Trump censuré par les GAFAM : deux scénarios pour l'avenir
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Trump censuré par les GAFAM : deux scénarios pour l'avenir

Par Ludovic Lavaucelle - Publié le 13/01/2021
Après l’exclusion des comptes personnels de Donald Trump sur Twitter et Facebook, l’offensive contre le président sortant a pris de l’ampleur avec la décision d’Amazon, de Google Play et d’Apple de ne plus héberger le réseau social Parler, ultime recours numérique contre la censure. Il s’agit d’un événement majeur et en apparence contradictoire : des géants capitalistes et dominants soutiennent ouvertement la gauche américaine. Cependant, le principe même de cette intervention entraîne de nombreuses désapprobations, dans les rangs de la droite américaine mais aussi de l’aile gauche du parti démocrate.

Quelles seront les suites de cette révolution culturelle ? Les pronostics de deux journalistes du plus ancien hebdomadaire britannique, The Spectator, divergent sur ce point.

Kate Andrews, de la rubrique Économie du prestigieux magazine, voit dans cette décision de Twitter et Facebook une erreur stratégique susceptible de remettre en question le modèle qui a fait leur succès (article en lien ici). Depuis 1996, ces sociétés bénéficient d’un régime particulier sous la Section 230 (rattachée à une loi sur la Communication datant de 1934) qui, les désignant comme des plateformes et non comme des éditeurs, les exonère de toute responsabilité éditoriale. Or ces start-up sont devenues des géants monopolistiques. La pression est montée venant de gauche comme de droite pour revoir cette exception, voire pour les démanteler au nom de la protection de la concurrence. Si, d’un point de vue strictement légal, les conditions générales d’utilisation laissent aux GAFAM la liberté de choisir leurs membres et clients, Kate Andrews considère que leur décision d’en exclure pour leurs propos aura de lourdes conséquences.

Kate Andrews voit trois problèmes inextricables :
1°) La censure des comptes de Trump sous prétexte que ses tweets incitaient à la violence, contraste avec le maintien de messages d’autres responsables politiques, tel l’ayatollah Khamenei appelant à la destruction d’Israël. En plus du compte personnel de Trump, certains tweets officiels POTUS (présidence US) ont été escamotés alors que, dans le même temps, le gouvernement chinois continuait de publier de la propagande sur les Ouïghours ou sur Hong Kong. 
2°) L’interprétation de ces suspensions par le législateur. D’un point de vue constitutionnel, le sacro-saint premier amendement (qui protège la liberté d’expression) peut être invoqué car, pour le moment, les utilisateurs n’ont guère le choix d’abandonner ces acteurs dominants par manque d’alternatives.
3°) En intervenant sur le contenu, en éditeurs, ces plates-formes remettent en question leur statut. Les Démocrates sont traditionnellement en pointe dans le combat contre les monopoles et pour la régulation de marché. Les Big Tech viennent de leur offrir un argument de poids pour y mettre bon ordre alors qu’ils contrôleront les deux chambres du Congrès.

Dominic Green, correspondant US du magazine, a un pronostic différent (son article en sélection ci-dessous). Il retient surtout que l’attitude des GAFAM montre jusqu’où ces plateformes sont prêtes à aller pour protéger leur dangereuse domination. Après l’élection présidentielle de 2016, les réseaux sociaux avaient promis de mettre de l’ordre dans leur modèle de fonctionnement. Mais l’élection de 2020 démontre qu’ils sont intervenus à sens unique en faveur des Démocrates en censurant le NYC Post qui révélait l’énorme affaire de corruption touchant Hunter Biden et impliquait son père (l'enquête du FBI qui vient d'être déclenchée pourrait être dévastatrice), tout en affublant les tweets de Donald Trump de cet avertissement : « sujet à caution ». Green compare les dirigeants des GAFAM à des adolescents attardés voulant le pouvoir sans aucune responsabilité. Maintenant, la droite les voit comme des succursales de la gauche radicale, alors que la gauche les considère comme des pourvoyeurs dangereux de fake news et d’appels à la sédition. Cependant, Green ne croit pas que leur modèle soit en danger. Au contraire, voyant en Biden leur sauveur, ils ont tout fait pour qu’il gagne. L’échec de l’administration Trump à casser la Section 230 de la Loi de communication et à traiter les Big Tech en éditeurs monopolistiques, et les énormes dons accordés à la campagne Biden, offrent une garantie de survie à ces géants contestés. Jamais un candidat n’aura reçu autant d’argent des GAFAM que Biden (les dons aux Démocrates venant de la région de San Francisco ont atteint 199M$ contre 22M$ pour les Républicains). Alors que les Démocrates vont contrôler tous les leviers (Congrès et Présidence), il n’y a selon ce journaliste aucune raison de penser que Biden sera une menace pour eux. Même si certains à gauche veulent pousser à une plus forte régulation des acteurs numériques, ces derniers ont déjà acheté le candidat déclaré vainqueur.

L’avenir dira lequel de ces deux scénarios l’emportera.

À suivre donc ! 
La sélection
Trump censuré par les GAFAM : deux scénarios pour l'avenir
Dominic Green : « Joe Biden’s Big Tech takeover »
The Spectator
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