qui n’ont pas appliqué le passe. Il s’agit de la Belgique, de la République tchèque, de Malte, du Japon et de la Corée. L’étude ne prend en compte que la trajectoire vaccinale. « On suppose, note Miquel Oliu-Barton, que la vague des contaminations a été la même que celle qu’on aurait eu sans le passe sanitaire. On suppose que le vaccin ne réduit pas la transmission. On suppose également que les gens n’ont pas été plus ou moins socialisés avec ou sans le passe. »

La date de référence est le 12 juillet 2021 : Emmanuel Macron annonce alors la création de ce dispositif. Fin décembre, le taux de vaccination atteint chez nous 78,2 %. Sans le passe, ce taux aurait plafonné à 65 %, soit 13 points de moins, indique le CAE. Grâce aux vaccinations supplémentaires, environ 4000 vies purent être sauvées en France, estiment les chercheurs.

4000 vies ? À l’échelle statistique, cela paraît peu. Quoique. Ce nombre correspond à une année de mortalité routière. « C'est une personne par heure ou 24 par jour dont la vie a été épargnée », note Miquel Oliu-Barton. Surtout, il faut le ramener non pas à la population globale mais au nombre de décès enregistrés sur la période considérée.

L’étude montre deux trajectoires, l’une en bleu (ou noir) correspondant à la situation réelle observée, l’autre en rouge au scénario contrefactuel. L’écart entre les deux se creuse début décembre en raison de l’effet différé de la stratégie vaccinale actée pendant l’été.

Grâce aux personnes s’étant fait vacciner entre juillet et octobre, la France compta 30% de morts en moins en décembre (12000 au lieu de 16000). Même tendance pour les admissions à l’hôpital (écart de 31%). Quant au nombre de patients en soins intensifs, la différence aurait atteint 45% à la fin de l'année ! « En évitant la saturation des hôpitaux, la vaccination de masse a évité le scénario catastrophe », lit-on dans Les Échos. « La France aurait dépassé les niveaux de pression hospitalière connus lors des confinements précédents », notent les chercheurs.

4000 vies sauvées, c’est plus qu’en Italie et en Allemagne (respectivement 1300 et 1100 morts évités). Comment expliquer cet écart avec la France ? Miquel Oliu-Barton avance deux raisons : 

- « D'abord, explique-t-il aux Échos, la communication et la mise en place ont été claires et centralisées, à la différence de l'Allemagne où le passe sanitaire a été instauré par les Länder. » 

- Ensuite, observe-t-il, « la France était le pays qui comptait le plus de personnes hésitant à franchir le pas de la vaccination. De ce fait, elle était un peu en retard, en particulier dans la vaccination des plus de 60 ans qui concentrent 95% des décès ». Traduisez : il n’y eut pas chez nos voisins le même rattrapage massif. Selon la modélisation, l’écart entre les deux courbes, de 13 points en France, s’élève à 9,7 points en Italie (80,1% contre 70,4%) et à seulement 6,2 points en Allemagne (73,5% contre 67,3%).

Un autre volet de l’étude porte sur la richesse produite sur la même période. Sans le passe, le PIB hebdomadaire aurait été 0,6 point de pourcentage inférieur à ce qu'il fut en France, de 0,5 point en Italie et de 0,3 point en Allemagne. Le dispositif permit d'augmenter la richesse au second semestre 2021 de 6 milliards d'euros (2,1 milliards en Italie, 1,3 en Allemagne).

Sans être une commande, cette étude d'impact justifie la stratégie autoritaire du gouvernement visant à réserver les interactions sociales et économiques aux seules personnes vaccinées. Si les chercheurs ne se prononcent pas sur l'aspect politique, leurs travaux modélisent des données positives afin que la population consente à une mesure extrême de privation de liberté voire de tri des citoyens.
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Le passe sanitaire a-t-il sauvé des vies ?
Estimation quantitative de l'impact des pass sanitaires en France, Italie et Allemagne sur le taux de vaccination, la santé (nombre d'admissions à l'hôpital et morts) et l'activité économique (PIB).
Conseil d'analyse économique
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