Trappes, emblème du grand renoncement
Politique

Trappes, emblème du grand renoncement

Par Philippe Oswald - Publié le 22/02/2021
Didier Lemaire enseignait la philosophie à Trappes, au lycée de la Plaine de Neauphle, depuis 20 ans. En novembre dernier, dans une lettre aux enseignants publiée par l’Obs quinze jours après l’assassinat de Samuel Paty, il dénonça la situation de Trappes, « une ville complètement perdue », emblématique, écrivait-il, de la « menace que fait peser l’islamisme sur notre pays ». Comme enseignant, il constatait « la progression d’une emprise communautaire toujours plus forte sur les consciences et sur les corps » de ses élèves. « J’observe que le vivier idéologique, le sentiment de ne pas être français, est beaucoup plus fort qu’avant ». Menacé pour ses propos, le professeur de philosophie a été placé sous protection policière et a dû démissionner de son poste pour sa propre sécurité et celle des élèves.

Au premier rang de ceux qui se sont dressés contre les propos de Didier Lemaire, le maire de Trappes, Ali Rabeh, un proche de Benoît Hamon (ex PS, fondateur du parti Génération.s.) Un maire en sursis : l’élection de juin dernier où il l’avait emporté par seulement 161 voix sur le candidat de droite, a été invalidée le 2 février, et lui-même a été condamné à un an d’inéligibilité par le Tribunal Administratif de Versailles. Ali Rabeh a fait appel de cette décision et reste maire de Trappes en attendant la décision du Conseil d’État.

Malgré cette situation précaire, Ali Rabeh est monté au créneau dès que Didier Lemaire a donné son témoignage sur la situation à Trappes. « Propos délirants » a-t-il dénoncé, en accusant l’enseignant d’agir dans une démarche militante (Didier Lemaire est depuis janvier secrétaire national du petit Parti Républicain Solidariste). Ali Rabeh ne s’est pas contenté de multiplier les interventions médiatiques. Le 11 février, il s’est carrément affranchi de la légalité en investissant le lycée dans lequel Didier Lemaire enseignait, pour distribuer un tract aux élèves. Jean-Michel Blanquer et le rectorat ont condamné aussitôt cette action illégale, ainsi que la plupart des anciens collègues de Didier Lemaire. Invité le lendemain, 12 février, à participer sur CNews à l’émission ambulante de Jean-Marc Morandini dans les rues de Trappes, Ali Rabeh a menacé de quitter l’émission à chaque fois qu’une question lui déplaisait. Il était accompagné d’un groupe d’hommes qui n’hésitaient pas à interpeler ses contradicteurs. « Dès que vous êtes en contradiction avec lui, il s’arrête de parler, il se fige, il vous regarde dans les yeux, il vous fusille du regard comme pour dire "attention à toi" », a témoigné Jean-Marc Morandini. Le journaliste a dénoncé « une forme d’intimidation qui est quasiment une intimidation physique » de la part du maire, en soulignant que la présence de la police municipale n’avait pas été superflue pour assurer le bon déroulement de son émission.

Le préfet des Yvelines, Jean-Jacques Brot, semble avoir choisi son camp. Louant la coopération du maire, il s’est dit « inquiet des outrances » du professeur qui « met de l’huile sur le feu ». « Nous faisons de la dentelle et voilà que monsieur Lemaire arrive avec un bulldozer et saccage nos efforts », a-t-il expliqué (Le Monde, 9 février) pour justifier sa réaction, surprenante de la part d’un représentant de l’État. Il est vrai que c’est bien « la démission de l’État » depuis des décennies que Didier Lemaire met en cause principalement dans un entretien au Figaro (en lien ci-dessous) : « L’islamisme ne se développe pas à cause de la pauvreté, c’est un programme politique. (…) Il embraye sur une politique de l’immigration mal maîtrisée qui ne permet plus l’intégration ni l’assimilation. »

Du côté des politiques, les LR Valérie Pécresse et Renaud Muselier ont demandé la révocation d’Ali Rabeh, Bruno Retailleau a invité Jean-Michel Blanquer à porter plainte contre le maire de Trappes, et le RN Jordan Bardella s’est rendu à Trappes pour dénoncer les « petites républiques islamistes ». La Gauche est loin d’être unanime. Sans surprise, Benoit Hamon a apporté son soutien à Ali Rabeh en dénonçant « un maire victime d’un racisme massif et abject », tout comme les écologistes Éric Piolle et Yannick Jadot. Nadia Hai, l’ancienne députée de la circonscription de Trappes, actuelle ministre déléguée chargée de la Ville, a estimé que « Trappes n’est pas définitivement perdue. Je refuse que l’on jette l’opprobre sur 32 000 habitants. Oui, il y a des groupuscules. Nous nous y attelons, notamment avec la loi sur les principes républicains. » Mais beaucoup d’autres se taisent devant l’évidence d’une situation qui se dégrade depuis des décennies dans de nombreux quartiers « sensibles » abandonnés aux délinquants et au trafiquants, et devenus des laboratoires du « séparatisme » islamique quand l’État recule. Bien avant l’affaire Didier Lemaire, Trappes avait acquis une notoriété internationale comme détenant le record des villes européennes ayant exporté le plus grand nombre de djihadistes.
La sélection
Trappes, emblème du grand renoncement
Didier Lemaire : « À Trappes, nous ne sommes plus en France »
Le Figaro
ou
Faire un don
Ajoutez votre commentaire
Valider
Pourquoi s'abonner à LSDJ ?

Vous êtes submergé d'informations ? Pas forcément utiles ? Pas le temps de tout suivre ?

Nous vous proposons une sélection pour aller plus loin, pour gagner du temps, pour ne rien rater.

Sélectionner et synthétiser sont les seules réponses adaptées ! Stabilo
Je m'abonne gratuitement
LES DERNIÈRES SÉLECTIONS