Les fractures du « pass sanitaire »
Société

Les fractures du « pass sanitaire »

Par Philippe Oswald - Publié le 12/08/2021
Pour ou contre le « pass sanitaire », pour ou contre la vaccination quasi obligatoire qu’il implique ? Le fossé se creuse entre les Français. Et souvent les fractures commencent dans les familles, où le sujet devient tabou ou explosif, comme au temps de l’affaire Dreyfus.

Après avoir promis qu’il n’imposerait jamais la vaccination puis ordonné le « pass » dont les contraintes sont sans précédent en France depuis la guerre, Emmanuel Macron est revenu à la charge hier, 11 août, en visioconférence depuis le fort de Brégançon, pour appeler au « civisme » afin d’atteindre « la vaccination de tous les Français », et défendre le passe sanitaire. « Nous allons vivre encore plusieurs mois avec ce virus », a-t-il annoncé, sur fond de flambée de l’épidémie aux Antilles et de tensions dans le sud de l’Hexagone. Le chef de l'État a présenté cette poussée épidémique comme « la démonstration cruelle » que « la vaccination est le moyen le plus efficace » pour lutter contre le virus (silence, une fois de plus, sur les traitements précoces dont le directeur de l'Institut national des allergies et maladies infectieuses, aux Etats-Unis, Anthony Fauci, vient d’admettre à la surprise générale, lors de la CSIS - Commission on Strengthening America’s Health Security : « Nous savons maintenant qu’il faut utiliser des antiviraux dans les 7 premiers jours de la maladie »).

La stratégie vaccinale du gouvernement est d’atteindre 50 millions de vaccinés fin août, soit 5 millions supplémentaires. Il annonce en prime, pour la rentrée, une troisième dose de vaccin pour les personnes les plus vulnérables déjà vaccinées, et le déploiement de stands de vaccination dans les collèges, les lycées et les universités. Enfin, cerise sur le gâteau, la fin de la gratuité des tests de dépistage, sauf prescription médicale, à la mi-octobre, pour inciter les Français « à prendre leurs responsabilités », c’est-à-dire à se soumettre aux piqûres sans lesquelles il n’y aurait point de salut.

Du coup, l’impression donnée est plutôt celle d’une épidémie sans fin, justifiant une vaccination forcée et un état d’exception dont beaucoup craignent qu’il devienne la règle dans les principaux lieux de la vie quotidienne. Les exhortations à la « résistance » se multiplient, confortées par les premières retombées de ce « pass ». Les réactions oscillent entre une morne résignation et la révolte, celle-ci se manifestant davantage dans le sud du pays. Mais partout, des lieux de culture et de loisirs et surtout des terrasses de cafés et des restaurants vides attestent qu’il n’est pas confortable pour les personnes munies du précieux sésame de jouir paisiblement d’un moment de détente sous l’œil de ceux que leur état sanitaire ou leurs convictions « anti-pass » laissent à l’extérieur du cercle des élus. Être attablé, c’est se désigner comme « collabo » !

Cette stratégie de l’exclusion, cette ségrégation dantesque dictée par la peur (de la contamination, de la sanction) est profondément délétère. La peur n’épargne pas le gouvernement lui-même qui a renoncé à imposer la vaccination aux policiers et…chauffeurs routiers dont les révoltes lui seraient fatales. Du coup les restaurants « routiers » bénéficient d’un privilège au demeurant difficile à gérer : comment vérifier que les convives sans passe sanitaire sont bien de vrais « routiers » et non de simples titulaires du permis « poids lourd » ? A quoi s’ajoutent les habituelles absurdités administratives s’agissant, par exemple, du libre accès non seulement aux métro et RER, mais aussi aux TER, mais pas aux trains « longue distance ». Ce qui donne par exemple : « Cherbourg – Paris en TER : 3 heures environ et pas de passe sanitaire. Mais Paris – Lille en TGV : 1 h environ et… un passe sanitaire ! » (exemple rapporté par un lecteur de Ouest-France, 10 août). Ces oukases loufoques renforcent la détermination des « anti-pass » qui soulignent que le pouvoir macronien se montre fort envers les faibles et faible envers les forts. Phénomène exceptionnel au cœur de l’été, les manifestants dans toutes les villes de France sont de plus en plus nombreux de samedi en samedi.

Quels qu’ils soient, les Français ont un ennemi commun : la peur, explique le sociologue Michel Maffesoli dans cette interview à Causeur (en lien ci-dessous). Il met en garde contre « le totalitarisme doux », « l’idéologie du service public » consistant pour les gouvernants à « faire le bien des gens contre leur gré, ou en tout cas, sans qu’ils puissent définir ce bien. » Il avertit : « Trop d’imposition finira par pousser à la révolte même les plus dociles. »
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