Économie

Pour Bruno Le Maire, si la croissance baisse, les impôts ne doivent pas monter

Par Louis Daufresne - Publié le 20/02/2024 - Photo : Bruno Le Maire (Thomas Samson / AFP)

Invité dimanche soir au JT de TFI, Bruno Le Maire annonça que la croissance serait ramenée à 1% en 2024. Le ministre de l'Économie et des Finances en attendait 1,4%. Cette révision à la baisse fait dire aux Échos que « l'heure de vérité a sonné ». L'expression est surjouée. L'économie française retrouve juste son étiage, c'est-à-dire une croissance en berne. Aussi l'AFP tord-elle un peu l'info quand elle écrit que « la croissance sera moins vigoureuse qu'espéré ». La litote est reprise telle quelle par beaucoup de media.

Selon la Banque mondiale, « la croissance annuelle du produit intérieur brut représente la variation relative du volume du PIB entre deux années ». 2012, 2013 et 2014 caressent le zéro (0,3 % puis 0,5 % et 0,9 %). 2015 et 2016 rament (1,1 %). Si 2017 marque une embellie (2,2 %), on fléchit en 2018 et 2019 (1,8 %). Puis surgit le coup de massue du Covid (-7,7 % en 2020). Vient ensuite le rebond (6,8 % en 2021) puis de nouveau le tassement (2,5 % en 2022) et le retour à la « normale » (0,9 % en 2023).

Cette année ressemblera à la précédente, voilà tout. Au demeurant, Bercy s'aligne sur les prévisions d'autres institutions : la Banque de France table sur 0,9 % comme le Fonds monétaire international (1 %). L'OCDE est plus pessimiste (0,6 %).

Cette prévision de croissance, selon Bruno Le Maire, « tient compte du nouveau contexte géopolitique »  : guerre en Ukraine, tensions au Proche-Orient, « ralentissement économique très marqué en Chine » et « récession en 2023 en Allemagne ». C'est aussi « le prix à payer de la victoire contre l'inflation ». Allusion du ministre aux taux d'intérêt relevés par la Banque centrale européenne (BCE).

Le gouvernement s'interroge peu sur sa propre responsabilité, comme si le poids des prélèvements et le maquis de la règlementation ne dissuadaient pas les entrepreneurs de créer de la richesse en France. Mais c'est un autre sujet.

Ce qui obsède l'exécutif, c'est sa propre survie. Sa pérennité dépend de deux équations. La première est externe : ce sont les engagements de l'UE en matière de déficits publics. La France figure au 25e rang pour le rapport dette/PIB. Que ce déficit ne dépasse pas 4,4 % est une gageure. On ne voit pas quel surplus d'activité peut ramener le déficit sous la limite européenne de 3 % en 2027. Le couperet des agences de notation financière effraie aussi le gouvernement. Fitch et Moody's rendront leur verdict le 26 avril et Standard & Poor's le 31 mai, peu avant les européennes. Une note dégradée ferait désordre. Le pouvoir de ces agences, toutes américaines, interroge. Mais c'est aussi un autre sujet.

Comment donner des gages de bonne conduite ? C'est la seconde équation, interne : pour l'économiste David Cayla, il faudrait augmenter les impôts. Ce serait « prélever de l'argent dont une partie n'aurait pas irrigué l'économie française », estime-t-il dans La Croix. Le propre d'un État, c'est de décider de ses recettes. S'y refuser est un choix politique.

Le macronisme préfère tailler dans les dépenses dont les bourrelets sont certes épais et coriaces, si l'on en croit Nicolas Bouzou : l'annonce de Bruno Le Maire de faire 10 milliards d'euros d'économies supplémentaires cette année est un « strict minimum », juge l'économiste. Cela représente « à peine plus de 2 % des 455 milliards de dépenses de l'État en 2023 », poursuit-il dans La Croix. Mais cette logique a ses limites quand les manifs de tracteurs obligent le gouvernement à promettre 400 millions d'euros aux agriculteurs…

Le serrage de vis annoncé s'ajoute aux 16 milliards d'économies déjà inscrites dans le budget 2024, rabot provenant pour l'essentiel de la suppression du bouclier énergétique. La moitié des économies, soit cinq milliards d'euros, devront être trouvées sur le budget de fonctionnement des ministères. 700 millions proviendront de moindres dépenses de personnel et 750 millions d'une baisse sur les achats de l'État.

Le but est de ne pas pénaliser les classes moyennes mais au contraire, de les garder par la diplomatie du portefeuille. Gabriel Attal, dans son discours de politique générale, leur a promis une baisse d'impôts de 2 milliards. « On ne prend pas un euro aux Français », a insisté Bruno Le Maire. « Nous avons fait le choix de ne pas toucher au budget de la sécurité sociale ou de ne pas toucher au budget des collectivités locales », a-t-il aussi souligné.

Les 10 milliards d'économies jouent sur des dispositifs, comme l'abaissement d'un milliard d'euros de l'enveloppe dédiée à MaPrimeRénov ou le choix de faire participer le salarié au financement de son compte de formation.

Ce « jeu » ne fait que commencer : Bercy répète qu'il faudra économiser « au minimum » 12 milliards d'euros supplémentaires en 2025 pour respecter les engagements européens de la France.

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Robert
Le 21/02/2024 à 12:36
L'objectif d'un déficit public à 4,9% du PIB en 2023 «probablement difficile» à tenir, avertit Bercy https://lefigaro.fr/conjoncture/il-sera-probablement-difficile-de-tenir-l-objectif-d-un-deficit-public-a-4-9-du-pib-en-2023-avertit-bercy-20240219 Qui croit encore ce clown à roulettes ? Et surtout qui l'écoute encore ?? Néanmoins, il ne faut jamais oublier qu'il est en service commandé et son commanditaire reste toujours Macron...
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