Grande découverte : nos ancêtres préhistoriques utilisaient un calendrier
Histoire

Grande découverte : nos ancêtres préhistoriques utilisaient un calendrier

Par Ludovic Lavaucelle - Publié le 10/01/2023 - Photo : Shutterstock
C’est une avancée extraordinaire qui bouleverse les archéologues. Les spécialistes s’accordent à voir dans les premières écritures cunéiformes (ère sumérienne, 3400 ans avant J.C.), mais aussi hiéroglyphiques (Égypte antique), ou dans les caractères chinois, des expressions figuratives, c’est-à-dire une représentation de la parole. Des signes de « pré-écriture » nous font remonter à l’ère néolithique, avec des marques retrouvées sur des objets. Mais l’hypothèse d’un restaurateur de meubles londonien, archéologue amateur, semble montrer que les premiers signes d’écriture sont bien plus anciens. Elle a été vérifiée par des chercheurs et l’université de Cambridge a publié une étude (voir le document en lien) détaillant cette découverte.

Selon eux, les symboles (points, traits etc…) observés dans près de 400 grottes européennes constituent une « pré-écriture » et un calendrier phénologique (c’est-à-dire fondé sur l’observation de la nature). Les peintures rupestres – par exemple de Lascaux – nous font remonter au paléolithique supérieur (-45 000 à -12 000 avant J.C.). Leur qualité a permis d’identifier facilement les animaux. Mais le mystère restait entier quant à l’interprétation des signes juxtaposés qui accompagnent les motifs. Leur répétition fermait la voie au hasard. Leur localisation autour ou sur le corps des animaux ne plaidait pas pour une représentation de sang ou du souffle… Les chercheurs se doutaient bien qu’il s’agissait d’une forme de notation mais de quoi ? Ben Bacon, notre restaurateur de meubles, s’est passionné pour cette énigme. Il a collectionné près de 600 photographies de peintures préhistoriques et a analysé 20 000 signes. Un travail de « bénédictin » : il a patiemment répertorié et classé tous ces signes pour dégager les éléments récurrents. 3 signes sont les plus fréquents : des points, des traits et des signes « Y ».

Son hypothèse : ces signes marquent le déroulement d’un calendrier lunaire directement lié à des événements naturels. En effet, il a remarqué que les séries de points ou de traits n’excédaient jamais le nombre de 13. Coïncidence troublante : une année calendaire (solaire) de 12 mois comprend à peu près 13 mois lunaires. Si ces signes correspondent à des mois lunaires, que veulent-ils dire en relation aux animaux représentés ? Ben Bacon a eu l’intuition qu’ils suivaient leurs cycles de vie, indiquant aux lecteurs la saison des amours et/ou de migration de ces proies essentielles à la survie des communautés humaines de l’ère glaciaire. Quant aux signes « Y » souvent associés à ces séquences de points ou de traits, l’hypothèse retenue est qu’ils désignaient la période des naissances. Bacon a soumis son travail à deux professeurs des universités College de Londres et de Durham. Ils ont étudié les cycles de reproduction des espèces contemporaines les plus proches de celles chassées par nos ancêtres. Or, les résultats sont saisissants : ces marques semblent bien correspondre à un enregistrement tout à fait fiable des cycles de vie, des bisons jusqu’aux saumons… Ces calendriers inscrits dans la roche permettaient de savoir d’un coup d’œil quelles espèces étaient présentes, quand intervenaient les naissances et les grandes migrations. Les datations étaient précises pour chaque espèce grâce au nombre de signes et à la position du signe « Y » dans une séquence donnée…

On comprend donc aujourd’hui que nos lointains ancêtres savaient déjà mesurer le temps, et même se projeter dans le futur pour assurer la survie du groupe. Ce code de signes était d’ailleurs universel. On le retrouve dans des lieux très distants. L’aspect « génial » de ce calendrier rupestre est qu’il fonctionne sur un système simple et fiable puisque phénologique. C’est-à-dire qu’il ne démarre pas à une date arbitraire mais avec la « bonne saison » : quand le printemps est suffisamment engagé pour que la neige disparaisse et que la végétation verdisse. Nul besoin d’ajustement selon les variations climatiques. Nos ancêtres observaient, « goûtaient » l’air et faisaient démarrer le calendrier lunaire quand ils voyaient que la nature était prête. Ils étaient donc assurés d’être en symbiose avec leurs proies. Les séquences de 3 à 4 signes sont souvent retrouvées désignant la période des migrations (3 à 5 mois solaires après le début du printemps).

Les débats restent ouverts parmi les spécialistes pour décider si ces signes correspondent à une « écriture » proprement dite ou à une « pré-écriture ». Il reste aussi beaucoup à découvrir sur les autres marques entourant les magnifiques peintures ornant les grottes. Mais cette avancée spectaculaire montre que dès l’âge de glace, au paléolithique supérieur, les hommes préhistoriques ne se contentaient pas d’être des chasseurs émérites. Ils avaient le souci d’enregistrer leurs connaissances et de les transmettre. Donc de voyager dans le temps mentalement. Décidément, plus la recherche avance, plus profondément s’enfoncent les racines de l’Homme dans le terreau de l’Histoire.
La sélection
Grande découverte : nos ancêtres préhistoriques utilisaient un calendrier
An upper Palaeolithic proto-writing system and phenological calendar
Cambridge Archaeological Journal
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