Les Français, otages de la pénurie hospitalière
Santé

Les Français, otages de la pénurie hospitalière

Par Philippe Oswald - Publié le 13/10/2020
Conseil de défense ce matin (mardi 13 octobre) à l’Elysée, intervention télévisée d’Emmanuel Macron mercredi soir… Aux armes, citoyens ! Le coronavirus repart à l’attaque ! « Nous sommes dans une deuxième vague forte », avait prévenu le premier ministre Jean Castex lundi 11 septembre sur Franceinfo. Et de tancer les Français qui « ont considéré un peu trop vite, malgré les discours que nous tenions, que ce virus avait disparu ». Ah, ça, ce ne sont pas les discours officiels qui auront manqué, dont chacun aura pu apprécier la cohérence et la clarté depuis le début de l’épidémie ! Mais maintenant, fini de rire, a averti Jean Castex : « Il ne peut plus y avoir de relâchement ! » Pourtant les patrons et employés de bars, de restaurants, de clubs, de salles de sport ou de danse qui, après avoir appliqué strictement les mesures sanitaires, sont de nouveau frappés par des fermetures administratives, n’ont pas le sentiment de s’être « relâchés ». Ils voient la mort de leur activité, tout simplement. Et après eux, vient la cohorte d’entreprises touchées de plein fouet par cette navigation à vue, ou plutôt au doigt mouillé, du gouvernement, face à la crise sanitaire.

Où est le problème aujourd’hui ? Le nombre de personnes positives augmente rapidement, inexorablement ou logiquement (en raison de la multiplication des tests). Pour autant le taux de reproduction (R) du virus est selon Olivier Véran (point presse du 8 octobre) de 1,07 ce qui est proche d’une progression linéaire alors qu’il était de 3 au printemps (le taux de reproduction du virus doit être inférieur à 1 pour que l'épidémie régresse). Le virus serait-il devenu plus dangereux ? Entre aujourd’hui et le début de l’épidémie, la mortalité en réanimation a été divisée par deux grâce aux progrès accomplis dans la lutte contre la Covid-19, selon une étude menée par l’Institut Pasteur. Rappelons par ailleurs que, malgré la flambée de l’épidémie, le nombre de décès constatés en France (toutes causes confondues) pour les sept premiers mois de l’année 2020 était légèrement inférieur à celui des deux années précédentes, y compris dans les régions les plus touchées par le coronavirus (source : Insee, 31 juillet). Le problème sanitaire n°1, alors que près de 1500 patients atteints de complications Covid sont actuellement hospitalisés en réanimation, c’est de nouveau le manque de lits et de personnel dédiés dans les hôpitaux. Et cette vérité est tellement dérangeante pour le gouvernement qu’il lui faut en remettre une couche sur le stress de la population pour qu’elle ne contamine pas les plus fragiles… et ne s’avise pas de lui demander raison de la pénurie hospitalière.

Cette pénurie est criante : selon le Répertoire Opérationnel des Ressources (ROR) des autorités de santé, près de 6000 lits de réanimation étaient opérationnels à la fin septembre dans les hôpitaux publics et privés de France. Soit seulement 500 lits de plus qu’avant le début de l’épidémie (et encore deux fois moins qu’en Allemagne : 34 lits de soins intensifs pour 100 000 habitants contre 16,3 en France) ! Seulement 6000 lits pour réanimer non seulement les patients atteint du SARS-Cov-2 en état critique, mais aussi ceux atteints d’autres pathologies, lesquels ont déjà souffert de la priorité accordée aux malades du coronavirus. Le même scénario se profile à présent : à Paris, à Toulouse, les hôpitaux publics annoncent qu’ils sont contraints de déprogrammer des interventions chirurgicales pour éviter la congestion du système. Et quand bien même nos hôpitaux bénéficieraient enfin des 12 000 lits de réanimation (le double !) promis dans un avenir nébuleux par le ministère de la Santé Olivier Véran, ces lits manqueraient de personnel soignant spécialisé, explique le Dr. Étienne Fourquet, président du Syndicat national des anesthésistes réanimateurs de France (sur le site Atlantico, en lien ci-dessous). À cette pénurie, s’ajoute deux grands problèmes structurels : le déséquilibre régional de l'offre de lits de réanimation, et la charge quasi-exclusive (90%) que ces postes de réanimation font peser sur l'hôpital public, en raison de leur manque de rentabilité.

Après la catastrophe des six premiers mois de l’épidémie, le gouvernement disposait de trois mois pour préparer l’hôpital public à encaisser un nouveau choc. D’évidence, il ne l’a pas fait. La mission d'évaluation de la gestion de la crise du coronavirus, mandatée en juin par Emmanuel Macron, a pointé ce mardi dans un rapport d'étape des « défauts manifestes d'anticipation, de préparation et de gestion » de la crise sanitaire. Ce rapport précise que par comparaison avec ses voisins européens, la France occupe « une position intermédiaire » en matière de mortalité attribuée au coronavirus, mais « présente une chute de PIB particulièrement forte », liée « pour l'essentiel à l'intensité des mesures de confinement ». Mais c’est encore une fois aux Français que le gouvernement tente de « faire porter le chapeau » de son impéritie.
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France : ce qui se passe vraiment sur les lits de réanimation
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