Protéger le domicile ou la propriété ?
Politique

Protéger le domicile ou la propriété ?

Par Louis Daufresne - Publié le 28/09/2020
Entreprises, administrations, citoyens, consommateurs : les 50 articles du projet de loi de simplification de l'action publique (Asap) sont examinés à partir d’aujourd’hui à l'Assemblée nationale. Il s’agit d’un texte fourre-tout, nourri par les apports du Sénat et de la commission spéciale chargée de l'examiner au palais Bourbon. Objet d’un millier d’amendements, « Asap » arrive dans l'hémicycle six mois après avoir été débattu en première lecture à la chambre haute, un délai imputable à l'épidémie de Covid-19.

Voilà pour les présentations.

Quid du contenu ? Pas mal d’articles de presse en font un catalogue. Attardons-nous sur l’un des amendements, celui qui rebondit sur l’affaire de Théoule-sur-Mer (Alpes-Maritimes). Souvenez-vous : en août, la résidence secondaire d'un retraité y avait subi une occupation de près de trois semaines, par une famille avec enfants. Son bien lui avait été restitué et les squatteurs s’étaient vu proposer un hébergement.

La France est un pays généreux mais en perd la raison au point de créer des situations inextricables. Au départ, il y a l’article 61 de la loi du 9 juillet 1991 qui énonce que « sauf disposition spéciale, l'expulsion ou l'évacuation d'un immeuble ou d'un lieu habité ne peut être poursuivie qu'en vertu d'une décision de justice ou d'un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d'un commandement d'avoir à libérer les locaux ». On en comprend bien l’intention : protéger les locataires, empêcher qu’ils soient jetés à la rue. Mais l’esprit de cette loi ne tient pas compte du cynisme et de la malhonnêteté : le droit au logement, poussé à l’extrême, met en péril le droit de propriété. Beaucoup de Français ne le savaient pas : si un occupant illégal profite de votre absence pour prendre possession d’un lieu qui vous appartient, vous ne pouvez pas récupérer votre bien immédiatement. Le squatteur peut même vous attaquer pour violation de domicile ! Et si vous vous avisiez de déloger l’indésirable, vous vous exposeriez à une sanction pénale plus lourde que lui : trois ans de prison et 30000 € d’amende contre un an de prison et 15000 € pour l’occupant illégal reconnu fautif.

L’amendement vise à « faciliter la protection du droit de propriété », selon Guillaume Kasbarian (LREM), rapporteur du texte. Comment ? Il prévoit d'étendre la notion de « domicile » aux résidences secondaires ou « occasionnelles ». Le but est de permettre aux propriétaires lésés d’engager une procédure d'expulsion dans un court délai, sans s’infliger une coûteuse et laborieuse procédure judiciaire. « Cet amendement dit une chose très simple, souligna mi-septembre sur RTL le ministre en charge du Logement Emmanuelle Wargon : que ce soit une résidence principale ou une résidence secondaire, ou même une résidence occasionnelle, à partir du moment où vous trouvez un squatteur chez vous, vous déposez une plainte, vous faites constater que c'est bien chez vous et après vous interpellez le préfet. » Celui-ci a 48 heures pour vous répondre et au bout de ce délai, il met lui-même en demeure le squatteur de partir. Cet amendement, s’il est adopté, simplifiera la procédure mais ne lui ôtera pas toute sa lourdeur : dépôt de plainte, constat d’huissier, interpellation du préfet. Elle ne lui garantira pas non plus un succès rapide. Julien Aubert, député LR du Vaucluse, indique au Figaro que l’amendement Kasbarian donne de « faux espoirs ». Le préfet « peut refuser la demande du propriétaire. (…) Lorsqu’il y a des enfants, par exemple, les policiers refuseront (…) de procéder à l’expulsion mais il en est de même en cas d’absence d’alternative pour être relogé ». Par ailleurs, l’amendement inclut la résidence « occasionnelle ». L'épithète fait sauter au plafond le collectif Droit au logement (DAL). Non sans raison. Cette notion pourrait donner quitus à des marchands de sommeil pour expulser des locataires au noir. Le DAL appelle à un rassemblement demain près du Palais Bourbon. « À force de parler de domicile, on en oublie de protéger toutes les propriétés », rétorque Julien Aubert. Le ministre de la Justice Éric Dupont-Moretti s’emparera-t-il de ce dossier ? S’il lisait l’histoire inouïe de Cécile Pigné racontée par Normandie actu, il est probable qu’il le ferait.
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