Pas de période de grâce pour la Grèce
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Pas de période de grâce pour la Grèce

Par Philippe Oswald - Publié le 11/07/2019
« Cette Grèce où nous sommes nés » - c’était le titre d’un ouvrage de Thierry Maulnier (1909-1988) - sortira-t-elle du tombeau où elle s’est jetée sous l’incitation de l’Europe, alors qu’elle n’était absolument pas prête à adopter l’euro ? En tout cas, la nette victoire (39,7% des voix contre 31,5 %), le 7 juillet, du candidat du parti libéral de droite, Kyriakos Mitsotakis, contre le premier ministre sortant venu de l’extrême gauche, Alexis Tsípras, n’annonce pas encore la résurrection du pays. Le vainqueur a beau proclamer : « C’est un nouveau jour qui se lève pour la Grèce », la situation dont il hérite avec son parti Nouvelle Démocratie (ND) ne laisse pas entrevoir les premières lueurs de l’aube…

Les Grecs sont exsangues. Ecrasés d’impôts par Alexis Tsipras qui, au cours des trois années précédentes, contre toute attente et surtout contre leur « non » massif de 2015 (61,3%) au nouveau plan des créanciers, a littéralement devancé les exigences de l’UE et le FMI, ils sont endettés jusqu’au cou. Le début d’assainissement financier du pays s’est opéré au prix de coupes massives des revenus et des prestations sociales, assorties d’une TVA à 24% ! Les jeunes émigrent massivement pour trouver un emploi tandis que les retraités européens viennent s’installer au soleil. La croissance a repris, mais elle n’est que de 1,3%, tandis que le taux de chômage est encore de 18% en moyenne mais de 40% pour les jeunes (malgré les 400 000 qui ont quitté le pays) ! Tout comme la pauvreté, la dette de la Grèce est la plus élevée de la zone euro : plus de 180% du PIB, ce qui condamne le nouveau gouvernement à tenir une politique d’austérité sous l’étroite surveillance des créanciers étrangers.

Pour survivre, la Grèce s’est littéralement vendue à l’étranger, en particulier à la Chine, propriétaire du port du Pirée d’où elle inonde l’UE de ses produits avec quelque 30.000 Chinois qui ont obtenu la carte de résident leur permettant de circuler dans toute l’Europe. En 2019, le gouvernement grec devait engranger 1,5 milliard d’euros grâce aux privatisations (mais l’objectif est loin d’être atteint). Très peu au regard des 288 milliards d’euros débloqués par les Européens et le FMI …moins pour sauver la Grèce que pour sauver ses créancières, les grandes banques françaises et allemandes en tête. Comment la Grèce pourra-t-elle rembourser sinon en s’endettant davantage, alors qu’il ne reste plus grand chose à privatiser ?

Le nouveau gouvernement s’est néanmoins engagé à faire avancer les privatisations, réduire les impôts, alléger le fardeau des PME, combattre le chômage… Contraint d’agir dans l’urgence, il s’est donné cent jours pour renverser la vapeur : fusion de ministères, réforme du code pénal laxiste hérité du parti gauchiste Syriza (notamment pour empêcher les sorties de prison des condamnés à vie), baisse des taxes et réforme de l’éducation (notamment pour permettre l’installation d’universités privées dans le pays). Outre ces projets de loi à faire adopter pendant l’été, Kyriakos Mitsotakis doit renégocier les objectifs d’excédents budgétaires avec les créanciers du pays, UE, BCE et FMI. Il pourrait enfin décider une émission obligataire, pour renflouer les caisses de l’État.

L’éditorial du Monde du 8 juillet (en lien ci-dessous) se veut néanmoins optimiste : « Non seulement la Grèce se normalise, mais, après avoir été le précurseur de la crise en Europe, elle pourrait peut-être montrer la voie de la restructuration du paysage politique. » On le lira donc en contrepoint, non sans savourer au passage que Le Monde se réjouisse de la victoire d’un parti de centre-droit…
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