Rapport Sauvé, affaire Aupetit, les deux sujets brûlants de la rencontre du Pape et des évêques
Christianisme

Rapport Sauvé, affaire Aupetit, les deux sujets brûlants de la rencontre du Pape et des évêques

Par Philippe Oswald - Publié le 14/12/2021
Le pape François a reçu, le 12 décembre, le président de la Conférence épiscopale de France, Mgr Éric de Moulins-Beaufort, et ses deux vice-présidents, Mgr Olivier Leborgne et Mgr Dominique Blanchet. Un rendez-vous annuel pris de longue date mais que l’actualité rendait délicat : l’objet principal était d’échanger sur le rapport de la Commission indépendante des abus sexuels dans l’Église catholique (Ciase). Ce rapport a été fortement critiqué, en leurs noms propres, par huit membres de l’Académie catholique de France, notamment en raison de l’outil statistique employé pour estimer le nombre des victimes : 330 000. Même couvrant une période de 70 ans, ce chiffre leur paraît énorme. Sans contester la gravité de la pédophilie dans l’Église, ils jugent avec sévérité l’acceptation du rapport sans examen critique par l’épiscopat. En avalisant sur la base d’ « extrapolations statistiques fragiles » le « caractère systémique » de la pédocriminalité dans l’Église pointé par le rapport Sauvé, l’épiscopat se serait en somme tiré une balle dans le pied… au risque que toute l’Eglise se mette à boîter. Mais cette critique qui articule des considérations statistiques, théologiques et juridiques (Le Figaro du 27 novembre, en lien ci-dessous) ne recueille pas l’unanimité des 200 membres de l’Académie catholique de France. Pour signifier leur désaccord, dix-sept d’entre eux, dont Mgr Éric de Moulins-Beaufort, en ont démissionné. Notons toutefois que Jean-Marc Sauvé, président de la Ciase, ne fait pas partie des démissionnaires : cet ancien vice-président du Conseil d’État, après avoir dénoncé un « tissu d'attaques venimeuses », s’est dit « ouvert » aux objections de ses collègues et a confié au Figaro que les membres de la commission et lui-même s’efforceront d’y répondre « avant Noël ».

Le pape lui-même, selon Jean-Marie Guénois, le vaticaniste chevronné du Figaro, aurait émis des réserves à l’adhésion proche de la soumission avec laquelle l’épiscopat avait reçu ce document. Le Saint-Père avait déclaré le 6 décembre devant la presse : « Quand on fait ce genre d’études, il faut faire attention aux interprétations » car « on court le risque de confondre la façon de ressentir un problème d’une époque, il y a soixante-dix ans, avec la nôtre ». Mais le pape avait reconnu ne pas avoir « lu le rapport, ni entendu les commentaires des évêques français ». Ajoutant : « Je vais leur demander qu’ils m’expliquent la chose ». Ce qui fut fait le 13 décembre, apparemment à la satisfaction du Saint-Père.

Second point sensible de la rencontre du pape et des évêques, la démission de l’archevêque de Paris, Mgr Michel Aupetit, et son acceptation immédiate par le souverain pontife. Interrogé à ce propos par des journalistes dans l’avion qui les ramenait de Grèce le 6 décembre, le pape François avait déclaré que Mgr Aupetit « ne peut plus gouverner » car « sa réputation a été atteinte » par les « commérages ». Le pape avait aussi évoqué des « caresses » entre Michel Aupetit, alors vicaire général du diocèse de Nanterre et sa « secrétaire ». Concernant celle-ci, le pape avait été mal informé : elle est totalement hors de cause… Mgr Aupetit a bien reconnu avoir eu à l’époque (il y a de cela près d’une décennie) une relation « ambigüe » avec une femme, mais nie son caractère sexuel. Il affirme qu’il avait rompu cette relation et qu’il s’en était alors ouvert à sa hiérarchie. Cette information n’avait pas empêché qu’il soit nommé évêque de Nanterre (2014), puis archevêque de Paris (2017), ce qui ne se fait jamais sans une enquête approfondie du Saint-Siège. Au cours de sa conférence de presse aérienne, le pape avait expliqué aux journalistes que son acceptation de la démission de l’archevêque était faite sur « l’autel de l’hypocrisie » et non « de la vérité ». Toujours est-il que la façon dont le pape avait alors communiqué sur cette affaire avait choqué beaucoup de monde.

Malgré son ordre du jour épineux, la rencontre du 13 décembre entre le pape et les évêques a paru détendue et cordiale, selon la relation donnée par Mgr Éric de Moulins-Beaufort à l’issue de l’entretien. « Nous pouvons affirmer, si quelqu’un en doutait, le soutien du pape. Personnellement, je n’en ai jamais douté », a souligné Mgr de Moulins-Beaufort, qui a aussi ajouté qu’il était « rasséréné » après cette rencontre. « J’espère que nous arriverons à convaincre l’Église de France qu’elle peut l’être. » Le président de la Conférence des évêques de France a ajouté que le pape les avait encouragés à poursuivre leur travail « dans l’écoute des personnes victimes comme point focal de notre attitude » et qu’il était « d’accord sur le principe » de rencontrer les membres de la Ciase. S’agissant de l’acceptation de la démission de Mgr Aupetit, « il [le pape] nous a dit sa tristesse devant cette décision prise sur l’autel de l’hypocrisie et non de la vérité » a rapporté Mgr de Moulins-Beaufort. C’est cette même expression que le pape avait employée dans l’avion devant les journalistes.
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Rapport Sauvé, affaire Aupetit, les deux sujets brûlants de la rencontre du Pape et des évêques
Abus sexuels dans l'Église : un rapport d'intellectuels catholiques pointe les failles et les biais de la commission Sauvé
Le Figaro
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