L’envol de CNews
Culture

L’envol de CNews

Par Philippe Oswald - Publié le 15/09/2020
C’est un pavé dans le PAF (paysage audiovisuel français). Aiguillonnées par les réseaux sociaux, les chaînes d’information continue sont en train d’effectuer leur mue, passant d’informations factuelles (enfin, pas toujours !), à l’affirmation sans ambages d’opinions assumées et plus forcément « politiquement correctes ». La plus en pointe, la plus audacieuse, la moins conformiste est sans conteste CNews (ex-i-Télé), l’antenne de Canal+ (Vivendi). C’est elle qui donne le la dans ce nouveau genre, multipliant les débats et les confrontations d’idées sans céder aux ukases du prêt-à-penser, sous la houlette de Christine Kelly, Pascal Praud, Jean-Marc Morandini, Laurence Ferrari, Sonia Mabrouk, ou encore dans les remarquables éditoriaux de Guillaume Bigot. Fût-ce en bravant insultes et menaces comme celles qui s’acharnent contre Christine Kelly. Autre originalité de CNews, l’excellente émission religieuse « En quête d’Esprit » d’Aymeric Pourbaix, chaque dimanche, à 13h.



Les autres chaînes d’information continue, BFMTV (la chaîne du groupe Altice), LCI (propriété de TF1) et Franceinfo (France Télévisions) tentent de relever le défi et de se repositionner. Sans enthousiasme, semble-t-il : « BFMTV n’est pas du tout une chaîne d’opinion, ni une chaîne de débat pour un public âgé (sic !). Nous, on fait de l’info, avec une vocation majeure : s’adresser à tout le monde. Ce qui est compliqué. C’est plus simple de s’adresser à des niches », répond tout de go Marc-Olivier Fogiel, le nouveau directeur de BFMTV, au Figaro. Même ton sur Franceinfo : « Nous fabriquons de la démocratie (sic !) quand d’autres fabriquent de la fragmentation », grince Laurent Guimier, le nouveau patron de l’information de France Télévisions. « Chez nous, le mot “opinion” n’a de sens que s’il prend un “s” », explique pour sa part Fabien Namias, le directeur général adjoint de LCI. À vrai dire, on ne voit pas quelle chaîne pourrait organiser des débats si une seule opinion avait le droit de s’y exprimer… « Notre priorité ce sont les débats. On ne s’interdit aucun thème ni aucun intervenant sur les sujets qui préoccupent les gens. (…) On a une ligne et on n’en sortira pas », a déclaré au Parisien Serge Nedjar, le directeur général de CNews.

C’est en résistant il y a près d’un an à un véritable tir de barrage médiatique mobilisant les annonceurs pour lui couper les recettes publicitaires que CNews l’a emporté. La cible n°1 était Zemmour, le diable en personne ! Il fallait qu’il dégage, il est resté. Résultat : avec 450 000 téléspectateurs en moyenne, le « Face à l’info » du soir (19-20h, du lundi au jeudi) ou le débat du vendredi (même heure), menés l’un et l’autre par Christine Kelly avec Éric Zemmour en éditorialiste vedette, ont largement contribué à l’envol de Cnews qui a doublé son audience en un an (de 0,7% en juin 2019 à 1,5% en juin 2020), la faisant passer devant LCI, et talonner, BFMTV. Autre succès, l’émission du matin de Laurence Ferrari : la matinale de CNews réunit en moyenne 212 000 téléspectateurs, soit 7.8% de l’ensemble du public. Elle a connu un pic spectaculaire le 14 septembre, avec comme invité le Professeur Didier Raoult : durant les 45 minutes d’interview, l’émission a attiré 371 000 Français, dont 13.4% des CSP+, et 10% des 25-49 ans, soit la troisième place des audiences nationales, derrière France 2 et BFMTV. Dans le classement des chaînes d’information continue, CNews occupe désormais la seconde position. Avec plus de 1,5% des parts d’audience (contre 2,5% pour BFMTV, 1,2%, pour LCI et 0,6 pour Franceinfo), CNews peut espérer devenir rentable l’année prochaine, ce qui ne s’est jamais vu dans l’histoire de la chaîne…

Anecdote pittoresque : la mue des chaînes d’info continue aurait été provoquée par l’Elysée, dont l’hôte était alors François Hollande. Excédé de voir passer en boucle des informations désagréables, par exemple sur l’affaire de ses visites à scooter ou sur la séquence « Léonarda », il aurait poussé à l’émergence d’une nouvelle génération de chaînes d’info faisant la part belle aux analyses et aux débats. Docilement, le CSA avait alors limité à 30% le temps dédié aux « hard news », en bon français à l’actualité « chaude ». Hollande n’imaginait sûrement pas la façon dont CNews allait occuper ce nouvel espace médiatique !
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L’envol de CNews
Du « hard news » à l’affirmation d’opinions, la grande mutation des chaînes d’info
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