Un vent d’éoliennes venu de Bruxelles… ou de Berlin
Écologie

Un vent d’éoliennes venu de Bruxelles… ou de Berlin

Par Philippe Oswald - Publié le 20/08/2022
Le gouvernement a adressé pour consultation le 12 août aux acteurs de la filière des énergies vertes un projet de loi « d’exception » dit « d’accélération des énergies renouvelables ». Ce texte vise à simplifier les démarches pour tous les projets de parcs éoliens ou photovoltaïques. Il sera examiné en conseil des ministres dès la rentrée, et soumis au Parlement en octobre. Les épisodes caniculaires subis cet été et la flambée des coûts de l’énergie à cause de la guerre en Ukraine semblent des opportunités pour sensibiliser les Français à la « transition énergétique ».

L’urgence à produire plus d’électricité décarbonée avait été évoquée par le président de la République dans son allocution du 14 Juillet. Il faut « rattraper, au plus vite, notre retard sur nos partenaires européens » affirme l’exposé des motifs du projet de loi. Mais la France serait-elle contrainte de rouvrir une centrale au charbon pour passer l’hiver si ce gouvernement et les précédents ne s’étaient pas détournés du nucléaire, privant notre pays d’un atout capital ? (Selon une étude publiée par EDF le 16 juin, pour la même quantité d’électricité produite, le nucléaire émet 100 fois moins de carbone que le gaz, et huit fois moins que le solaire.) Certes, Emmanuel Macron a opéré en février dernier un revirement complet en ordonnant la construction des 6 nouveaux réacteurs nucléaires. Mais ils ne seront opérationnels, dans le meilleur des cas, qu’en 2035…

Si le gouvernement s’aventure à faire voter cette « loi d’exception » (applicable jusqu’à la fin du quinquennat), c’est poussé pour ne pas dire contraint par la Commission européenne. Paris se fait en effet taper sur les doigts (et menacé de l’être au portefeuille) par Bruxelles, comme cancre de l’Union européenne en matière d’énergies renouvelables. Sur les 27 pays membres de l’UE, la France serait la seule à avoir manqué ses objectifs en matière d’énergies vertes (19% en 2020 au lieu des 23% exigés). En cause, selon l’exposé des motifs de ce projet de loi, les pesanteurs administratives françaises : « Il faut en moyenne cinq ans de procédures pour construire un parc solaire nécessitant quelques mois de travaux, sept ans pour un parc éolien et dix ans pour un parc éolien en mer ». Soit des procédures deux fois plus longues que chez les autres membres de l’UE. Pour raccourcir ces délais, il s’agit donc avec ce projet de loi de faire adopter des mesures « exceptionnelles et transitoires » afin de simplifier les démarches administratives. Le gouvernement est pressé de « libérer à court terme un potentiel de plus de 20 gigawatts de projets renouvelables », soit deux fois plus qu’actuellement. Quitte, par exemple, à déroger à la protection d’espèces protégées.

Encore faut-il favoriser « l’adhésion et l’acceptabilité de ces productions » par les citoyens. Comment les convaincre que « les installations (renouvelables) répondent, dans un contexte de crise énergétique, à un intérêt public majeur » comme l’affirme l’article 6 du projet de loi ? Les énergies renouvelables, a priori tout le monde y est favorable… à condition que ce ne soit pas au détriment du paysage et de la biodiversité, ainsi qu’à l’agrément et à la valeur de sa propre maison si elle se situe à proximité d’un site d’éoliennes ou de panneaux solaires. Sans parler des oppositions argumentées à l’étiquette « verte » attribuée à ces dispositifs, en raison des nuisances environnementales causées par leur fabrication, leur installation et, s’agissant des éoliennes, par leur fonctionnement (dégradation du paysage, atteintes à la biodiversité, bruit...) À ces questions de fond, le projet de loi ne répond pas, sinon par des incitations financières, comme le gouvernement en a pris l’habitude pour répondre aux crises : il s’agit en l’occurrence d’amadouer les voisins des futurs parcs éoliens et centrales solaires en leur octroyant des tarifs réduits d’électricité et en leur proposant de participer au capital du projet. Il n’y est plus question d’engager des concertations locales comme le recommandait le Conseil économique, social et environnemental (Cese) dans son rapport du 23 mars dernier (ce qui pose au passage la question récurrente de l’utilité du Cese …). Fini aussi les débats publics pour chaque projet de parc éolien en mer : l’exécutif prévoit un seul et unique grand débat public pour toute une façade maritime, comme le font les pays voisins. Interrogée par La Croix (16 août), l’association France Nature Environnement critique la stratégie gouvernementale qui consiste à « acheter le citoyen » plutôt que de l’impliquer dans les projets. Serait-ce que le pouvoir a renoncé à convaincre sur ce chapitre comme sur d’autres ? Pour Fabien Bouglé, essayiste et expert en politiques énergétiques interrogé par Boulevard Voltaire (en lien ci-dessous), « ces objectifs européens d’accélération du renouvelable sont dictés par l’Allemagne. »
La sélection
Un vent d’éoliennes venu de Bruxelles… ou de Berlin
« Renouvelables : le gouvernement poursuit dans l’erreur »
Boulevard Voltaire
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