Politique

Michel Barnier au pied du Mont Blanc

Par Philippe Oswald - Publié le 07/09/2024 - La passation de pouvoirs entre Gabriel Attal et Michel Barnier à Matignon, le 5 septembre (photo : GEOFFROY VAN DER HASSELT/AFP )
Le Savoyard qu'Emmanuel Macron vient de nommer Premier ministre a l'expérience d'un vieux routier de la politique et la prudence d'un montagnard. Lors de la passation de pouvoirs avec Gabriel Attal à Matignon, il a promis de « dire la vérité » aux Français. Pas question donc de leur promettre monts et merveilles mais plutôt de la sueur, sinon des larmes.

« Si le Premier ministre doit être un homme de droite, c'est pour appliquer un programme de droite. Il n'y aurait rien de pire que l'un des nôtres soit Premier ministre pour appliquer d'autres solutions que les nôtres. C'est ce qu'attendent les Français » avait averti le sénateur LR Bruno Retailleau sur RMC. Voilà résumé le principal défi que devra relever Michel Barnier, nommé le 5 septembre, Premier ministre par Emmanuel Macron. Ce choix fait hurler la gauche qui a aussitôt annoncé, sans surprendre, qu'elle voterait la censure, mais pas les LR ni les macronistes de droite ou centristes, ni même le Rassemblement national. En attendant le discours de politique générale du nouveau Premier ministre, Marine Le Pen s'est contenté de rappeler qu'il lui faudra « respecter » les élus RN et leurs électeurs.

Après avoir fait monter l'adrénaline des Français pendant 51 jours avec un gouvernement démissionnaire, Emmanuel Macron a choisi de les rassurer en nommant Premier ministre un politicien chevronné, rappelle Atlantico (5 septembre). Celui qui est aujourd'hui le plus vieux Premier ministre (73 ans) de la Ve République, fut le plus jeune conseiller général de France à 22 ans, en 1973 ; puis le benjamin des députés ; le plus jeune président du conseil départemental de Savoie et l'organisateur avec Jean-Claude Killy du succès des JO d'Albertville en 1992 ; il fut ensuite quatre fois ministre de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy (environnement, en 1993 ; affaires européennes, en 1995 ; affaires étrangères, en 2004 ; agriculture, en 2007), puis deux fois commissaire européen et habile négociateur du Brexit. Michel Barnier avait participé à la primaire Les Républicains pour la présidentielle de 2022 en présentant un programme « musclé » s'agissant par exemple des retraites (pas avant 65 ans) ou de l'immigration (il proposa à ce sujet un moratoire sur le droit européen qui provoqua une épidémie de quintes de toux en France comme à Bruxelles).

C'est donc un politique expérimenté, réputé tenace et plus rusé qu'il s'en donne l'air, que le chef de l'État a chargé « de constituer un gouvernement de rassemblement au service du pays et des Français », indique un communiqué de l'Élysée. « Cette nomination intervient après un cycle inédit de consultations au cours duquel, conformément à son devoir constitutionnel, le Président s'est assuré que le Premier ministre et le gouvernement à venir réuniraient les conditions pour être les plus stables possibles et se donner les chances de rassembler le plus largement », ajoute la présidence, sans doute pour justifier deux semaines de consultations laborieuses (qui n'étaient peut-être qu'un théâtre destiné à préparer l'épilogue Barnier).

Voilà « un premier ministre de droite au pied de la falaise », analyse Vincent Trémolet de Villers dans son éditorial du Figaro (6 septembre). Cette falaise n'aurait-elle pas plutôt la hauteur du Mont Blanc, familier de ce Savoyard ? Il s'agit de rien moins que « trouver un budget, rétablir un équilibre politique, stabiliser les institutions, cohabiter avec un président omniprésent... » Mais celui-ci ne devra-t-il pas se résigner à mettre de l'eau dans son vin, vu l'état de la France et après les deux mois chaotiques créés par la dissolution surprise de l'Assemblée Nationale, initiative très critiquée, et amèrement dans le camp présidentiel ? « C'est avec le Parlement d'abord et avec les Français surtout que Michel Barnier devra éviter les blocages et l'incompréhension » avertit Guillaume Tabard, également dans Le Figaro. Le tout en entreprenant l'escalade du mur de la dette ! L'économiste Marc Touati résume sur X et sur sa chaîne Youtube (6 septembre) les « cadeaux de bienvenue pour M. Barnier : en juillet, la production industrielle recule de 0,5 %, soit -1,9 % en 3 mois, les exportations chutent de 3,3 %, sans oublier le dérapage du déficit public qui devient de plus en plus incontrôlable. »

Qu'attendre, en définitive, de cette nomination ? L'avenir - et déjà la composition du futur gouvernement- indiquera quelle liberté d'action Emmanuel Macron se résignera à accorder à Michel Barnier. Aussi important sinon davantage que les ministres : le directeur de cabinet du Premier ministre. De fait, il a été nommé avant eux, dès le 6 septembre. Il s'agit de Jérôme Fournel : « Un signe de continuité avec le gouvernement précédent, puisque ce haut fonctionnaire de 57 ans, qui entretient de très bonnes relations avec le secrétaire général de l'Elysée, Alexis Kohler, était le directeur de cabinet de Bruno Le Maire à Bercy » commente Le Monde. Les services du Premier ministre ont précisé au Monde qu'il sera « prioritairement en charge du budget et de la négociation avec Bruxelles ». De quoi l'occuper suffisamment pour qu'il ne soit pas l'œil de Macron à Matignon ?

Sur Michel Barnier, son caractère, sa personnalité, son long et riche parcours politique, la vidéo ( en lien ci-dessous) que vient de publier l'ancien haut fonctionnaire François Asselineau, fondateur et chef de l'Union Populaire Républicaine, donne un éclairage original, nuancé et plutôt positif.

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