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Eagle Pass, Texas : un nouveau Fort Alamo ou l'ombre de Fort Sumter ?

Par Ludovic Lavaucelle - Publié le 29/01/2024 - Photo : Patrouille texane à la frontière en décembre 2022. (Shutterstock)

La crise migratoire n'a fait que s'amplifier depuis l'arrivée de Joe Biden au pouvoir en 2020. La douane fédérale et la police des frontières ont rapporté le chiffre record de 249 785 arrestations d'immigrants illégaux à la frontière mexicaine pour le seul mois de décembre 2023. C'est une hausse de 31 % par rapport au mois précédent et de 13 % si l'on compare avec le précédent record datant de décembre 2022. La ville frontière d'Eagle Pass (Texas) est au centre d'une crise qui devient politique avec l'échéance présidentielle de novembre 2024. Le candidat Joe Biden avait promis de démanteler les mesures du président d'alors, Donald Trump. Face à l'afflux de migrants survenu après ces déclarations, les autorités de l'État du Texas ont alors déclenché l'opération « Lone Star » en mars 2021. Depuis, 38 300 criminels recherchés ont été arrêtés (parmi eux, de nombreux trafiquants d'êtres humains) et pas moins de 453 millions de doses léthales de fentanyl ont été interceptées. Rappelons qu'on estime le nombre de victimes de surdose aux É.U. à 120 000 en 2023, une hausse de 64 % par rapport à 2018…

La localité d'Eagle Pass est devenue un point de passage majeur. L'État du Texas a décidé, dans le cadre de l'opération « Lone Star », d'y dépêcher sa Garde Nationale et d'y installer un réseau dense de barbelés – y compris au milieu du Rio Grande (voir l'article du National Review en lien). Le Department of Homeland Security (DHS) à Washington (l'équivalent de notre ministère de l'Intérieur) s'est ému de la situation et a demandé aux Texans de retirer leurs ouvrages défensifs. Leur argument : la protection des frontières est le domaine réservé des forces fédérales. La Cour suprême fédérale a rendu un jugement temporaire (à 5 contre 4) le lundi 22 janvier donnant raison au gouvernement fédéral et accordant aux fédéraux l'autorisation (contrôlée par le DHS) de démanteler les cordons de barbelés…

La réponse de Ken Paxton, l'Attorney General du Texas (ministre de la Justice de l'État), a été cinglante. Il a rejeté vendredi 26 l'injonction de la Cour suprême – arguant du droit du Texas à défendre son territoire si l'administration fédérale ne remplit pas son devoir… Il a – dans le même courrier – réclamé le détail des actions que les forces fédérales comptaient mettre en œuvre pour résoudre la crise. Les Texans vont plus loin : Paxton a signé une loi devant être effective le 5 mars pour accorder aux forces de police locales le droit d'arrêter des migrants illégaux.

La situation hors de contrôle à la frontière mexicaine devient une crise politique majeure. L'aile gauche du Parti démocrate dénonce une rébellion, réclame la nationalisation des National Guards, et compare Eagle Pass avec Fort Sumter (fortification côtière de l'État de Caroline du Sud dont la garnison fédérée avait été attaquée par les rebelles sudistes en 1861 – ouvrant les hostilités de la guerre de Sécession). Le Texas, farouchement autonomiste, a une histoire particulière dont l'épisode de Fort Alamo (1836) est un pilier… La légende de Fort Alamo raconte que William Travis, l'héroïque chef des défenseurs, avait tracé une ligne dans le sable proposant à ceux qui choisiraient de rester de la traverser. Tous l'ont fait – sauf un. 25 des 26 gouverneurs républicains ont déclaré leur soutien au Texas. Seul le gouverneur du Vermont n'a pas franchi cette ligne : 66 % de ses administrés ont voté Démocrate en 2020… Même Robert F. Kennedy Jr., le candidat sans étiquette à la présidentielle mais issu du Parti démocrate, s'est prononcé en faveur du Texas : « Un pays sans frontières n'est plus un pays… ». Elon Musk a réagi sur son réseau X : « C'est l'administration fédérale qui se met hors la loi en encourageant l'immigration illégale… »

Cette situation met le président Joe Biden en difficulté, lui qui a toujours été un modéré pendant sa longue carrière de sénateur. Seuls 26 % des Américains approuvent la politique libérale de Washington à la frontière sud. Biden pousse le Congrès à accepter un « deal » : il a annoncé le vendredi 26 janvier une proposition « bipartisane » qui assurerait une aide supplémentaire à l'Ukraine contre des mesures fortes à la frontière mexicaine. Les Républicains sont toutefois tentés de faire monter les enchères car Donald Trump a le vent en poupe pour obtenir l'investiture du Parti républicain et qu'il est hostile à la continuation d'un soutien toujours plus onéreux à l'Ukraine. Le plus probable est que la situation pourrisse sur le terrain : les Texans ne devraient pas reculer d'un pouce. Pendant que Washington réfléchit à des recours légaux, les trafiquants de drogue et d'êtres humains vont chercher d'autres passages : la Californie, l'Arizona et le Nouveau Mexique sont des États gérés par les Démocrates. Voilà qui risque de créer d'autres problèmes pour le candidat Joe Biden…


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