Quand les media s'engagent pour l'urgence climatique
Écologie

Quand les media s'engagent pour l'urgence climatique

Par Louis Daufresne - Publié le 21/10/2022 - Photo AFP / Polar Bears International / Kt Miller
Il n’y a pas que l’air qui se réchauffe, les media montent également en température et surtout en pression : après les chaleurs records de cet été, la mobilisation des grandes rédactions s’intensifie depuis la rentrée. Fin août, France Télévisions et Radio France faisaient leur « tournant environnemental », matérialisé par un plan de formation visant tous les salariés. TF1 dévoilait aussi sa « feuille de route climat » avec des reportages futuristes imaginant la France en 2030, un comité d’experts aux petits soins des journalistes du groupe. « Il ne s'agit pas d'être dans le militantisme mais dans la pédagogie », soulignait le directeur de l’information Thierry Thuillier. Grâce à un partenariat avec RTE, France Télévisions et TF1 relaient désormais les alertes Ecowatt, afin d'éviter les coupures cet hiver. Pour la COP 27 à Charm el-Cheikh en Égypte (6-18 novembre), la première chaîne prévoit une « opération spéciale » d'extinction des lumières (monuments historiques, institutions, etc.).

Ces choix éditoriaux coïncident avec la charte pour un journalisme à la hauteur de l'urgence écologique signée mi-septembre par une cinquantaine de rédactions. Le texte dit que « le consensus scientifique est clair [et que] la crise climatique et le déclin rapide de la biodiversité sont en cours, et [que] les activités humaines en sont à l’origine ». Le premier point veut « traiter le climat, le vivant et la justice sociale de manière transversale ». Le dernier engage à « participer à un écosystème médiatique solidaire ». Le quatrième point indique que « l’essentiel des bouleversements est produit à un niveau systémique et appelle des réponses politiques ».

Systémique ? C’est l’effet recherché par l’industrie de l’information. TF1 revendique 500 sujets par an liés à la transition écologique. Regroupés sous la marque « Notre planète », ils seront quantifiés grâce à un baromètre dédié. D’un point de vue déontologique, un tel niveau d’engagement peut-il être indolore ? Raisonner par quota va-t-il de soi ? Et quid du droit de débattre contradictoirement si le consensus est médiatiquement acté ?

Mardi soir avait lieu une table ronde intitulée « peut-on douter du réchauffement climatique ? » Poser la question, ce n'était pas donner la réponse. Il s’agissait de s’interroger sur la cause humaine du phénomène. Organisé par l’Institut Éthique et Politique, l’événement s’inspirait de la méthode intellectuelle de la disputatio. Olivier Rey, philosophe et mathématicien, avait accepté de débattre avec Stanislas de Larminat, ingénieur agronome et bioéthicien.

Si les deux hommes s’accordent sur la complexité de la question climatique, Olivier Rey note que depuis le début de l’ère industrielle, l’homme se demande si son activité ne réchauffe pas la planète, quand Stanislas de Larminat pointe l’influence magnétique du Soleil et les incohérences des modèles du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat). Olivier Rey n’étant pas climatologue, le débat se déplace sur un autre terrain : pourquoi autant d’États s’accorderaient-ils sur l’urgence climatique si rien ne la justifiait ? Le mot de complotisme est lâché mais l’échange ne dérape pas. Stanislas de Larminat lui préfère un autre concept, l’effet d’aubaine.

Selon lui, l’urgence climatique permet à une foule d’acteurs d’accroître leur part de marché politique et leur capital symbolique :

- aubaine pour tous les Attali qui disent « à problème global, gouvernance mondiale » ;

- aubaine pour les ONG qui, sans suffrages populaires, gagnent en influence et en injonctions ;

- aubaine pour les financiers, qui, faute de pouvoir relancer la croissance à partir d'une consommation choisie par le citoyen, lui imposent des normes, comme l'envisage la « croissance verte » ;

- aubaine pour les malthusiens, persuadés que la réduction de la population réduira les émissions de CO2 ;

- aubaine pour les pays du Nord qui recommandent aux pays du Sud de ne pas suivre leurs modèles de développement, comme pour mieux les étouffer ;

- aubaine pour les pays émergents qui plaident pour limiter les émissions de CO2 par habitant (et non par pays), avec l'espoir que les pays riches délocalisent vers eux les industries fortement polluantes ;

- aubaine pour les USA qui exportent leurs écologistes pour mieux paralyser les économies européennes (un peu comme François Mitterrand reprochait à l'URSS d'exporter ses pacifistes) ;

- aubaine pour les matérialistes désireux de substituer au culte du Créateur celui de la créature (Gaïa).

Bref, la litanie est longue. Elle nous dit qu'à rebours des opinions publiques, prêtes à agir de manière responsable et désintéressée pour le climat, il n'en serait pas de même chez ceux qui parlent en leur nom.

Qu'il y ait un effet d'aubaine ou pas, cela ne change rien au fond de la question. Si le climat se réchauffe, et si cela s'aggrave au point de rendre la Terre invivable, le temps du débat devra céder le pas à celui de l'action, idée qu'Olivier Rey promeut avec sagesse.
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