Le SOS du Liban
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Le SOS du Liban

Par Philippe Oswald - Publié le 07/07/2020
Le cardinal Béchara Raï, patriarche d’Antioche des maronites, lance un appel au secours à la communauté internationale pour son pays, le Liban. Le Pays du Cèdre plonge dans l’abîme politiquement, économiquement, socialement… Sa dette publique atteint 92 milliards de dollars, soit plus de 170% du PIB. En un an, une entreprise sur cinq a fermé et le chômage frappe 35% de la population active. À cause de la chute vertigineuse de la monnaie, de l’effondrement du pouvoir d’achat, des licenciements, la famine fait son apparition. On ne compte plus les suicides… Les manifestations, blocages de routes et affrontements avec les forces de l’ordre se multiplient.

Pour dénoncer l’impasse politico-financière au Liban, le directeur général du ministère des finances libanais, Alain Bifani, a démissionné le 1er juillet, alors qu’il était en pleine négociation avec le FMI. Il pointe la collusion entre les milieux politiques et le secteur bancaire qui refusent de contribuer à l’assainissement des finances publiques pour reporter « tout le poids [de la dette] sur l’ensemble des Libanais dont l’appauvrissement est d’une ampleur et d’une rapidité sans précédent ». Au cours de son homélie dominicale, le 5 juillet, le cardinal Raï a lui aussi mis en cause les élites politico-financières, « ces politiciens [qui] semblent vouloir dissimuler leur part de responsabilité dans le pillage du Trésor public et se dérober à toute réforme structurelle ou sectorielle ».

Le Liban paye aujourd’hui durement l’incurie et la corruption de ses gouvernements successifs qui se livrent à un partage clientéliste des ressources publiques. Depuis trente ans, ils ont tout misé sur les importations au lieu d’investir dans la production industrielle et agricole nationale. Pour financer des services publics défaillants, ils ont emprunté massivement aux banques libanaises, à des taux bien supérieurs à ceux des banques étrangères. Mais ces arrangements entre complices ont fini par lasser les bailleurs traditionnels dont la diaspora libanaise.

Si la responsabilité de la classe politique libanaise est première, la guerre en Syrie a de rudes répercussions sur le voisin libanais. Parmi les clients traditionnels des banques libanaises figuraient les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite. Ces champions de l’islam sunnite ont repris leurs billes depuis la formation, le 21 janvier 2020, du gouvernement Hassan Diab (premier ministre libanais) avec l’appui du Hezbollah, parti chiite allié à l’Iran des mollahs et à la Syrie de Bachar el-Assad. Alors que la crise sanitaire a gelé le trafic, les sanctions internationales infligées à la Syrie ont été renforcées le mois dernier par la loi César votée à Washington, visant tous ceux qui apportent un « soutien substantiel » au gouvernement syrien – or, ils sont nombreux au sein des personnalités politiques libanaises, membres du Hezbollah ou du parti du président Michel Aoun.

L’imbrication entre les économies syrienne et libanaise est ancienne. Nombre de Syriens ont entreposé leur argent au Liban. Mais les réserves en devises de la « Suisse du Proche-Orient » ont fondu comme neige au soleil. La livre libanaise est indexée arbitrairement sur le billet vert depuis 1997. Lorsque les banques libanaises ont limité les retraits en dollars auprès du grand public, en novembre dernier, elles ont aussi coupé l’accès des Syriens à leur argent. La banque centrale syrienne a dévalué la monnaie locale de près de 45%, la valeur de la livre libanaise – officiellement d’un dollar pour 1507 livres – atteint les 5000 livres, voire les 6000 sur le marché noir, soit une chute de 80%. L’explosion des transactions en liquide pour échapper aux services de renseignements américains a précipité l’effondrement du taux de bancarisation dans les deux pays. L’essentiel des paiements s’effectue en cash, comme au temps de la guerre civile libanaise (1975-1990).

Le Liban s’est déclaré en défaut de paiement début mars, sa Banque centrale étant incapable de verser le 1,2 milliard de dollars exigé par les créanciers. Depuis, les Libanais n’ont plus accès à leur épargne en dollars qu’au compte-gouttes (100 dollars par semaine) et moyennant une conversion forcée vers la livre libanaise à un taux largement inférieur au marché. La plongée aux abîmes de la livre libanaise s’accélère : le dollar vient de dépasser les 9000 livres, soit quatre fois le prix auquel il s’est échangé pendant vingt-cinq ans. Rien ne semble pouvoir enrayer l’inflation et la flambée des prix dans un pays largement tributaire des importations. 45% des Libanais vivent déjà sous le seuil de la pauvreté, mais ils pourraient être 60% d’ici à la fin de l’année. À l’unisson avec le cardinal Raï, le peuple libanais veut espérer « un nouveau pacte social, un nouveau système politique, une sortie du communautarisme débridé », explique Karim Bitar, directeur de l’Institut des sciences politiques de l’université Saint-Joseph de Beyrouth (en lien ci-dessous).
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