L’ex-otage Sophie Pétronin, symptôme du pétrin malien
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L’ex-otage Sophie Pétronin, symptôme du pétrin malien

Par Philippe Oswald - Publié le 10/10/2020
Emmanuel Macron s’est abstenu de prononcer le discours d’accueil prévu pour le retour en France de la franco-suisse Sophie Pétronin (75 ans), le 9 octobre, après presque quatre ans de captivité au Mali. Sans doute en avait-il été dissuadé par les mots qu’il avait échangés avec l’ex-otage après sa libération. Quoi qu’elle ait confié au Président, Sophie Pétronin, à peine débarquée sur le sol français, a publiquement déclaré que, convertie à l’islam, elle avait hâte de retourner « voir ce qui se passe » au Mali et qu’elle refusait de qualifier ses ravisseurs de « djihadistes ». « Ils ont pris soin de moi », a-t-elle expliqué. Syndrome de Stockholm, version Bamako ? Les fuites sur le coût de la rançon payée pour Sophie Pétronin et trois autres otages – on parle de millions d’euros – et surtout la libération de plus de 200 djihadistes détenus par les autorités maliennes, auront aussi contribué au silence du Président.

Nos 5000 soldats de l’opération Barkhane qui ont déjà perdu 50 des leurs au combat et leurs alliés maliens ont du mal à accepter l’idée de se retrouver face à des djihadistes ayant servi de monnaie d’échange et dont les armes auraient été payées par la rançon. L’argument selon lequel il s’agirait pour la plupart de menu fretin n’est guère recevable : c’est la piétaille que les chefs envoient de préférence au casse-pipe au Sahel comme en Syrie ou en Irak, ou encore en France pour commettre des attentats. En outre, on compte parmi ces islamistes libérés une vingtaine de « caïds », tels Fawaz Ould Ahmed, membre du groupe Mourabitoune, un des bras armés d’AQMI, impliqué dans des attentats contre un restaurant de Bamako et un hôtel de Sévaré (Mali) qui avaient fait 28 morts le 20 novembre 2015, ou encore Mimi ould Baba ould Cheikh, impliqué dans les attentats de Grand Bassam en Côte d’Ivoire, le 13 mars 2016, et contre deux restaurants et un hôtel dans le centre de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, le 15 novembre 2016, qui avaient causé au total la mort de 49 personnes de diverses nationalités. Tous ces terroristes libérés ont été transportés par avion dans différentes zones du pays.

L’initiative de ces libérations serait imputable au gouvernement malien, en cheville avec des chefs touaregs proches d’al-Qaïda (auquel est affilié le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans qui détenait les otages). Ce n’est pas tant pour la libération de Sophie Pétronin ou des deux Italiens libérés avec elle, le missionnaire Pier Luigi Maccalli et le touriste Nicola Chiacchio, que le gouvernement malien aurait consenti un tel prix, mais pour celle de Soumaïla Cissé, ex-ministre et ex-candidat à la présidentielle, figure de proue de l’opposition, enlevé le 25 mars dernier, alors qu’il était en campagne électorale. On avait alors soupçonné le président malien de l’époque, Ibrahim Boubacar Keïta, dit IBK, d’être impliqué dans cet enlèvement. L’éviction d’IBK par un coup d’État militaire le 18 août a changé la donne… Le président de transition Bah N’Daw a fait une priorité des pourparlers avec les islamistes dont l’aura ne cesse de grandir auprès des différentes ethnies qui constituent le peuple malien. N’en déplaise à Paris, à Washington ou à la communauté internationale dont les avis semblent peser de moins en moins lourd auprès de la junte au pouvoir.
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