Les disparités économiques entre Blancs et Noirs aux États-Unis sont-elles le fruit d’un « racisme systémique » ?
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Les disparités économiques entre Blancs et Noirs aux États-Unis sont-elles le fruit d’un « racisme systémique » ?

Par Ludovic Lavaucelle - Publié le 03/08/2021
Le mouvement Black Lives Matter est omniprésent depuis la mort de George Floyd l’année dernière. Le concept de « racisme systémique » est devenu un dogme dans de nombreuses universités. Une relecture idéologique de l’Histoire prétend que les fondations de la nation américaines étaient racistes (voir LSDJ 1331). Samuel Kronen, pour le site australien « Quillette », revient sur l’histoire moderne de la communité noire américaine (en lien ci-dessous). Le racisme est-il un mal structurel qui expliquerait les inégalités économiques persistantes entre Blancs et Noirs ?

On peut raisonnablement penser que les drames passés influencent une société. Les mots du romancier William Faulkner nous le rappellent « The past is never dead. It’s not even past ». Mais Kronen critique la tendance actuelle de relire l’Histoire sur un plan moral avec une grille de lecture contemporaine. C’est un prisme qui peut déformer le passé, et pousser à exclure les faits qui ne rentrent pas dans la trame idéologique recherchée. Les progressistes prétendent que seule une politique révolutionnaire, qui comprendrait le paiement de « réparations » aux descendants des esclaves, pourrait guérir l’Amérique du racisme. Passons en revue les arguments historiques invoqués par ces activistes.

La prospérité américaine serait le fruit de l’esclavage pratiqué depuis 1619. Il est irréfutable que le trafic d’êtres humains présente un avantage économique. Sinon il n’aurait pas été pratiqué partout dans le monde. Mais si l’esclavage était une garantie de puissance économique, alors l’Afrique serait le continent le plus riche du monde et les Confédérés n’auraient pas été vaincus par la puissance industrielle du Nord…

Les progressistes pointent du doigt le retour de politiques ségrégationnistes, y compris dans le Nord, dès les années 1920. Un choc migratoire explique cette régression. À partir de 1916, alors que 90% des Noirs vivaient dans le Sud, la « Grande migration » a commencé. 6 millions d’entre eux sont partis dans les métropoles du Nord. Ils n’étaient pas seuls puisqu’une minorité de Blancs pauvres a fait de même. Or un sondage de 1951 à Detroit montre que 21% des résidents de la ville jugeaient « indésirables » les Blancs du Sud contre 13% qui rejetaient les Noirs. Ce n’est donc pas la couleur de peau qui était d’abord visée mais l’accent et la culture des campagnes du Sud très différente des grandes métropoles industrielles.

Les dépenses publiques massives du « New Deal » de Roosevelt auraient exclu la communauté noire, autre preuve de « racisme systémique ». Les travailleurs agricoles n’étaient pas couverts par la nouvelle « Sécurité Sociale ». Les progressistes se trompent d’époque… Un recensement de 1933 montre que 11 millions de Blancs rentraient dans cette catégorie professionnelle contre 2,4 millions de Noirs… On notera par ailleurs qu’entre 1940 et 1960, malgré la ségrégation effective dans de nombreux États, la proportion de foyers afro-américains vivant sous le seuil de pauvreté est passé de 87% à 47%.

Le « Housing Act » de 1949 est aussi pointé du doigt. Cette loi aurait organisé l’urbanisation et favorisé la construction des grandes banlieues américaines tout en laissant de côté la communauté noire. Elle aurait institutionalisé une pratique discutable en cours depuis les années 30. Les autorités divisaient les grandes villes en zones définies par des critères de solvabilité de ses habitants. Les zones « D » entourées de lignes rouges ne pouvaient prétendre à de bonnes conditions de crédit. Les « racialistes » y voient une autre preuve d’une politique délibérée pour enfermer les Noirs dans des ghettos sans perspective d’en sortir. Les conséquences se feraient sentir aujourd’hui encore, entre pauvreté, trafic de drogue et violence. Cette politique d’urbanisation était injuste puisqu’elle ne prenait pas en compte la situation individuelle des foyers mais elle n’était pas raciste. 85% des familles vivant dans ces zones désavantagées étaient blanches…

La révolution morale des années 60 est intervenue avec l’instauration des Droits Civiques et l’interdiction de toute ségrégation. Ces progrès sociétaux majeurs, les milliards de dollars dépensés pour réduire le fossé entre communautés, n’ont pas rempli leurs promesses. Pire, l’amélioration de la situation économique des familles afro-américaines s’est ralentie après ce tournant sociétal. Une étude de 2016 montre qu’une famille blanche a un patrimoine moyen près de 10 fois supérieur à une famille noire. Là encore, les chiffres sont trompeurs car cet écart vient de la frange (10%) la plus riche. Si l’on se concentre sur les moitiés (50%) les plus modestes, blancs comme noirs, la différence n’est que de 3%...

Le passé laisse des traces. Mais les décisions politiques sont plus lourdes encore de conséquences. Ce n’est pas en punissant les vivants pour des faits commis par leurs ancêtres et en persuadant une communauté qu’elle est victime d’injustice qu’on peut espérer des lendemains meilleurs…
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Les disparités économiques entre Blancs et Noirs aux États-Unis sont-elles le fruit d’un « racisme systémique » ?
Historical racism is not the singular cause of racial disparity
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