Pour un Castex, c'est un casting !
Politique

Pour un Castex, c'est un casting !

Par Louis Daufresne - Publié le 03/07/2020
Ainsi donc, Emmanuel Macron a nommé Jean Castex au poste de Premier ministre, à la place d'Édouard Philippe. S’agit-il d’un événement ? II y a belle lurette qu’un remaniement, y compris à Matignon, n’en est plus un, d’autant que le nouveau chef du gouvernement ressemble plus à une doublure qu’à une rupture. Son profil techno en fait le clone de son prédécesseur. La seule question qui vaille aujourd’hui, c’est : sera-t-il l’homme de la situation ? Car « la rentrée sera très dure, il faut nous y préparer », avertit hier Emmanuel Macron dans un entretien à la presse quotidienne régionale. À la veille de cette nomination, choisir de s’exprimer dans ces journaux-là était calculé. Si Jean Castex est, selon la présidence, « parfaitement rompu aux arcanes parisiennes », il est aussi « un fin connaisseur des réalités locales et territoriales ».

Après les Gilets jaunes, il semble que la fiche de poste de tout locataire de Matignon doive désormais conjuguer ces deux points : expérience de la haute fonction publique – il est membre de la Cour des comptes – et mandats locaux : Jean Castex est « à la fois maire, président d'une communauté de communes et conseiller départemental », se félicite l'Élysée. C’est un paradoxe de faire l’éloge du cumul des mandats (ou des fonctions). Maire LR de Prades (Pyrénées orientales), cet énarque de 55 ans est depuis avril le délégué interministériel chargé du déconfinement. « Il est un haut fonctionnaire complet et polyvalent qui aura à cœur de réformer l'État et de conduire un dialogue apaisé avec les territoires », explique l'Élysée. 

Mais l’essentiel n’est pas là dans ce choix macronien. Jean Castex « a travaillé avec Xavier Bertrand, Nicolas Sarkozy et Édouard Philippe ». Il « vient de la droite mais c'est un gaulliste social ». Une sorte de Philippe Séguin. Cette référence au Général n’est pas anodine, 80 ans après l’appel du 18 juin. C’est une vieille ficelle électorale. À mesure que l’élection se rapproche, il faut entrer dans le costume de l’homme providentiel et se remettre à marcher droit. Et à ce jeu-là, peu d’options se présentent pour Emmanuel Macron :

1.      L’horizon à gauche est bouché. Après les municipales, l’écologie politique va s’employer à prendre l'ascendant sur le PS pour cornaquer une nouvelle gauche plurielle.

2.      Le centre est une vue de l’esprit. Le Modem est aussi has been que François Bayrou qui n'a rien à lui offrir.

3.      Les souverainismes de droite et de gauche lui sont évidemment hostiles.

Sur qui faire l’OPA ? Sur le maillon faible – Les Républicains – dont la seule force est de bien résister dans cette France périphérique allergique au macronisme. Manu la dépèce une seconde fois ! Christian Jacob n’a que ses yeux pour pleurer : Jean Castex « avait pris ses distances ces derniers jours », argue-t-il avant d’ajouter, comme le mari trompé dans un vaudeville : « En matière de trahisons, on a déjà donné. » Et il est probable qu’Emmanuel Macron ait suivi le conseil de Nicolas Sarkozy dont Jean Castex est un ancien collaborateur. Les Républicains se sentent mouchés et on les comprend mais, privés de chef et d’idées, ils ne savent plus où ils habitent, comme nous l’illustrions dans LSDJ n°1003. Du coup, ils s’énervent comme Éric Ciotti sur Twitter : « En nommant Jean Castex dont la seule légitimité est technocratique, Emmanuel Macron dissout Matignon. Menacé par la popularité d'Édouard Philippe, il dérive désormais de plus en plus vers un pouvoir totalement personnel et autoritaire. » Il est vrai que le directeur de cabinet de Jean Castex sera Nicolas Revel, un proche d'Emmanuel Macron qui avait tenté, en vain, de l'imposer à Édouard Philippe à son arrivée à Matignon. Le nouveau venu ne risque pas de lui faire de l’ombre.

Ce qui étonne un peu, ce sont certaines réactions des LR, comme celle de Guillaume Peltier : « Les Français en ont marre de ceux qui privilégient leur carrière plutôt que leurs convictions. » Mais de quelles convictions parle-t-il ? Et le numéro 2 du parti ne fit-il jamais passer sa carrière avant ses idées ? « Emmanuel Macron, ajoute-t-il, est le président d'une république des hauts fonctionnaires et des énarques en laquelle les Français n'ont plus confiance ». Il faut nuancer. À l’arrivée, nos compatriotes votent le plus souvent pour des énarques. François Mitterrand et Nicolas Sarkozy sont des exceptions. Depuis la mort du roi, ils vénèrent l’État qui les dorlotte et les rassure. Au pays de l’égalité, l’élitisme est une religion peut-être paradoxale mais bien réelle. Ce que les LR ne veulent pas reconnaître, c’est qu’Emmanuel Macron est le chef de leur électorat. Et qu’avec Jean Castex, il a toutes les chances de le rester.
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