Transition énergétique : vous avez dit « modèle allemand » ?
Écologie

Transition énergétique : vous avez dit « modèle allemand » ?

Par Philippe Oswald - Publié le 27/02/2020
Pendant des années, on a donné pour modèle aux Français leur voisin d’Outre-Rhin. L’Allemagne passait pour un parangon de vertu non seulement économique mais écologique : ses forêts d’éoliennes et ses champs de panneaux solaires allaient en faire un paradis vert ou du moins le temple archétypique d’une économie décarbonée. Mais cette réputation ne cesse d’être entamée par des scandales comme celui du « dieselgate » ou tout simplement par la publication rituelle de comparatifs d’émissions de C02 : l’Allemagne est de très loin le pays de l’UE qui émet le plus de dioxyde de carbone, totalisant près d'un quart (22%) des émissions totales des pays européens. Deux fois plus que le Royaume-Uni (11%), la Pologne (10%) ou la très vertueuse France (9 %).

Or voici qu’un rapport de l’Agence internationale pour l’énergie (AIE, agence de l’Organisation de coopération et de développement économiques, OCDE) publié le 19 février jette une lumière crue sur les faiblesses du modèle énergétique allemand. Sur le plan écologique, l’« Energiewende », « le plus grand projet politique en Allemagne depuis la réunification », tourne au bide, avertit le célèbre magazine allemand Der Spiegel. Certes, le gouvernement allemand a respecté son « Energiekonzept », sa feuille de route énergétique, en faisant produire 46% de l’électricité par l’ensemble des énergies renouvelables (éolien, solaire, biomasse, hydroélectrique) au prix d’investissements massifs (ils atteindront 485 milliards d’euros en 2025). Pour autant, l’Allemagne n’arrive plus à réduire ses émissions de gaz à effet de serre.

Selon l’AIE, plus de 79% de la consommation annuelle d’énergie primaire (toute énergie disponible dans la nature avant transformation) en Allemagne dépendaient encore des énergies fossiles en 2018. En cause, notamment, les aléas de la météo qui réduisent les éoliennes et les panneaux solaires à fonctionner par intermittence, et les défaillances des infrastructures de transport d’électricité notamment des lignes à haute tension entre les parcs éoliens au nord du pays et les zones de consommation dans le sud. En outre, un vent… de fronde menace les éoliennes Outre-Rhin (il y en a près de 30 000, plus que partout ailleurs en Europe). Nombre de communes et de particuliers relayés par les Länder se rebiffent et multiplient les recours ou votent des lois contre l’installation d’éoliennes et de lignes à haute tension (sur les 7 700 kilomètres de nouvelles lignes électriques prévues, seules 8% ont été construites, de sorte qu’« une grande partie de l’énergie produite est perdue », selon Der Spiegel). Ayant abandonné le nucléaire, l’Allemagne a dû faire fonctionner à plein régime ses centrales à charbon, l’énergie fossile la plus polluante, qui ont encore produit plus de 29% de l’électricité au détriment de la qualité de l’air du pays et de ses voisins. Pour le reste, il a bien fallu acheter de l’électricité à cette France montrée du doigt pour ses centrales nucléaires !

L’Allemagne a entrepris de sortir totalement du nucléaire d’ici 2022 et du charbon d’ici 2038. Nul ne doute qu’elle déploiera une énergie toute germanique pour y parvenir. Mais l’AIE lui lance un avertissement sur sa sécurité énergétique : outre ses importations de gaz russe, elle pourrait avoir encore un grand besoin du renfort de l’électricité nucléaire française dans les années à venir…
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