La France à bout de l'État providence
En France règne l'État providence qui distribue « du pain et des jeux » comme l'a fait à l'envi l'Empire romain décadent. S'enfonçant dans ce consumérisme subventionné, le pays s'est assoupi... et se réveille en sursaut ! Crise politique, crise économique, crise éducative, crise de l'enseignement, crise démographique, crise migratoire, insécurité… les incendies se multiplient. « Quand les caisses sont vides, quand le travail passe après les loisirs, quand les normes sociales et environnementales découragent les entrepreneurs, quand l'industrie et l'agriculture sont devenues marginales, ça ne tient plus ! » a résumé Vincent Trémollet de Villers dans son éditorial d'Europe 1 (13 mai). Il commentait le bilan accablant du « stato-consumérisme » français dressé par Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion et stratégies d'entreprise de l'Ifop, dans Le Figaro (12 mai, en lien ci-dessous).
Deux piliers du mode de vie dans lequel se sont coulés les Français depuis la fin des « Trente Glorieuses » (1945-1975) sont aujourd'hui fortement ébranlés : la croyance dans la toute-puissance de l'État, et le choix d'une économie tirée par une consommation détachée de la production française. Néanmoins « pour soutenir la consommation et maintenir vaille que vaille la croissance », l'État encourage notre fièvre acheteuse par la « politique du chèque », doublée d'une protection sociale généreuse. Le tout, au prix d'une « extension permanente de la dépense et de la sphère publiques » et au moyen d' « une bureaucratisation galopante, sécrétée par une administration hypertrophiée qui complexifie et pénalise au quotidien la vie des acteurs économiques et des citoyens » pointe Jérôme Fourquet.
Consommant toujours plus que ce que nous produisons, il nous faut emprunter, ce qui entraîne une augmentation des taxes et des charges fiscales...pour rembourser les emprunts de la dette — dont la moitié est détenue par des investisseurs étrangers. « En 1978, quelques années après le premier choc pétrolier, qui avait déstabilisé l'économie hexagonale, la dette publique française atteignait l'équivalent de seulement 74,5 milliards d'euros. Elle s'élève à l'heure où nous écrivons ces lignes à 3101 milliards » constate Fourquet. Résultat : un niveau de prélèvements obligatoires le plus élevé des pays membres de l'OCDE. Mais cela ne suffit pas à combler le trou creusé par notre déficit. Celui-ci prenant l'allure d'un gouffre, l'État aux abois vend les bijoux de famille en se vantant de faire ainsi de bonnes affaires, exercice auquel excelle Emmanuel Macron comme il l'a encore démontré en magnifiant la réussite de « Choose France » au château de Versailles. Dans ce cadre, commente Élizabeth Lévy dans Causeur (14 mai), « notre attractivité signifie en réalité : "Venez chez nous, il y a des affaires à faire. On brade, et vous pourrez toujours délocaliser plus tard" ». La liste des grandes entreprises françaises rachetées depuis vingt ans par des groupes étrangers est vertigineuse : 2004, rachat de Pechiney par Alcan ; 2006, rachat d'Arcelor par Mittal ; 2015, rachat d'Alcatel-Lucent par Nokia ; 2015, rachat de Lafarge par Holcim ; 2015, rachat de Norbert Dentressangle par XPO Logistics ; 2015, rachat du Club Med par Fosun ; 2017, rachat de Technip par FMC Technologies ; 2019, rachat de Latécoère par Searchlight…
Autre effet pervers de la désindustrialisation : la dégradation régulière de notre balance commerciale depuis 2006 (premier solde négatif : - 4,3 milliards d'euros ; - 21,9 milliards en 2013 ; - 49 milliards en 2020 ; - 102 milliards en 2022…) Ce creusement du déficit commercial érode notre souveraineté économique. Comme l'a expliqué l'économiste Jean-Marc Daniel dans L'Express (28 février) : « La France accumule les déficits extérieurs dont la conséquence est un transfert de moyens financiers à ses fournisseurs (...) elle se vend à ses partenaires commerciaux (...). Concrètement, l'avoir extérieur net de la France, c'est-à-dire la différence entre la valeur de ce que les Français détiennent à l'étranger et celle de ce que les étrangers détiennent en France, ne cesse de se détériorer. »
Mais la lucidité naissante de l'opinion publique sur un diagnostic pourtant ancien suffira-t-elle à nous extirper des sables mouvants ? S'ils ne sont pas tous « accros » aux diverses drogues et amphétamines, les Français sont devenus dépendants de la dépense publique : « Le métabolisme profond de la société française ne sait plus fonctionner sans cet apport », estime Jérôme Fourquet. Comme l'a rappelé la levée de boucliers contre la réforme des retraites, nous restons « formatés » par les 35h et le « ministère du Temps libre » des années Mitterrand (1981-1995). Outre cette désaffection pour le travail, le « modèle stato-consumériste » engendre un « autre effet pervers » : « l'épargne (...) fléchée vers la dette publique et les emprunts d'État ne s'investit pas dans le développement des entreprises françaises, qui manquent cruellement — autre travers hexagonal — de fonds propres et d'investisseurs ». Le serpent se mord la queue…