Suspension du pass vaccinal : une libération en demi-teinte
Santé

Suspension du pass vaccinal : une libération en demi-teinte

Par Peter Bannister - Publié le 14/03/2022
Sans tambour ni trompette. Si la suspension du "pass vaccinal" et d’autres restrictions anti-covid a bien eu lieu ce 14 mars en France, elle n’a pas été saluée comme une sorte d’équivalent du « Freedom Day » britannique proclamé le 24 février. Les raisons pour ce manque d’enthousiasme ne sont pas difficiles à identifier : s’il est évident que la guerre en Ukraine et la campagne présidentielle ont fait de l’ombre à la crise sanitaire, cette suspension des mesures survient également dans l’incertitude générale regardant ce qui peut nous attendre dans les mois à venir aux niveaux médical et politique.

En ce qui concerne l’aspect médical, est-ce que nous pouvons dire que le covid-19 est passé à l’endémicité suite au passage du variant omicron ? Est-ce qu’une « sixième vague » (déjà annoncée par certains !) pourrait bientôt arriver, soit à cause d’un virus recombinant tel que le « Deltacron », soit due à l’émergence d’un nouveau variant inconnu ? Il est bien évidemment impossible de dire quel serait le degré d’immunité (naturelle ou vaccinale) contre un variant hypothétique dont on ne peut prédire ni le profil structurel, ni la transmissibilité/pathogénicité. Rien ne permet donc de dire que le covid-19 ait été définitivement maîtrisé.

L’efficacité et l’utilité réelle de la vaccination reste une question complexe, en particulier quand nous considérons l’interaction des produits déjà sur le marché (ou à venir, tel que le vaccin à virus inactivé du laboratoire franco-autrichien Valneva) avec la perception de ces produits en France métropolitaine ou dans les DOM-TOM. Il est par exemple intéressant de regarder la situation actuelle en Guadeloupe, où seulement 45,56% des personnes de plus de 12 ans avaient reçu une première dose au 8 mars 2022 et où le Nuvaxovid de Novavax vient d'être livré. Pour l'instant, l'idée que ce vaccin sans ARN messager puisse convaincre les récalcitrants semble contredite par un manque quasi-total d’intérêt pour le nouveau venu. La faible létalité de la vague omicron et sa durée relativement courte peuvent avoir confirmé l'avis des non-vaccinés guadeloupéens, cible principale du Nuvaxovid, que la vaccination en général contre le covid-19 n’a aucune raison d’être. On peut également penser que l’évidente impuissance des vaccins contre l’infection par l’omicron a aussi été un facteur démotivant. L’arrivée du Nuvaxovid, censé rassurer la population par rapport aux effets secondaires possibles de la vaccination, n’a rien changé à cet égard, le produit (développé contre la souche de Wuhan) n’ayant pas montré une grande efficacité contre les variants plus récents.

Par contre, il est aussi possible que l’expérience du récent bras de fer entre Paris et une grande partie de la population de l’île ait renforcé l’opposition des Guadeloupéens à une politique sanitaire ressentie comme répressive. Ici comme ailleurs, on peut difficilement séparer les aspects médico-scientifiques et politiques de la gestion de la crise sanitaire. Sur la même latitude que la Guadeloupe, le Guatemala, où on vient de jeter un million de doses périmées du vaccin russe Spoutnik V, illustre l’ambiguïté de cette dynamique. Face au refus des vaccins par le peuple, le gouvernement vient de mettre en cause des « mythes et rumeurs », mais on peut bien imaginer que de telles paroles n'apaiseront pas la résistance d’une population en décalage avec la vision des élites politiques, favorisant même la diffusion des « mythes » qu’elles fustigent.

En France métropolitaine, la gestion politique de la pandémie et son impact sur la société soulèvent également des questions pressantes. Face à une éventuelle reprise du covid d'ici quelques mois, est-ce qu'on appliquera la même stratégie du « tout vaccinal » que lors des précédentes ? Comment sera-t-elle accueille à la fois par le parlement et le public ? Surtout si de nouveaux traitements anti-viraux (Paxlovid et autres) voient le jour ou si, comme dans d’autres pays, on cesse d’interdire les traitements précoces, balayant l’idée que la vaccination soit l’unique réponse au virus. Il faudrait aussi signaler que le débat sur les effets adverses des vaccins, notamment au sujet de l'intégration éventuelle de l'ARN dans l'ADN humain, est loin d'être terminé et peut encore nous réserver des surprises.

Par contre, si la phase épidémique du covid-19 est réellement finie, toutes les libertés civiles suspendues par le gouvernement seront-elles restaurées de manière durable, et quand ? Va-t-on réintégrer à la vie professionnelle tous ceux qui en ont été exclus au cours des derniers mois ? Comment guérir le clivage sociétal entre « vaccinés » et « non-vaccinés » (catégories par ailleurs assez floues, redéfinies avec chaque nouvelle dose) – une division au moins exacerbée, sinon tout simplement créée par les propos de l’exécutif ? Ayant contribué à la fragilisation de la société par la peur, les mesures anti-covid prises entre 2020 et 2022 constituent-elles un précédent dangereux, ouvrant la voie législative et juridique à des mesures encore plus draconiennes face à une épidémie à venir ?
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