Neom : et l'utopie devient réalité
Écologie

Neom : et l'utopie devient réalité

Par Louis Daufresne - Publié le 04/11/2022 - Photo : NEOM AFP
On l’appelle « Mirror Line » ou « The Line » : imaginez deux lignes droites et parallèles de 170 km de long, chacune faisant 500 m de haut et 200 m de large. Non, ce n’est pas un mirage, même si ce « rail », recouvert d’un miroir, reflétera du sable à perte de vue. Ces deux gratte-ciel, c’est Neom, la cité dystopique dont s’enorgueillit déjà la monarchie saoudienne.

Tout est dans le m pour moustaqbal, « avenir » en arabe. Dans la province de Tabuk, une armée de camions s’attelle tout juste à dessiner le visage de ce nouveau monde qui sera fait, nous dit-on, de taxis volants et de valets robotisés, de plages phosphorescentes et de lune artificielle. Soyons prudents : rien ne vieillit plus vite que le futurisme. Reste que, d’ici 2045, 9 millions d’âmes doivent peupler ces barres géantes, 1,2 million dans 8 ans ! 

Depuis le canal de Suez, les pharaons n’habitent plus l’Égypte et sur le détroit de Tiran, le prince Mohammed Ben Salmane passe moins pour écolo que mégalo. Neom alimente autant les fantasmes que les controverses. Annoncé il y a cinq ans, ce projet fut dévoilé fin juillet. Une polémique s’ensuivit début octobre, à quelques semaines de la COP27. La raout de toutes les peurs climatiques allait se tenir juste en face, à Charm-el-Cheikh. Et pile à ce moment-là, le Conseil olympique d'Asie (OCA) osa annoncer tout sourire que l'Arabie saoudite accueillerait les Jeux asiatiques d'hiver de 2029 à Trojena, secteur montagneux de Neom, où, malgré de faibles précipitations, on vantait « les températures [qui] descendent en dessous de zéro degré en hiver ». Les bédouins pourraient enfin chausser des Moon-Boot, ce n’était que justice, pensait-on à Ryad. « Je n'avais jamais cru que je skierais un jour dans mon pays », s’écriait le skieur alpin saoudien Fayik Abdile, l’œil humide d’émotion. Mais partout sur la planète, la stupeur l’emporta et Neom fit figure de provocation, à l’heure où, en Europe, on hésitait à allumer la chaudière. Trojena devrait être achevé en 2026. Les pistes y seraient ouvertes toute l’année, bordées par un lac artificiel d'eau douce, des chalets, des manoirs et des hôtels de luxe…

On reparla de Neom à l’aune d’une autre polémique sportive, tel un dommage collatéral de la Coupe du monde de football. On ironisa sur la « Qatarstrophe ». La diplomatie douce cache souvent des régimes durs. Les questions resurgirent : faut-il boycotter de telles entreprises de séduction ? Peut-on laisser préempter le sport, ses audiences mondiales et ses effusions communicatives, par des potentats piétinant les libertés ?

Le futurisme de Neom masque mal l’archaïsme du pouvoir saoudien. Mais cet argument a sa limite, celle de l’argent qui, lui, n’en a pas. On parle de 500 milliards pour bâtir cette mégapole. MBS rêve à sa Silicon Valley. Son plan Vision 2030 entend assurer la transition du royaume vers un modèle destiné à « mettre fin à un État rentier, paralysé par les conservatismes et la bureaucratie », observe le site Politique internationale. Le prince voit la vie en vert, celui de l’islam et celui de l’écologie, et l’un et l’autre ne sont pas incompatibles à ses yeux, comme si le premier transposait sur le second son désir de figer le monde dans un univers aseptisé et protégé. Une forêt humide ne prospérera-t-elle pas entre les murs de cette singulière oasis ?

Neom se présente comme « un accélérateur de progrès humain », rien que ça, une « révolution de notre civilisation », plaçant « l’homme au premier plan et offrant une expérience de vie urbaine sans précédent tout en préservant la nature environnante ». L’élitisme est assumé « là où vivent les meilleurs et les plus brillants, un lieu (…) d’expérimentation (…) associé à des soins de santé préventifs exceptionnels, pour une plus grande longévité ». L’ambitieuse ville cognitive affiche la nouvelle ère du « zéro », élément de langage dominant : Neom, c’est la vie en « zéro gravité ». Son empreinte plus dense bannira l’étalement urbain et favorisera en même temps le contrôle social, même si, selon le royaume, la ville sera « construite autour de l’homme, et non de la technologie ». Gorgé d’énergies renouvelables, Neom développera un environnement « zéro voiture » fort d’un système de transport 100 % durable. Une ligne à grande vitesse permettra de parcourir The Line de bout en bout en 20 minutes : « zéro pollution et zéro temps d’attente ». Tout sera accessible aux habitants de Neom à moins de 5 minutes de marche.

MBS voit loin, pense à tout, et surtout à l’après-pétrole : « la réduction des trajets domicile-travail permettra de consacrer plus de temps aux loisirs. Sans dépenses comme l’assurance automobile, le carburant et le stationnement, les revenus disponibles augmenteront. » 

Ça fait rêver, non ?
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