Pour lutter enfin contre la fraude sociale, le gouvernement prend des pincettes
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Pour lutter enfin contre la fraude sociale, le gouvernement prend des pincettes

Par Philippe Oswald - Publié le 01/06/2023 - Photo : le vice-ministre de l’Économie Gabriel Attal quitte l'Elysée après le Conseil des ministres. Paris, 30 mai 2023. (Andrea Savorani Neri / NurPhoto / NurPhoto via AFP)
Signe de « droitisation » ou simplement de réalisme ? Après avoir lancé un plan contre la fraude fiscale – mesure supposée plaire à la gauche –, le gouvernement annonce à présent un plan contre la fraude sociale – mesure supposée plaire à la droite. En fait, on ne voit pas quel Français pourrait s’accommoder d’un vol d’argent public dont chacun est finalement victime. S’agissant de la fraude sociale, voilà des années qu’elle est dénoncée comme étant particulièrement massive et ruineuse par Charles Prats (ancien magistrat de la délégation nationale à la lutte contre la fraude fiscale sociale au ministère des Finances). Selon lui, les mesures annoncées le 30 mai par Gabriel Attal, ministre délégué chargé des Comptes publics, vont certes dans la bonne direction, mais restent bien timides au regard de l’enjeu (son interview dans Le Figaro du 30 mai en lien ci-dessous).

Selon la Cour des comptes, la fraude sociale représenterait une perte de 6 à 8 milliards d’euros par an. Une estimation que conteste Charles Prats selon lequel ce détournement d’argent public serait plus proche de 40 milliards d’euros… Il relève, à l’appui de son estimation, que cette même Cour des comptes constate la prise en charge de près de 75 millions d’assurés sociaux, alors que la France compte à peine 68 millions d’habitants. Il ajoute sur Twitter que l’Inspection générale des finances (IGF) et l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) viennent de confirmer qu’il y a 5,3 millions d’assurés sociaux en plus que d’habitants.

Le plan gouvernemental porte essentiellement sur un meilleur suivi des allocations, des cartes Vitale, des retraités à l’étranger… Il vise d’abord les fraudeurs aux cotisations sociales, par exemple ceux qui créent des sociétés pour bénéficier d’aides publiques et disparaissent avant de payer leurs cotisations. Un délai de soixante jours sera requis à l’avenir pour qu’une entreprise en liquidation puisse transférer son patrimoine à l’étranger. Concernant les plateformes, qui dissimuleraient quelque 800 millions d’euros de chiffre d’affaires chaque année, notamment en employant des micro-entrepreneurs, le recouvrement de leurs cotisations devrait être assuré par le croisement des données sociales et fiscales.

S’agissant des fraudes en matière de santé, Gabriel Attal pointe les médecins, les pharmaciens et les ambulanciers : ils seraient, selon lui, coupables « dans 70% des cas [de fraude], par surfacturation ou par facturation d’actes fictifs ». Les contrôles seront donc renforcés (par exemple pour les prescriptions d’arrêt de travail) et les assurés seront invités à vérifier s’ils ont effectivement bénéficié des soins facturés (il s’agirait donc de dénoncer le soignant...mesure qui paraît peu applicable et d’ailleurs peu souhaitable). Pour traquer les vendeurs d’arrêts de travail ou des bénéficiaires du RSA... très actifs, le plan prévoit de former un corps de 450 cyber-enquêteurs disposant d’un pouvoir de police judiciaire.

Plus généralement, le plan Attal envisage de fusionner la carte Vitale et la carte d’identité mais renonce à la création d’une « carte Vitale biométrique », en raison d’un coût jugé prohibitif (1,5 milliard d’euros sur cinq ans). Un renoncement fortement critiqué par Charles Prats. La lutte contre l’évasion sociale devrait être néanmoins engagée dès le 1er juillet par la fin de tout versement, sur un compte hors d’Europe, d’une prestation sociale soumise à condition de résidence sur le territoire français (on se pince en découvrant qu’une telle pratique était tolérée... ) Quant aux personnes dont on soupçonne le décès... mais auxquelles des pensions de retraite continuent néanmoins d’être versées (dont un nombre extravagant de centenaires installés en Algérie où résident 300 000 des 500 000 retraités hors d’Europe), Bercy prévoit de renforcer les moyens de contrôle avec 1 015 recrutements dans les caisses de Sécurité sociale (+20 %) et un investissement d’ un milliard d’euros pour moderniser les systèmes informatiques.

Charles Prats, qui aura exercé un rôle majeur de lanceur d’alerte, estime que le plan présenté par Gabriel Attal « manque d’ambition » et « laisse un goût d’inachevé ». Ses principales critiques portent sur la faiblesse des mesures contre les fraudes à l’immatriculation qui touchent l’ensemble des branches et allocations, avec ces millions d’assurés sociaux qui n’y ont pas droit ou dont la longévité bat tous les records. Enfin, s’agissant de la fusion de la carte Vitale et de la carte d’identité, le gouvernement annonce « la mettre à l’étude », relève Charles Prats. Il y voit un effet d’annonce … pour une réalisation lointaine. La seule certitude est le renoncement immédiat à la biométrie qui aurait la faveur de 80 % des Français. « Un plan ambitieux se serait concentré sur la mise à plat et la sécurisation par la biométrie du fichier des assurés sociaux afin de l’expurger des millions de personnes qui n’ont rien à y faire. »
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Charles Prats : « Ce plan anti-fraude sociale laisse un goût d’inachevé »
Le Figaro
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